Côte d’Ivoire Affaire Guy André Kieffer L’auteur du crime…

Les médias internationaux et leurs satellites locaux, viennent de remettre sur la place publique l’affaire Guy André Kieffer. En effet, à l’occasion de la 8ème année de sa disparition, le parking du super marché Prima (commune de Marcory) fut le lieu indiqué pour se souvenir du journaliste disparu.

Le Nouveau Courrier

L’occasion fut donc trouvée pour s’adonner à une propagande détestable. France 24, a consacré une bande déroulante au triste évènement, RFI, ONUCI FM, la télévision et la radio d’Etat n’ont pas non plus boudé le désir d’étaler leurs carences. Le quotidien pro-Ouattara, le Patriote, a joué sa partition en barrant à sa Une : Où le FPI a-t-il caché le corps de Kieffer? Les couleurs choisies en disent long sur l’intention du RDR : «Où le FPI a-t-il caché le» en noir pour indiquer le côté macabre de ce parti et, «corps de Kieffer» en rouge pour montrer le sang que le parti de Gbagbo a fait coulé des entrailles de Kieffer.

Cette stratégie de communication s’inscrit dans la vaste campagne de désinformation et d’intoxication initiée depuis 10 ans par le Quai d’Orsay, l’Elysée et ses médias aux ordres. L’objectif principal est de continuer à présenter Laurent Gbagbo comme le criminel qui doit croupir dans les cellules de la CPI. Même si l’affaire Kieffer ne figure pas sur la liste des actes que Gbagbo aurait commis et pour lesquels il est à la CPI, la communication nauséabonde faite est une communication à charge. Au lieu de donner la parole à la justice, afin que celle-ci de façon impartiale, désigne l’auteur du crime, le pouvoir et ses amis ne font que donner dans l’intoxication. En dehors de l’épisode Kieffer, d’autres affaires convoquent le pouvoir actuel à emprunter le chemin de la justice plutôt que celui des sentiments. A-til des choses à cacher au peuple ?

Aur l’affaire Kieffer, l nous a été longtemps conté que le régime de Gbagbo faisait obstruction à l’éclatement de la vérité. Un an après le renversement de ce régime, aucun auteur n’a encore été trouvé. Pourtant, le régime actuel a toutes les cartes en main. L’une de ses cartes a déjà été utilisé avec la découverte théâtrale de supposés squelettes de Kieffer à Yaokro sous-préfecture de Saïoua. Précisons que Saïoua est la ville de feu Antoine Bohoun Bouabré. Il s’agissait pour le pouvoir d’entretenir la rumeur selon laquelle Kieffer aurait été tué par Bohoun Bouabré. Tout a été mis en place pour intoxiquer l’opinion nationale et internationale.

Les mêmes médias de propagande pro-Ouattara ont débité des mensonges comme ils savent si bien le faire. Le frère à Kieffer avait même soutenu sur les antennes de la BBC qu’il s’agissait du squelette de son frère. Cette découverte carnavalesque avait été faite seulement deux jours après qu’un témoin se soit confié au quotidien Le Nouveau Courrier. Celui-ci (gorge profonde) avait affirmé avoir participé à l’opération d’enlèvement et qu’ils avaient eu pour mission de tuer Kieffer dans l’évident objectif de salir Gbagbo. Il n’avait pas manqué de donner des pistes crédibles qui conduisent à quelques barons du pouvoir en place. «Gorge profonde» a finalement fini au cimetière après que lui et sa tente aient été brûlés dans le camp des réfugiés ivoiriens d’Elubo (Ghana). Il avait osé s’attaquer à (…) ! En allant à la sauvette, localiser les restes de Kieffer deux jours après ce témoignage, le pouvoir pensait brouiller les pistes et discréditer le témoignage de «Gorge profonde». En définitive, le test d’ADN ne confirma pas que les squelettes étaient ceux de Kieffer. Depuis, le juge Ramaël courre à la recherche de l’auteur du crime.

Pourquoi ce temps fou pour retrouver un auteur que le précédent régime protégeait jalousement ? Les refondateurs ne sont plus aux affaires alors pourquoi l’auteur du crime n’est pas encore connu ? L’auteur crime est- il ailleurs ?

Sur le charnier de Yopugon, le récital n’a pas été moins ennuyeux que celui écouté dans l’affaire Kieffer. Ce charnier découvert le 27 octobre 2000 derrière la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA) est, à satiété présenté comme l’une des oeuvres macabres du président Laurent Gbagbo. La même opération de communication mensongère est conduite par RFI et son prosélyte le RDR parti de Dramane Ouattara. L’actuel ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, M. Ali Coulibaly (au moment des faits porteparole du RDR), n’avait cessé d’accuser Gbagbo Laurent. Après l’acquittement des présumés coupables, pour défaut de preuves, la rhétorique n’a naturellement pas faiblit. Gbagbo est l’auteur des massacres, il empêche l’éclatement de la vérité…

Un an après le renversement de ce régime, aucun auteur n’a encore été trouvé. Pourtant, rien aujourd’hui ne s’oppose à l’éclatement de la vérité. Qui est l’auteur du charnier de Yopougon ? Cette question pourrait paraître embarrassante pour le régime actuel d’autant que le RDR a été en tout point, l’organe de coordination et/ou de centralisation de toutes les informations sur ce charnier. Rappelons que ce charnier a été découvert par le RDR. Son secrétaire adjoint à la communication, Amadou Coulibaly (au moment des faits) a affirmé avoir été saisi par un anonyme. Par quelle magie cet anonyme a-t-il pensé au Secrétaire adjoint à la communication du RDR? Comment a-t-il obtenu son numéro de téléphone ? Tout un mystère.

C’est donc sous la responsabilité de celui-ci que la cellule de communication du RDR a filmé le charnier, ameuté la presse internationale et pro- Ouattara, entendu les supposés témoins. C’est ce parti qui a affirmé, en dehors de toute enquête, que le charnier était essentiellement composé de Nordistes militants du RDR. Pourtant, le document intitulé «Rapports sur les évènements d’octobre et Décembre 2000» édité en 2001 par CEDA, précise, en sa page 155 paragraphe 6, que deux corps du charnier, ont été «identifiés comme étant ceux d’un Malien et d’un Burkinabé sur la base de leur carte de séjour. 37 corps, (67,27%) n’ont pas été identifiés à cause des mauvaises conditions de conservation à IVOSEP selon les dires des médecins légistes». Ce rapport va plus loin en précisant que l’un des corps du charnier est «décédé par noyade». Ces quelques incongruités méritent d’être traitées. Qu’attend donc la justice pour relancer le dossier et clouer définitivement «le bec» aux pro-Gbagbo ?

D’autres crimes attribués à Gbagbo sommeillent encore dans les fantasmes des pro-Ouattara. Le quotidien pro-Ouattara, le patriote (N°du 17/04/2012) parle d’ «enlèvements et assassinats massifs qui ont eu cours sous la décennie Gbagbo». Pour tous ces crimes, l’imagerie du RDR et ses amis est pleine d’idées préconçues. Il y a donc lieu que la justice du pouvoir Ouattara désigne sur la base de preuves irréfutables, l’auteur du crime. Les obstacles étant désormais levés, la justice étant devenue indépendante et impartiale parce qu’elle se trouve entre les mains des pro-Ouattara, il ne sert plus à rien d’identifier, depuis le siège du RDR, l’auteur du crime. Arrêtez d’intoxiquer le monde.

Alain Bouikalo
Juriste-Consultant

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Disparition de Guy-André Kieffer : huit ans après, l’enquête patine

Liberation

Huit ans après, l’enquête sur la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer va-t-elle connaître un second souffle ? Mardi, l’épouse de «GAK», Osange Kieffer, a rencontré le président ivoirien Alassane Ouattara. Une entrevue très positive, selon elle: «Mr Ouattara a assuré que la justice ivoirienne allait collaborer pleinement avec le juge français en charge de l’affaire, Patrick Ramaël. Un comité de suivi va être relancé, tout cela devrait faire l’objet de réunions dans les prochains jours.» Une déclaration de principe forte, qui devra être confirmée par les faits dans les prochaines semaines. Car, un an après le changement de régime en Côte-d’Ivoire, la déception est palpable.

L’enquête sur la disparition de Guy-André Kieffer en 2004 n’a pas connu d’avancée notable. Bernard Kieffer, son frère, s’avoue décontenancé par l’attitude du gouvernement d’Alassane Ouattara. «On attendait une plus grande implication des autorités politiques et judiciaires après le départ de Laurent Gbagbo. Or, il ne se passe quasiment rien.» Les faits sont connus : il y a huit ans, le 16 avril 2004, Guy-André Kieffer est enlevé à Abidjan, en plein jour, sur le parking d’un supermarché. Le journaliste indépendant a 54 ans. Depuis, plus aucun signe de vie. Bernard Kieffer ne se fait pas d’illusions. «Pour moi, il est parfaitement clair que mon frère a été liquidé. On ne le reverra plus. Mais je veux savoir qui a fait ça, et pourquoi.»

Assez rapidement, le juge Ramaël rassemble des éléments concrets, qui tendent à laisser de côté la piste d’un enlèvement crapuleux pour favoriser celle d’une affaire d’Etat. Le clan de Simone Gbagbo, épouse du président ivoirien, est dans le collimateur. Les articles de Guy-André Kieffer sur les malversations financières du régime et sur la corruption dans la filière cacao gênent, en haut lieu. La piste d’un guet-apens est retenue. Au centre des suspicions, Michel Legré, beau-frère de Simone Gbagbo, avec qui «GAK» avait rendez-vous le jour de son enlèvement.

Faux témoins et pistes bancales

Plusieurs militaires gravitant dans le cercle la première dame ivoirienne sont aussi suspectés. L’un d’entre eux, Tony Oulaï, qui aurait dirigé le commando auteur de l’enlèvement, est même incarcéré en France, avant d’être libéré. Un témoin, Alain Gossé, raconte qu’il aurait vu Guy-André Kieffer détenu dans une cellule des sous-sols de la présidence, où il aurait été torturé, puis abattu, «par erreur».

Mais pendant les années Gbagbo, le travail du juge Ramaël est compliqué. Le régime serre les rangs autour du clan présidentiel. La chute de Laurent Gbagbo, en avril 2011, ouvre de nouveaux espoirs. L’ancien président est désormais détenu à La Haye, en attente de jugement pour «crimes contre l’humanité». De quoi libérer la parole, espèrent les proches de Guy-André Kieffer. D’autant que l’enlèvement du journaliste a impliqué des dizaines de personnes. Forcément, l’un d’entre eux finira par vouloir soulager sa conscience…

En un an, le juge Ramaël se rend à trois reprises en Côte d’Ivoire. La première mission, en mai 2011, permet, dans le chaos qui entoure encore Abidjan, d’effectuer des perquisitions à la résidence de Gbagbo. Deux autres visites ont lieu en novembre et en janvier, date à laquelle un squelette pouvant être celui de «GAK» est exhumé. Fausse piste. Il faut dire que les réseaux Gbagbo jouent l’intox à fond, à coups de faux témoins et de pistes bancales.

«Personne ne sera protégé»

Quant aux nouvelles autorités ivoiriennes, elles s’en tiennent aux déclarations d’intention. «Il ne manque pourtant pas grand chose pour que l’enquête aboutisse, ajoute Bernard Kieffer. On sait grosso modo ce qui est arrivé à mon frère, il faut désormais des éléments matériels, et notamment retrouver le corps.»

«Je ne parlerais pas d’entrave de la part des autorités ivoiriennes, mais plutôt d’inaction, précise-t-il. Certaines personnes, comme le capitaine Séka-Séka, ou Oulaï, sont détenues mais pas interrogées. D’autres, comme Michel Legré, ont disparu dans la nature. Ce sont pourtant des gens qui auraient des choses à dire. Je ne comprends pas pourquoi la justice ivoirienne ne les met pas sur le gril.»

Cette inertie est-elle liée à la réconciliation nationale amorcée en Côte d’Ivoire ? «On a l’impression que les autorités veulent éviter que les règlements de comptes soient trop apparents, qu’il y ait l’image d’une justice des vainqueurs», estime Ambroise Pierre, du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Bernard Kieffer abonde : «Dans le grand élan de réconciliation nationale, j’ai l’impression que le nouveau régime ne veut pas ressortir certains cadavres du placard.» Mardi, Alassane Ouattara a pourtant assuré à Osange Kieffer «que personne ne sera protégé» en haut lieu. Suffisant pour balayer les doutes ?
Par SYLVAIN MOUILLARD
Liberation

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