Réflexions sur la crise malienne et l’attitude de l’intellectuelle Aminata Traoré

Aminata Dramane Traoré

 

 

Libre opinion

A propos du Mali et du drame qui le déchire, parlons peu, parlons bien, parlons moins. Amadou Toumani Touré (ATT) a fait un coup d’Etat en 1991, pour libérer le Mali de la dictature sanglante de Moussa Traoré. En 1992, il a œuvré à la rédaction d’une Constitution pour établir les bases de la démocratie malienne. Il a, ensuite, organisé une élection transparente, régulière et honnête, pour transmettre le pouvoir à Alpha Omar Konaré, élu de manière équitable par le peuple malien. Au bout de deux mandats de Konaré, ATT s’est porté candidat et s’est soumis au verdict du peuple malien; il a, à l’approche de la fin de son deuxième mandat, refusé de tripatouiller la Constitution pour se maintenir au pouvoir. Il s’apprêtait à conduire un scrutin présidentiel au bout duquel il allait céder le pouvoir à un autre Malien. Officier général de l’Armée malienne, homme d’honneur, d’intégrité et d’humilité, Amadou Toumani Touré peut être accusé de tout, sauf de tares, de faiblesses et d’indélicatesses d’un vulgaire trafiquant de drogue, d’un homme léger mus par le goût de l’enrichissement illicite. Je refuse de comprendre et d’accepter qu’il ait partie liée avec les milieux mafieux impliqués dans la drogue et le terrorisme opérant dans le désert malien. Je refuse de couvrir nos leaders, notre élite politique, nos dirigeants d’ignominie et de manquer de discernement concernant leur sens de l’éthique. Oui, il y a également en Afrique, des hommes et femmes intègres, dignes et honnêtes. Nos hommes et femmes politiques ne sont pas tous des fripouilles! Pendant le magistère d’ATT, la rébellion touarègue n’a pu prendre les villes qu’elle contrôle aujourd’hui. En quoi capitaine amadou Haya Sanogo peut-il s’offrir au jeu de change avec Amadou Toumani Touré? Quelle est la valeur ajoutée du coup d’Etat de Sanogo et du CNRDRE dans le jeu politique malien? Pourquoi ne pas comprendre qu’ici et maintenant, il est question de viol de la conscience publique malienne contre lequel nous devrions nous insurger? Pourquoi ne pas savoir qu’il s’agit d’une brutalité militaire contre laquelle il n’y a autre chose qu’une résistance? Tirer sur une ambulance, couvrir ceux qui ne peuvent se défendre de toutes sortes d’ignominie est quand même facile. Si tant est que le régime de ATT était à ce point vomi par les Maliens, pourquoi ne pas attendre qu’ils puissent donner la destinée de leur pays à un autre de leurs compatriotes à travers le scrutin présidentiel prochain? Pourquoi avoir attendu la fin des dix ans de règne ATT pour faire un coup d’Etat à seulement quelques semaines de la fin de son régime? Pourquoi nos sœurs et frères ont du mal à comprendre que le capitaine Sanogo n’est qu’un mégalomane, un homme intéressé uniquement par le pouvoir, un jeune homme mû par une ambition maladive? Que compte-t-il faire pour le Mali en le poussant dans cette impasse? Quelle est la voie qui s’offre à ce peuple à travers un coup d’Etat? Et pourquoi ma grande sœur, intellectuelle crédible, femme de conviction, patriote africaine généreuse et honnête, j’ai nommé Aminata Traoré, se laisse-t-elle dévorer par son hostilité au capitalisme et à la globalisation pour épouser la cause des putschistes? Hier, Aminata a soutenu Laurent Gbagbo, parce qu’elle avait vu en Alassane Ouattara l’homme de l’Occident, des milieux financiers internationaux, de l’ordre mondial aux mains de l’Occident, qu’elle abhorrait. Alors que Gbagbo et son régime l’avaient pourfendue parce qu’elle avait servi en Côte d’Ivoire et ensuite au Mali, Aminata Traoré a fait fi de la blessure que les ultranationalistes du FPI lui ont fait subir pour porter leur combat, à en faire le sien, contre la France et les Etats-Unis. Bien que Gbagbo eut perdu les élections et s’était engagé dans une folle guerre contre son peuple pour se maintenir au pouvoir, Aminata Traoré l’a soutenu, parce que, selon elle, Gbagbo combattait Obama et Sarkozy. Ici et maintenant, Alassane Ouattara, Blaise Compaoré et les autres dirigeants de la CEDEAO sont en droit d’exercer des pressions sur Sanogo et ses sbires. Avant eux, l’AZAWAD n’avait pas prise sur les villes de Kidal, Gao et Tombouctou. Avec ATT, la situation dans le Nord du Mali était intenable, certes, depuis la crise libyenne, avec l’expansion d’AQMI, mais le Mali n’était pas scindé en deux. Sanogo et sa clique doivent s’estimer heureux, qu’on ne parle pas encore d’arrestation, de jugement et de condamnation pour atteinte à la sécurité de l’Etat malien, conformément à l’article 121 de la constitution malienne , suspendue et ensuite rétablie, sans effet, par lui Ils portent une responsabilité énorme en termes de stabilité, d’ordre et de paix dans toute cette région. Qu’ils remettent le pouvoir aux civils sans aucune exigence et que des discussions puissent s’engager pour contenir la rébellion touarègue et organiser des élections au Mali. Pour ce faire, je voudrais exprimer tout mon soutien au Président de la CEDEAO, le docteur Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire et à tous ses pairs. Qu’ils aient le courage de continuer d’exercer la pression sur la junte militaire au Mali pour nous éviter cette nouvelle forfaiture et cette humiliation.

Par Emmanuel Yao Ngoran manu101@comcast.net

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