Le Point.fr – Par HERVÉ GATTEGNO
Justiciable ordinaire à partir de la mi-juin, Nicolas Sarkozy est déjà la cible de recherches policières qui n’ont plus à être discrètes. Le juge Jean-Michel Gentil, qui instruit à Bordeaux le dossier à tiroirs de l’affaire Bettencourt, a chargé la brigade financière de questionner un à un les fournisseurs de la campagne présidentielle de 2007. Objectif : retrouver d’éventuelles traces de paiement en espèces qui accréditeraient l’hypothèse d’un financement occulte du candidat grâce aux fonds secrets de la famille Bettencourt.
Les investigations ordonnées par le magistrat ont commencé dans la plus grande discrétion dès avant la dernière présidentielle, qui a vu la défaite de Nicolas Sarkozy. À ce jour, les dirigeants d’une demi-douzaine d’entreprises ont été interrogés par les policiers. Le juge Gentil avait saisi, au début de l’année, le compte du candidat Sarkozy en 2007 auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Aucune perquisition n’a été menée dans les sociétés concernées. Selon les sources du Point, ces auditions n’auraient mis en évidence aucun paiement dissimulé.
Les confidences de l’entourage de Mme Bettencourt
Les enquêteurs soupçonnent que Nicolas Sarkozy ait pu bénéficier – directement ou via le trésorier de sa campagne Éric Woerth – de remises d’argent occultes qui coïncideraient avec la remise de fonds évoquée en avril 2007 dans les carnets de François-Marie Banier, selon des propos attribués par celui-ci à Liliane Bettencourt : « De Maistre m’a dit que Sarkozy avait encore demandé de l’argent. J’ai dit oui », lui aurait alors confié la milliardaire. Interrogé depuis par le juge, le photographe a relativisé l’importance de cette annotation, jusqu’à envisager que Mme Bettencourt n’avait pas cité le nom de Nicolas Sarkozy.
Plusieurs employés des Bettencourt ont toutefois évoqué une ou plusieurs visites du futur président dans leur hôtel particulier de Neuilly durant la période présidentielle. Questionné par la police le 9 juillet 2010, un maître d’hôtel a indiqué que Nicolas Sarkozy était « venu une semaine avant la présidentielle, en fin de matinée, pour une visite de courtoisie d’une dizaine de minutes » – comme le révélait Le Point du 16 février. À l’inverse d’autres membres du personnel, le témoin a cependant juré n’avoir « jamais eu connaissance de remises d’enveloppes à des politiques ». Dans une audition citée par Le Monde, un chauffeur a aussi rapporté qu’entre les deux tours de 2007, « M. Sarkozy était venu voir Monsieur et Madame très rapidement, que c’était pour demander des sous ».
Patrice de Maistre nie toujours
Le juge cherche par ailleurs d’éventuelles concomitances entre des règlements effectués durant la campagne présidentielle et les livraisons de fonds transférés en 2007 à partir des comptes suisses de la famille Bettencourt sur les instructions de Patrice de Maistre, alors chargé de la gestion de la fortune de l’octogénaire. Incarcéré depuis le 23 mars, ce dernier nie fermement avoir eu connaissance de la destination de ces sommes.
Les recherches commandées par le juge Gentil accréditent le scénario d’une convocation de Nicolas Sarkozy pour répondre à des questions sur le financement de sa campagne et ses liens avec la famille Bettencourt. Pour l’heure, rien n’indique néanmoins que les enquêteurs disposent d’assez d’éléments pour qu’il puisse être mis en examen ou entendu sous le statut de témoin assisté. Aucun calendrier précis ne semble pour l’instant fixé.
De sources judiciaires concordantes, on estime dès lors que la première prestation du ci-devant président de la République pourrait toutefois intervenir à Paris dans un dossier ouvert sur… sa propre plainte : celle qu’il a déposée pour « faux et usage de faux » contre Mediapart après la publication par le site d’information d’un document censé établir l’existence d’un projet de financement de la même campagne de 2007 par le régime libyen du colonel Kadhafi. Le parquet de Paris a ouvert, le 30 avril, une enquête préliminaire à ce propos, retenant les qualifications de « faux et usage de faux » ainsi que de « publication de fausse nouvelle ».
La police devrait, dans un premier temps, interroger deux des personnalités citées dans cette note controversée : l’intermédiaire Ziad Takieddine (qui a qualifié le document de « crédible », mais en a démenti le contenu) et l’ancien ministre Brice Hortefeux. Le second ne devrait pas être interrogé avant le second tour des législatives, compte tenu de ses fonctions à la tête de l’UMP. Nicolas Sarkozy serait convoqué peu de temps après lui.
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