Côte d’Ivoire: 1 an après le 11 avril l’agenda secret des pro-Gbagbo en exil Leurs vérités à Banny

Idriss Ouattara

L’Inter

Le temps a-t-il commencé à faire son effet du côté des exilés pro-Gbagbo ? Ces dernières semaines, des frémissements se sont fait sentir chez les compatriotes vivant hors de la Côte d’Ivoire contre leur gré. En effet, 11 mois après la fin de la crise postélectorale, l’essoufflement et l’impatience semblent gagner les rangs des patriotes, partisans, sympathisants et ex-collaborateurs de l’ancien chef de l’Etat ivoirien qui ont trouvé refuge dans les pays limitrophes et de la sous-région ouest-africaine. Nombreux sont les cadres de l’ex-Majorité présidentielle (LMP) en exil qui manifestent le désir de rentrer au bercail. Récemment, Marcel Gossio a accordé une interview à un hebdomadaire de la place, où il recommandait le dialogue avec le pouvoir en vue de hâter ce retour au pays. L’ex-Directeur général du Port autonome d’Abidjan (PAA) venait ainsi d’enfoncer une porte déjà grandement ouverte par d’illustres devanciers. Notamment les ex-ministres Aimé Kabran Appia et Mel Eg Théodore, ainsi que des leaders de l’ancienne galaxie patriotique dont Anoï Castro, président des houphouétistes en exil. Une chose est désormais indiscutable : après avoir passé près d’une année hors de la Côte d’Ivoire, souvent dans des conditions très difficiles, tous les exilés et réfugiés ivoiriens ont le mal du pays. Ils veulent pour la plupart retourner sur les terres de leurs ancêtres. Toutefois, comme l’a signifié Jean-Yves Dibopieu, l’un des leaders de l’ex-galaxie patriotique en exil depuis la chute de l’ex-président Laurent Gbagbo le 11 avril 2011, ce retour au pays ne se fera pas à n’importe quel prix. «Personne n’a envie de vivre éternellement hors de son pays. Ce que nous vivons ici en exil, c’est une véritable prison à ciel ouvert. Donc nous voulons tous rentrer au pays. Mais la question qu’il faut se poser est la suivante : nous rentrons comment ? », s’est interrogé le président de la SOAF (Solidarité africaine). Avant d’ajouter : « Le moment venu et quand les conditions seront réunies, vous allez nous voir en Côte d’Ivoire ». Y a-t-il des divisions ou des divergences de vues entre pro et anti dialogue pour le retour au pays ? Damana Adia Pickas, président de la Coalition des patriotes ivoiriens en exil (COPIE), a voulu lever tout équivoque : «Il n’y a pas de problème de cohésion entre nous. Nous ne sommes pas divisés entre extrémistes qui ne veulent pas rentrer ni discuter avec le pouvoir, et modérés qui souhaitent le contraire. Ce n’est pas cela le problème. La question est la suivante : l’interlocuteur en face, qu’est-ce qu’il fait pour que les exilés rentrent et pour qu’il y ait un début de dialogue ? » Selon Pickas, les gouvernants n’affichent aucune volonté réelle de discussion ou d’aller à la réconciliation. Il en veut pour preuve, les dernières décisions prises par les dirigeants, dont les extraditions de force des exilés demandées à des pays de la sous-région. «Le FPI n’a jamais refusé de discuter. Notre slogan, c’est «asseyons-nous et discutons». Mais quand on voit la manière dont le pouvoir traite les camarades du parti et les militants restés au pays, cela n’encourage pas à rentrer ni au dialogue », a renchéri Touré Moussa Zéguen, fondateur du Groupement des patriotes pour la paix (GPP), un ex-mouvement de la résistance sous Gbagbo.

Les vérités des patriotes exilés à Banny

Par ailleurs, les patriotes exilés ont dénoncé l’attitude du président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) qui, selon eux, n’entreprend rien pour recréer la cohésion et le (re) vivre ensemble entre toutes les filles et tous les fils de la Côte d’Ivoire. Damana Pickas a même minimisé la portée du geste de génuflexion de Charles Konan Banny, samedi dernier au Palais de la Culture, lors du lancement de la période d’un mois de deuil et de purification du pays. « C’est assez insolite de voir M. Banny à genoux, mais ce n’est pas sur le terrain du spectacle et de la mise en scène qu’on attend le président de la CDVR. Ce qu’on attend de M. Banny, c’est d’aller demander à M. Ouattara de poser les actes qui favorisent le dialogue avec l’opposition et la réconciliation entre tous les Ivoiriens et non entre un groupe ou une partie des Ivoiriens. Et ces actes sont, entre autres, la libération de tous les prisonniers, y compris Laurent Gbagbo, le dégel des avoirs de tous les cadres LMP, la libération des maisons de pro-Gbagbo occupées et la rétrocession de tous leurs biens confisqués, la prise d’une loi d’amnistie pour rassurer tout le monde, etc. Voici quelques actions qui pourraient rassurer l’opposition… Sans cela, jamais nous n’irons quémander ni implorer une discussion ou une négociation avec M. Ouattara », a expliqué le président de la COPIE. Un autre membre de cette coalition des patriotes ivoiriens exilés a enfoncé le clou. « Banny à genoux ? C’est de la comédie. Depuis un an que la CDVR a été mise en place, Banny a-t-il rendu visite ne serait-ce qu’une seule fois aux prisonniers politiques et militaires ? A-t-il jamais pensé une seule fois à aller s’enquérir des conditions de détention du président Affi N’Guessan à Bouna, de Simone Gbagbo à Odienné, de Laurent Gbagbo quand il était encore à Korhogo, là où même l’ONUCI et de modestes organisations vont souvent les visiter ? Banny est-il une seule fois venu rencontrer les exilés et réfugiés au Ghana, au Togo, au Bénin, au Liberia, en Guinée, etc. ? Je pense que ce n’est pas les moyens qui manquent, mais il n’a jamais formulé la demande. Donc Banny peut se rouler par terre s’il veut, ce n’est pas ça qui va réconcilier les Ivoiriens », s’est offusqué Jean-Yves Dibopieu.

ANASSE ANASSE

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