Le poisson va manquer – Les raisons

Le poisson frais, de plus en plus rare sur le marché ivoirien, va bientôt disparaître. La menace, d’après des professionnels du secteur des pêcheries est réelle, les pêcheurs ivoiriens éprouvant d’énormes difficultés à « monter en mer ».

« Le carburant est trop cher ce qui fait que nous ne sommes plus à mesure d’aller en mer. A cela, il faut ajouter la rareté de la ressource liée pillage de nos eaux », a expliqué un responsable de l’Union des armateurs à pêche fraîche, que nous avons rencontré le 31 mai 2012, au Port d’Abidjan. Koné Katié, secrétaire exécutif de cette union, a indiqué que la hausse du prix du gasoil est une difficulté qui a été présentée au ministre des Ressources animales et halieutiques depuis plusieurs semaines mais qui tarde à être solutionnée. « Nous avons adressé un courrier au ministre en avril 2011 pour lui expliquer nos difficultés. Le 5 décembre, nous sommes montés encore au créneau pour dénoncer une hausse injustifiée du carburant. En juillet 2008, lorsque le prix du baril de pétrole a atteint les 140 dollars, on a fixé le litre de gasoil à 521 francs Cfa (sous douane). Mais quand les coûts mondiaux ont baissé, la tendance n’a pas suivi. En décembre 2011, alors que le baril coûtait 97 dollars, le litre de gasoil est resté à 521 francs Cfa, ce qui n’était normal », a fait remarquer Koné Katié.

Toujours selon ses explications, de décembre à janvier 2012, trois rencontres ont été organisées avec leur ministère de tutelle et la direction des hydrocarbures. « La structure du prix qui nous a été présentée ne nous renseignait en rien. Nous sommes en définitive arrivés à la conclusion que seule une décision politique peut sauver notre secteur : une subvention du gasoil à la pêche. Selon les calculs faits, l’Etat devrait pouvoir soutenir le secteur à hauteur de 1 voire 1,5 milliard par an. Ce qui n’est pas la mer à boire pour la Côte d’Ivoire. Ce montant a été calculé à partir du seuil de rentabilité des navires lors d’une étude réalisée par le comité interministériel de crise mis en place en 2008. Sur cette base, le gasoil devrait coûter 340 francs Cfa le litre », a-t-il estimé. Le ministère, a ajouté ce responsable des armateurs, leur a demandé de fournir des documents lui permettant de préparer une communication en conseil des ministres. Ce qui a été fait avant la fin du mois de février 2012.

Cherté du poisson frais

« Nous étions dans l’attente de cette décision qu’en avril on nous annonce que le gasoil coûte 538 francs Cfa le litre. 521 francs nous disons que c’est excessif et on augmente le prix à 538 francs Cfa. Nous avons écrit au ministère pour lui signifier qu’un tel prix est suicidaire pour nous. Depuis le 10 avril les bateaux sont garés, seuls quelques uns vont en mer. Trois navires, un Chinois, un Coréen et un autre Sénégalais mais qui battent pavillon ivoirien continuent un peu l’activité. C’est ce qui explique que le poisson frais est de plus en plus rare sur le marché. Mais je ne pense pas que dans les jours à venir il sera de plus en plus difficile pour nous de partir en mer. Les navires utilisent entre 4.000 et 10.000 litres de gasoil par marée», a-t-il souligné. Une situation aggravée par la rareté des ressources halieutiques.

Ce qui contraint les pêcheurs à aller plus loin, alourdissant davantage leurs charges. « Nous enregistrons d’énormes pertes. Un sardinier qui quitte le port d’Abidjan allait vers Grand Bassam et en l’espace de 24 heures pouvait revenir. Parce que le poisson est devenu rare, il est obligé d’aller jusqu’à Jacqueville ou Grand Lahou. Plus il s’éloigne plus il consomme du carburant. Ce sont des dépenses. Et bien souvent, les filets ne rapportent pas grand’ chose », a laissé entendre le secrétaire exécutif de cette organisation des armateurs. Il a dénoncé le pillage systématique des eaux par des bateaux étrangers n’ayant pas l’autorisation de pêcher dans les eaux ivoiriennes. Ces clandestins ont des filets qui ne sont pas conventionnels et qui ramassent tout, même les alevins, mettant ainsi en danger, la chaîne de reproduction.

Il a par ailleurs, indiqué qu’au cours de la dernière décennie, 47 navires ivoiriens ont échoué, coulés ou ont été désarmés du fait des difficultés que rencontrent les armateurs. « Ils ne peuvent plus supporter les charges, ils mettent la clé sous le paillasson », a regretté Koné Katié. Ces explications de Koné Katé justifient en partie la cherté de ce produit sur le marché. D’ailleurs, pour eux, il ne faut pas s’attendre à une baisse du prix du poisson frais si les choses restent en l’état. « Même si les armateurs reprennent, ils devront vendre cher le poisson pour rentabiliser leur activité. Le secteur de la pêche frais est sinistré et risque de couler définitivement si rien n’est fait. Les Ivoiriens devront alors se contenter de poissons congelés et ou importés.

Jonas BAIKEH

Soir Info

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