L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo reste en prison

Photo CPI

Liberation

La Cour pénale internationale a rejeté sa demande de mise en liberté provisoire ce jeudi. Gbagbo est accusé de crimes contre l’humanité.

La demande de mise en liberté provisoire de l’ancien président ivoirien Laurent Gbabgo, soupçonné de crimes contre l’humanité et écroué à La Haye, a été rejetée par la Cour pénale internationale (CPI), a-t-on appris jeudi auprès de celle-ci.

«Le juge unique rejette la requête de la défense demandant la mise en liberté provisoire», a indiqué la juge Sylvia Fernandez de Gurmendi dans une ordonnance publiée jeudi sur le site internet de la Cour.

La défense avait déposé le 1er mai une requête demandant la libération de Laurent Gbagbo, 67 ans, assurant notamment que cela lui permettrait de «récupérer physiquement et moralement, ce qui lui permettra d’être en forme pour participer à la procédure judiciaire».

La défense affirmait également que Laurent Gbagbo, écroué à La Haye depuis novembre 2011, n’avait pas les moyens financiers de prendre la fuite, ses avoirs ayant été gelés.

Crise meurtrière

Ces arguments ont été réfutés par la juge qui a estimé notamment que la gravité des charges de crimes contre l’humanité dont est soupçonné Laurent Gbagbo et la durée de la peine de prison encourue sont «une incitation à la fuite». Il existe en Côte d’Ivoire «un réseau important et bien organisé de supporteurs politiques de Laurent Gbagbo», qui a également des «contacts politiques» à l’étranger, souligne par ailleurs la juge.

«Ce réseau de soutien a réussi à ce que plus de 140 000 appels téléphoniques soient adressés à la Cour sur une courte période en décembre 2011», précise-t-elle. «Le risque existe que M. Gbagbo utilise les moyens que son réseau de soutien pourrait lui fournir pour prendre la fuite», estime la juge.

Premier ex-chef d’Etat remis à la CPI, Laurent Gbagbo est soupçonné par la CPI d’être «co-auteur indirect» de crimes contre l’humanité commis pendant les violences post-électorales de 2010-2011.

Son refus de céder le pouvoir à son rival élu, l’actuel président Alassane Ouattara, avait plongé le pays dans une crise qui avait fait 3 000 morts. L’audience de confirmation des charges pesant contre l’ancien président ivoirien, préalable à la tenue d’un éventuel procès, débutera le 13 août.

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La CPI dit niet à Gbagbo pour sa liberté provisoire

César DJEDJE MEL source: Linfodrome

Ce jeudi 19 juillet 2012, la revue de presse s’est intéressée à la réponse de la CPI à Gbagbo suite à sa requête de liberté provisoire, aux rapports du Président Ouattara avec l’extérieur et l’arrestation des tueurs des casques bleus.

Gbagbo restera encore en prison à La Haye

« CPI : La liberté provisoire refusée à Gbagbo », barre la Une Soir Info. La juge Silivia Fernandez de Gurmendi a indiqué que les assurances de M. Gbagbo (bonne conduite) ne sont pas en soi suffisantes pour lui accorder une liberté provisoire » au vu de la gravité des accusations portées contre M. Gbagbo, et à la longue peine qui peut en découler dans le cas d’une condamnation ». Elle a ajouté qu’une telle faveur peut « constituer une incitation pour lui pour prendre la fuite ». Elle évoque aussi un risque que Gbagbo utilise « les moyens que son réseau de soutien pourrait fournir en vue de prendre la fuite dans le cas où il lui serait accordé une liberté provisoire ». Le Nouveau Courrier analyse ces arguments de la juge et trouve que « Gbagbo est puni parce qu’il est trop populaire ». En outre, il y voit une injure contre les pays africains signataires du statut de Rome que la CPI quant à leur incapacité de rendre disponible un accusé, et donc à leur sérieux. Puisque la juge est informée de ce qu’un pays africain veut recevoir Gbagbo tout en lui appliquant les mesures à même d’empêcher sa fuite. L’action de la CPI est critiquée par l’ex-vice présidente de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire Amon Agoh Marthe (pro-Gbagbo). Dans L’Expression elle dit que « la CPI est allée un peu trop vite en besogne concernant le cas Gbagbo. Parce que la Côte d’Ivoire est déchirée depuis 2000 ». Puis d’ajouter « Je ne peux pas préjuger que la CPI rende un verdict équitable dans le procès de Laurent Gbagbo ».

Action diplomatiques de Ouattara

Le président ivoirien est en Chine où il prend part au forum Chine-Afrique. Fraternité Matin annonce qu’il aura un tête-à-tête avec son homologue chinois Hu Jintao. Pour cette offensive éco-diplomatique, L’Intelligent d’Abidjan note que Ouattara a mis le paquet en embarquant avec lui sept ministres pour convaincre Pékin. Et les dossiers que le chef de l’Etat proposera aux Chinois sont ceux des infrastructures, l’énergie, la défense et sécurité, le transport, le commerce. Mais pour ce qui concerne sa rencontre avec François Hollande à Paris, Notre Voie fait des révélations sur ce « qu’Hollande lui réserve ». Un homme politique proche du président français qu’il a cité a déclaré que « les relations entre les Etats transcendent les individus alors les chefs d’Etat français et ivoirien devraient, de toutes les façons se rencontrer. Mais le fait qu’Alassane soit reçu en dernière position est lourd de sens au plan diplomatique. Ce n’est pas anodin ». Ce dernier avance qu’à ce rendez-vous, Hollande exigera la libération des prisonniers pro-Gbagbo, le respect des droits de l’homme. Ce qui pourrait conditionner le maintien ou non de la base militaire française en Côte d’Ivoire. Car en France, on s’interroge sur la nécessité de la présence militaire française dans ce pays, a-t-il dit. De son côté, Le Quotidien d’Abidjan écrit que le N°1 ivoirien a essuyé un revers diplomatique venant du Tchad. En effet, le président tchadien, Idriss Deby Itno, a déclaré à Jeune Afrique que « le Tchad n’enverra pas de troupes au Mali sous la bannière de la CEDEAO ». Les raisons sont le fait qu’il n’ait pas été associé aux prises de décisions dès les premières heures de cette crise.

Instabilité sous-régionale

« Des tueurs des casques bleus nigériens arrêtés au Liberia », annonce L’Inter. C’est le gouvernement libérien qui lui-même a donné l’information, affirme t-il. Ces mercenaires libériens répondent aux noms d’Edward K.Col, Neezee Barway et Isaac Tayron. Ils ont été pris le lundi dernier. Quant à Nord-Sud Quotidien, il indique que l’un des Ivoiriens extradés du Liberia au lendemain des attaques à l’ouest est un neveu de Laurent Gbagbo. Un chef milicien qui se fait appeler Rougeo. De son vari nom Guéhi Bleka Henri Joël, ce dernier a fait partie des miliciens qui ont semé la terreur à Yopougon. D’après une source judiciaire, le journal avance que Rougeo a bénéficié de gros moyens pour assouvir sa besogne. « Les islamistes aux portes de la Côte d’Ivoire » est l’alerte que donne Le Quotidien d’Abidjan. Il révèle que des Ivoiriens se sont fait enrôler dans les rangs des moudjahidines à Gao. Un des leurs qui se fait appeler Ahmed El Guédir.

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Human Rights Watch
La CPI doit encore asseoir sa légitimité en Côte d’Ivoire
par Matt Wells

Pour l’instant, la Cour Pénale Internationale (CPI), qui fête son 10e anniversaire, n’a émis de mandats d’arrêt que contre un seul des deux camps du récent conflit ivoirien. De hauts responsables du gouvernement de Côte d’Ivoire s’appuient sur ce fait pour justifier leur propre approche sélective de la justice. Celle-ci fait fi de milliers de victimes et entrave le retour d’un État de droit dans le pays.

Ces manœuvres des responsables ivoiriens rendent encore plus urgente la nécessité de voir le nouveau procureur de la CPI, Mme Fatou Bensouda, examiner, de manière visible, toutes les allégations de crimes, indépendamment des appartenances politiques. Tout retard en la matière ne fait que renforcer la position de ceux qui cherchent à utiliser la CPI à des fins politiques.

Au lendemain du second tour de l’élection présidentielle de novembre 2010, la Côte d’Ivoire a connu six mois de graves atteintes aux droits humains au cours desquels au moins 3 000 personnes ont été tuées et plusieurs centaines de femmes violées, principalement pour des motifs politiques et ethniques. Cette violence a été, à bien des égards, le point culminant d’une décennie marquée par l’impunité pour des crimes graves et par de vives tensions politico-ethniques dans un contexte où les règles de droit ont largement laissé la place à des milices d’autodéfense.

Le pouvoir a changé de mains, mais la justice impartiale maintes fois promise par le président Alassane Ouattara reste essentielle pour que le pays parvienne à surmonter ses divisions communautaires toujours profondes.

Alors que les forces fidèles à l’ancien président Laurent Gbagbo ont commis la plupart des crimes pendant les premiers mois de la crise postélectorale, les forces pro-Ouattara ont commis des crimes graves après le lancement de leur offensive militaire visant à écarter Gbagbo du pouvoir. Les forces armées des deux camps ont été impliquées dans des crimes de guerre et probablement dans des crimes contre l’humanité, comme cela a été documenté, entre autres, par la Commission d’enquête internationale mandatée par les Nations Unies, l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), Human Rights Watch, Amnesty International et la Fédération internationale des droits de l’Homme.

Quinze mois après l’arrestation de Gbagbo par les forces pro-Ouattara, les procureurs militaires et civils de Côte d’Ivoire ont mis en examen plus de 140 personnes pour des crimes postélectoraux, toutes appartenant au camp Gbagbo. La nature unilatérale des poursuites judiciaires a attiré les critiques des organisations de défense des droits humains, des diplomates et de la société civile ivoirienne. En réponse, de hauts responsables du gouvernement ont commencé à expliquer le manque de justice impartiale en se tournant vers un allié inattendu : la CPI.

Dans une interview du 8 juillet accordée à Radio France Internationale, Guillaume Soro, ancien Premier ministre de Ouattara et actuel président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, a déclaré à propos du manque de justice pour les crimes commis par son camp : « Pour ne pas, justement, être accusé d’avoir une justice des vainqueurs, nous avons fait appel à la Cour pénale internationale, […] on ne peut pas soupçonner la CPI d’être complaisante ou de choisir… Jusqu’à présent, la CPI a été appelée à venir faire des investigations en Côte d’Ivoire. La CPI n’a, à ma connaissance, émis que quatre mandats (d’arrêt, NDLR) [tous contre le camp Gbagbo]. (Et) vous me direz (conviendrez, NDLR) que la CPI a décidé sur la base d’enquêtes. »

Invitée par le président Ouattara à enquêter sur les violences postélectorales, la CPI a rapidement pris la décision regrettable de procéder par étapes successives pour ses enquêtes : se pencher d’abord sur le camp Gbagbo, avant de mener les enquêtes promises sur les crimes perpétrés par les forces pro-Ouattara. Cette décision était en partie liée aux défis auxquels est confronté un tribunal débordé et au budget insuffisant. Le gouvernement Ouattara était prêt à aider la CPI à monter rapidement un dossier contre Gbagbo. La présence éventuelle de Gbagbo en Côte d’Ivoire suscitait en outre des préoccupations sécuritaires lors des préparatifs des élections législatives de décembre dernier. D’un point de vue pratique, en novembre dernier, la CPI a répondu au principal souhait du gouvernement ivoirien : le transfèrement de Gbagbo à La Haye.

En même temps, les conséquences d’une stratégie consistant à procéder par étapes successives étaient facilement prévisibles. Les arrestations et les poursuites judiciaires unilatérales avaient déjà commencé en Côte d’Ivoire. La décision de la CPI de se pencher d’abord sur le camp Gbagbo n’a fait que renforcer le sentiment d’une justice des vainqueurs. Aussi longtemps que la justice restera unilatérale, les plaies communautaires profondes dans le pays seront ravivées. Et comme les propos de Soro l’indiquent très clairement, les retards dans la stratégie de la CPI en Côte d’Ivoire ont été interprétés à tort comme le feu vert pour appliquer une justice sélective dans le pays.

La plupart des partisans modérés de Gbagbo avec lesquels je me suis entretenu au cours des douze derniers mois voyait dans la CPI le meilleur espoir de sortir de l’impasse d’un système judiciaire politisé, qui a été l’une des principales causes de la violence politique au cours de cette dernière décennie dans le pays. La société civile ivoirienne a exprimé une confiance similaire dans la CPI, du moins si on la compare aux mécanismes judiciaires nationaux. Il doit être profondément choquant pour ces Ivoiriens de voir l’une des personnes les plus puissantes du pays invoquer la CPI pour justifier le fait que les victimes des crimes odieux commis par les forces pro-Ouattara n’ont aucun recours pour obtenir justice.

Les propos de Soro doivent être un signal d’alarme pour la CPI. Le transfèrement de Gbagbo et son procès à venir sont des étapes positives pour de nombreuses victimes et pour la justice internationale, mais la CPI ne peut pas différer plus longtemps l’examen des atrocités perpétrées par l’autre camp. La légitimité de la Cour en Côte d’Ivoire est en jeu. Plus fondamentalement, le sentiment parmi un nombre considérable d’Ivoiriens que la CPI agit comme un instrument au service de ceux qui détiennent le pouvoir pourrait alimenter davantage les tensions politico-ethniques et amoindrir la capacité de la Cour à obtenir la coopération de certains groupes de victimes lors de futures enquêtes.

La CPI n’a pas pour vocation de se faire discrète face au gouvernement en place. Son rôle est de mettre en examen, de manière individuelle et impartiale, les auteurs de crimes relevant de sa compétence, sur la base de preuves concernant des responsables de haut-rang. En Côte d’Ivoire, la Cour doit confirmer clairement qu’aucune personne ayant commis des atrocités ne se trouve au-dessus des lois, quel que soit son rang militaire ou son appartenance politique.

Matt Wells est chercheur sur la Côte d’Ivoire à Human Rights Watch.

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