Côte d’Ivoire – Un an après le massacre – Le village martyr d’Anonkoua Kouté se souvient

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Voir Anonkoua Kouté et souffrir. Même un an après l’attaque meurtrière, dans la nuit du 6 au 7 mars 2011, par des individus armés proches de Ouattara, pendant la crise née du contentieux post- électoral, la douleur persiste. Hier, ce village d’Abobo fort de 6000 âmes s’est souvenu, dans le recueillement, de ce drame.
Anonkoua Kouté. Village qui ne laisse personne indifférent à cause de l’attaque meurtrière qu’il a subi dans la nuit du 6 au 7 mars 2011. Hier, Mardi 6 mars 2012 aux environs de 10h, nous nous y sommes rendus pour les cérémonies commémoratives de l’an 1 de l’attaque nocturne perpétrée par des forces armées pro-Ouattara. Ayant fait 9 morts, la même nuit. Une fois arrivés à la place publique, nous nous dirigeons vers des bâches où des gens sont en pleine cérémonie. Avant même de les rejoindre, une personne vient à nous, demande l’objet de notre présence, et nous conduit dans un domicile pour nous recevoir. Là, il nous explique, l’émotion dans la voix, que la cérémonie n’est pas ouverte à tout le monde et que le chef du village, M. Dogoua Akéo Antoine, viendra nous recevoir à la fin de la cérémonie. Ce qui fut fait. Les raisons de la cérémonie, l’état d’esprit des populations et la sécurisation du village pour que pareille horreur n’advienne plus. Telles étaient nos préoccupations.
Entouré de certains de ses notables, le chef Dogoua s’efforçait à ne pas laisser percevoir la douleur qui l’étreignait. Mais cela se lisait malgré tout sur son visage. Et c’est dans cette atmosphère qu’il a tenu, avant tout échange, à faire la mise au point suivante: éviter que son village soit encore la cible injustifiée d’hommes en armes sortis de nulle part pour commettre des actes de déraison, que même la bêtise humaine ne saurait justifier.

La mise au point du chef de village

Eviter également de remuer le couteau dans la plaie, de créer des polémiques puis de ne point se mettre en dehors de la république car le chef, le vrai, doit rechercher en priorité, l’harmonie et le développement. Le chef du village a, par ailleurs, précisé que c’est lui qui a demandé que la cérémonie soit sobre et loin des regards de la presse.
Mieux, il a ordonné qu’aucune victime ne se répande dans la presse afin qu’aucun propos mal conçu ou mal interprété ne soit source d’ennuis pour le village. Déjà que des confrères l’auraient récemment accusé, à tort, précise-t-il, de vouloir s’en prendre aux populations malinké à qui, il dit avoir, lui-même, offert l’hospitalité… Cette effroyable nuit «d’hommes en armes, en treillis et barbus », son village ne veut plus le revivre, car un an après, des cauchemars rappellent l’impensable ! «Je regarde la vie de mes parents. Les gens sont morts. Les maisons ont été brulées. La nuit on dormait. On n’a vu personne. Ce qui est sûr, ce sont des hommes en treillis. Moi, je n’accuse personne. Je n’ai pas pris d’armes pour aller tuer quelqu’un. Je n’ai pas aussi envoyé quelqu’un tuer qui que ce soit. Dieu seul sait qui a fait quoi, comment ils l’ont fait et pourquoi ils l’ont fait. Je ne veux pas entrer en conflit avec qui que ce soit. Moi, je vais dans le sens de l’apaisement », a confié le Chef Dogoua.

Le sens de la cérémonie

La mise au point faite, afin de ne point chercher à mettre dos à dos des autorités de la république et le village d’Anonkoua Kouté, les visages ont finalement été moins solennels et les échanges plus détendus. «Cette cérémonie est faite pour sanctifier le village car la crise post électorale a été très douloureuse pour nous. Nous avons prié pour nos morts, pour nous même, pour le pays et la réconciliation, avec le soutien de nos frères d’Aboboté et d’Abobo baoulé qui ont été d’un soutien inestimable. Demain nous aurons descérémonies œcuméniques». En effet, selon le chef du village d’Anonkoua Kouté, il a été enregistré 9 décès le jour de l’attaque, une quarantaine de morts liés à l’assaut, des disparus, 22 maisons entièrement détruites par le feu et le pillage de tout le village y compris les attributs de la chefferie, les héritages ancestraux et le centre de santé de niveau 2 des sœurs de la providence qui avait un équipement de pointe. Outre les pertes en vies humaines et les disparus, les dégâts matériels ont été estimés à plusieurs milliards fcfa.

L’état d’esprit et la reprise de la vie au village

Ce chapitre a été difficile à évoquer, à cause de la grande émotion qui a gagné l’assemblée. Même si certaines cicatrices physiques ont disparu, celles de l’intérieure s’ouvrent de temps à autre au souvenir de certains parents, de certaines atrocités subies et face à la destruction de biens. Le choc a été grand lorsque les plus courageux ont retrouvé, trois mois après l’attaque, leur village, le 3 Juin 2011. Des squelettes dans des broussailles. Des tombes de fortune dans des cours. Des maisons non calcinées devenues des terrains nus. Deux jours après, le 5 juin, une dame au vu de ce qui reste de son domicile a piqué une crise et en est morte. « Au niveau du village, la vie a repris dans la douleur, la pauvreté mais l’ambiance est bonne même si de temps à autre nous avons mal…Ceux qui ne sont pas encore rentrés au village, c’est parce qu’ils n’ont plus de maison. Malgré tout, il faut transcender la douleur. Aujourd’hui, nous sommes marginalisés. Le village a besoin d’aide. Qu’on pense à dédommager le village qui a été dé-truit, à retirer les squelettes et déterrer les corps enterrés dans des cours en de notre absence. Nous avons écrit au procureur de la république dans ce sens. Moi, je vais dans le sens de l’apaisement, du pardon et de la réconciliation. Avec mes no-tables, nous allons rencontrer les autres populations pour leur parler de paix, rédiger un code de bonne conduite et se retrouver le 07 Août prochain pour échanger», a confié le chef Dogoua.

Herman Bléoué
Notre Voie

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