« Le retour du criminel sur le lieu du crime » Alassane Ouattara dans l’Ouest

«La tournée de Ouattara dans l’ouest de la Côte d’ivoire est un non-évènement pour nous»

Entretien avec Théodule Tikoye, Président de la voix des Wê du Royaume Uni

Depuis le début de la rébellion en 2002 en Côte d’Ivoire, le peuple Wê n’a cessé de subir les atrocités des rebelles transformés en FRCI. Des assassinats, des viols, des amputations ont été commis de façons récurrentes sur les populations sans défense et ce sur une très longue période. En prélude à la tournée du Chef de l’État en pays Wê, le Président Théodule Tikoye de la voix des Wê du Royaume Uni nous donne ces impressions quant aux évènements en cours et notamment à la réconciliation un concept apparemment mal compris par le pourvoir en place en Côte d’ivoire.

Mr Tikoye, à l’heure où l’ouest votre région, défigurée par la rébellion est en plein ébullition quant à la tournée du Chef de l’État, quelles sont vos impressions ?

Je voudrais tout d’abord, saluer la mémoire de nos illustres disparus, massacrés par les tueurs de celui-la même qui a décidé d’aller saboter le deuil qui nous a frappés et continue encore de le faire présentement, car en pays Wê, le deuil prend fin après toutes les cérémonies funéraires. Or dans notre cas nous n’avons pas retrouvé les corps de certains de nos parents disparus afin de leur donner une sépulture et passer le deuil. Maintenant pour revenir à votre question, je suis animé par un sentiment de colère, d’amertume et d’indignation car je perçois la visite de Dramane Ouattara chez nous comme, le retour du criminel sur le lieu du crime. Et c’est en occurrence un non-événement pour la majorite des Wê et moi-même malgré le grand tapage médiatique qui s’abat autour de ce déplacement à l’ouest. Vous verrez que cette visite accouchera d’une souris et les problèmes cruciaux demeureront.

Pourtant, plusieurs personnes notamment des Wê comme vous pensent que cette visite aura des retombées économiques sur votre région. Êtes-vous de cet avis?

De quelles retombées économiques parle-t-on? Qu’est ce que Dramane Ouattara apportera à la région de façon concrète si ce ne sont que des promesses irréalisables? On dit déjà que la visite va coûter environ 1 milliards de FCFA parce qu’il faudra refaire les routes qui ont été abîmées. A 2 jours de la visite dites-moi qu’est ce qui a été reconstruit. Les refugiés de la mission catholique ont-ils rejoints leurs villages, les exiles sont ils revenus, les villages détruits ont-ils été reconstruits? Veut-on comme d’habitude cacher le soleil avec la main? Écoutez, que l’on arrête de distraire ce peuple qui n’a que trop souffert.

Vous êtes en étroite collaboration avec la Côte d’Ivoire, quelle est le point de la situation sur le terrain?

Le point de la situation sur le terrain est un statu quo, c’est-à-dire que la situation du peuple Wê ne s’est guère améliorée un an après les massacres. Elle s’est même dégradée, car nous avons des villages abandonnés par les autochtones et habités par les allogènes burkinabés et dozos et certains poussent l’outrecuidance de s’autoproclamer chef de village. Les plantations sont prises de force. Nos parents vivent dans le dénuement total, les plus chanceux vivent des transferts d’argent de leurs enfants à l’étranger. C’est cela la réalité du terrain aujourd’hui dans le grand ouest. Toute autre analyse serait faire preuve de cécité intellectuelle, de méchanceté gratuite contre ce paisible peuple victime de son hospitalité légendaire. Les massacres continuent sous l’œil complice des nations unies. En ce moment des jeunes Wê traités de miliciens du Président Laurent Gbagbo sont arrêtés et exécutés sans forme de procès. La Côte d’Ivoire notre pays est en régression, et la situation ne saurait perdurer. Il n’y a pas de miliciens pro-Gbagbo dans notre région, mais plutôt des miliciens pro-Ouattara dont particulièrement un Amadé Ouremi qui a prit en otage la forêt sacrée du mont Peko et y perpétue des exactions en toute impunité sous l’œil complice des autorités de la région.

Le 18 Juin prochain, le Président Laurent Gbagbo accusé d’avoir commis des crimes notamment en pays Wê sera jugé. Que font les différentes associations des Wê ? Ont-ils porté plainte afin que les vrais coupables soient châtiés ou croient-ils que le Président Laurent Gbagbo est coupable?

Nous avions à la voix des Wê, à plusieurs reprises dénoncé les massacres du peuple WÊ et nous continuons dans cette logique. Les coupables des massacres du peuple WÊ, sont les rebelles de Ouattara rebaptisés FRCI. Ce n’est d’ailleurs pas nous qui le disons mais les organisations des droits de l’homme sur le terrain qui de façon unanimes l’ont dit. Tout le moment entier est au courant, et des preuves circulent à cet effet. Le président Laurent Gbagbo n’est ni impliqué de loin ou de près dans ce génocide en cours en pays WÊ. Et ces atteintes gravissimes des droits de l’homme dans l’ouest de la Côte d’Ivoire ne lui seront pas imputées. Pourquoi tuerait-il ceux qui ont voté à plus de 80% pour lui? Derrière l’argument voulant que les WÊ paient leur attachement au régime du Président se cache la volonté de nous évincer définitivement de nos régions respectives tout simplement dans le but de faire main basse sur nos richesses. Nous, à la voix des WÊ nous avons porté plainte contre Ouattara et ses rebelles à la CPI.

Après la sortie de Mme Rose Marie Guiraud, il semble que plusieurs Wê de la diaspora soutiennent la réconciliation nationale. Quelle est la position de la Voix des Wê de Londres?

Nous estimons que la sortie de Rose Marie Guiraud est un coup d’épée dans la mer. La doyenne est complètement déconnectée des réalités WÊ en ce moment. En pareille situation, la sagesse aurait recommandé qu’elle se taise, au lieu de servir de dinde de la farce. La réconciliation telle que menée par Banny et Ouattara est vouée a l’échec, on n’a pas besoin d’être un devin pour le savoir.

En fait avec qui veulent-ils se réconcilier? Avec les ivoiriens, avec les WÊ, ou simplement avec leurs propres partisans? C’est à cela que nous assistons en ce moment, et c’est ce qui va se passer à l’ouest. Peut-on sincèrement penser se réconcilier avec les WÊ quand la presque totalité des cadres de la majorité présidentielle de la région sont soient en exil ou en prison? Que représente une Anne Ouloto à Toulepleu, quand le Ministre Alphonse Voho Sahi, Paul Dokui courent toujours. Avec qui se réconcilie t-on à Bloléquin, quand les Marcel Gossio sont sous mandats d’arrêt. Que dire de Guiglo quand des leaders comme Mme la Ministre Angèle Gnonsoa, les Ministres Hubert Oulaye, et Emile Guirieoulou, sont tous des prisonniers en sursis? À Duekoue, Bangolo, Kouibly, Facobly, la chasse à la majorité présidentielle continue. Tant que Ouattara et Banny voudront faire du sur place, créer des substituts de leaders qui ne représentent rien dans la région la réconciliation sera une vue de l’esprit.

Que pensez-vous réellement de la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire?

La réconciliation en Cote d’Ivoire ne peut aboutir si Banny et Ouattara s’entêtent dans sa forme actuelle. Banny peut continuer de s’agenouiller toute une année, il n’obtiendra rien. Ouattara peut même déménager à l’ouest, ce sera toujours le statu quo, la force ne résoudra pas le problème. D’ailleurs les élections législatives devraient leur donner une idée de ce que les ivoiriens pensent d’eux et de leur réconciliation. Ils connaissent la solution mais feignent de l’ignorer, et bien tant pis pour eux. Il ne peut avoir de réconciliation nationale, tant que des dignes fils de la Côte d’Ivoire sont en exil ou emprisonnés pendant que des criminels de tout acabit seront les maîtres de notre pays. Tant que le président Gbagbo sera à la Haye, les ivoiriens fidèles à lui ne reconnaitront jamais Ouattara. D’ailleurs les différentes mobilisations des ivoiriens me donnent raison. Concernant les WÊ, tant que les dozos et burkinabés occuperons nos forets, nos villages, la réconciliation avec les WE restera un leurre.

Quel est votre message à l’endroit de vos frères et sœurs Wê de la diaspora?

Mon message à la diaspora, c’est de maintenir la flamme de la solidarité qui existe en ce moment. Aidons nos parents à être dignes où qu’ils soient, prison, exile etc.. Continuons à les soutenir moralement surtout financièrement. Être WÊ ne doit pas être considéré comme une fatalité. Il faut être fier de l’être WÊ en tout lieu et en toute circonstance. Je salue tous les mouvements WÊ de la diaspora qui font beaucoup pour leurs parents. Mention spéciale à l’ODEWE de Maître SEED ZEHE, à la fédération des WÊ de l’Amérique du Nord, et au groupe WEHOUN, pour son excellent travail sur le net. Tous ensembles dans l’unité, la solidarité et la cordialité, nous serons encore plus forts.

Amougnan en toute Wêtitude.

Interview réalisée par N. Aurélie

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