Côte-d’Ivoire télécommunications – Une régulation à deux têtes…

(Agence Ecofin) – La situation de la régulation des télécommunications en Côte d’Ivoire mérite de s’y attarder.

Le code des télécommunications s’applique à l’ensemble des activités du secteur à l’exception de celles relevant des services placés sous l’autorité des Ministères chargés de la communication audio-visuelle, de la défense nationale et de la sécurité publique. La gestion du secteur dans le cadre de la loi est faite par le gouvernement et les organes de régulation. Le gouvernement définit les politiques, élabore et propose la législation qu’il juge la mieux adaptée pour répondre aux besoins en matière de télécommunications, élabore les orientations, les principes directeurs et les objectifs en vue d’assurer un développement dynamique et harmonieux du secteur. Il assure une représentation adaptée aux priorités de la Côte d’Ivoire auprès des institutions nationales et internationales et définit les normes et spécifications techniques applicables en Côte d’Ivoire, en accord avec les organismes nationaux et internationaux compétents en matière de télécommunications. Le gouvernement veille également à ce que soient assurées, de façon indépendante, d’une part, les fonctions de réglementation et de contrôle des activités relevant du secteur des télécommunications et, d’autre part, les fonctions d’exploitation de réseau ou de fourniture de services de télécommunications.

Il existe donc deux organes de régulation : le CTCI et l’ATCI.

Le CTCI est chargé de veiller au respect du principe d’égalité de traitement de tous les opérateurs du secteur des télécommunications, au respect des dispositions contenues dans les conventions de concession, les cahiers de charges et les autorisations délivrées par le gouvernement. Il assure également, en premier ressort, l’arbitrage des litiges nés des activités de télécommunications.

L’ATCI est chargé d’exercer les attributions, droits et obligations dévolus à l’administration, et notamment de faire appliquer les textes en matière de télécommunications, définir les principes et autoriser la tarification des services fournis, délivrer les autorisations d’exploitation des services de télécommunications, accorder les agréments des équipements terminaux, assurer la gestion et le contrôle du spectre des fréquences radioélectriques, contribuer à l’exercice des missions de l’Etat en matière de défense et de sécurité publique et tout autre mission d’intérêt public que pourrait lui confier le gouvernement pour le compte de l’Etat dans le secteur des télécommunications. Le cadre juridique actuel prévoit trois régimes, selon la nature de l’activité : le régime de droits exclusifs ou de concession, le régime de concurrence réglementée ou d’autorisation et le régime de concurrence libre.

Faiblesses des deux structures de régulation

La Loi n°95-526 du 7 juillet 1995 portant Code des télécommunications constitue la norme juridique fondamentale en vigueur dans le secteur. Cette Loi a le mérite de libéraliser les télécommunications et de créer un nouveau cadre juridique aux fins d’assurer une concurrence saine dans un secteur en pleine évolution.

Cependant, dans l’application de cette loi et de ses textes subséquents, l’ATCI qui a en charge la mission de régulation des télécommunications se heurte souvent à des difficultés. Celles-ci résultent essentiellement de l’ambiguïté et du silence de ces textes juridiques. L’usage simultané (loi, ordonnance, décrets) de tous ces textes n’est pas aisé. Même dans son application, la Convention de concession pose des problèmes. L’ordonnance n° 98-441 (voir encadré) transforme l’ATCI en société d’état. Cependant le décret n°98-506 (voir encadré), ne prévoit pas les opérations de contrôle, de saisie des matériels, de fermeture de locaux et de constat d’infractions commises dans le secteur des télécommunications, reconnues au personnel assermenté de l’Agence sous l’ancien texte (voir encadré). Le pouvoir de contrôle qui devrait être naturellement exercé par l’agence n’ayant plus de protection législative, elle est obligée de se référer au Titre VI du cahier des charges de la Convention de concession pour légitimer ses actions de contrôle.

Certaines imprécisions et insuffisances sont notées dans les textes régissant l’ATCI.
En effet, conformément à l’article 36.10 du cahier des charges de la Convention de concession, l’ATCI procède à l’instruction des plaintes reçues de la part des usagers des services du concessionnaire, à l’arbitrage des litiges entre le concessionnaire et les opérateurs autorisés. Cependant, la loi n’a pas confié cette mission à l’ATCI, encore moins le nouveau décret portant création de la société d’Etat ATCI. Laquelle mission doit trouver son fondement dans la loi et non dans la Convention de concession. L’ATCI a en outre un pouvoir de sanctions limité. Ces sanctions de part les articles 14 et 35 du Code des télécommunications ne s’appliquent qu’aux opérateurs autorisés. L’article 35 susvisé précise que ce n’est qu’après une mise en demeure restée sans suite que le titulaire de l’autorisation est sanctionné. Ledit article ne prévoit pas de délai pour la mise en œuvre de cette sanction. De même cet article ne mentionne pas la sanction réservée à tout contrevenant et reste muet quant au recouvrement des sanctions pécuniaires.

À l’instar de toutes les sociétés d’Etat, l’ATCI n’échappe pas à l’influence du politique. On constate une interférence du Ministère chargé des télécommunications dans la gestion de l’ATCI. Cette ingérence gêne le bon fonctionnement de l’agence. Le rôle du ministère doit être clairement défini afin de permettre à l’ATCI d’accomplir en toute indépendance et transparence ses missions. Aussi, les rôles de l’ATCI et du CTCI, ainsi que leur ordre d’intervention, ne sont pas clairement définis dans les textes de loi, si bien qu’il est donné d’assister à un chevauchement des compétences pouvant aboutir à des conflits. Notamment quand il s’agit d’assurer l’égalité de traitement entre les opérateurs. Cette mission a été expressément confiée par la loi au CTCI. Cependant, il ressort des dispositions de la convention de concession, que l’ATCI, dans le cadre de la fourniture d’autres services par le concessionnaire, veille au respect par celui-ci, des règles de non discrimination et d’interdiction des subventions croisées. Ce faisant, l’ATCI assure aussi l’égalité entre les opérateurs. Il s’agit aussi de faire appliquer les textes réglementaires en la matière. De par la loi, le CTCI a pour mission de veiller aux dispositions contenues dans les conventions de concession, les cahiers de charges et les autorisations délivrées par l’Administration et assurer l’arbitrage en premier ressort des litiges nés des activités de télécommunications. Cette dernière disposition semble être en contradiction avec l’article 50 de la loi qui stipule que : « le CTCI a pour mission d’assurer avant tout recours arbitral ou juridictionnel, la conciliation et l’arbitrage des litiges nés entre l’administration et les opérateurs du secteur des télécommunications à l’occasion de l’exercice par l’administration de ses attributions ». De même, il ressort de l’article 36.1 de la Convention de concession que la surveillance et le contrôle d’exécution de ladite convention sont confiés à l’ATCI qui agit au nom et pour le compte de l’Etat. Elle exerce ses compétences sous réserve de celles qui sont dévolues par la loi au CTCI et au Ministère de tutelle. En attendant le vote d’une nouvelle loi, un nouveau Code des télécommunications est en préparation pour résoudre ces disparités, notamment la mise en place d’un organe régulateur détenant les moyens de sa mission.

Le nouveau texte destiné à la réglementation des télécommunications en Côte d’Ivoire permettra une adaptation de la loi aux réalités actuelles du secteur des NTIC, en corrigeant les limites et les imperfections de l’existant (le Code de 1995). L’avant-projet de loi devrait permettre de mettre fin aux chevauchements de rôles entre les deux structures étatiques, l’ATCI et le CTCI, en les fusionnant en une seule, autonome et ayant, en toute indépendance, un rôle exclusif de régulateur. Selon le nouveau code en préparation, la gestion des fréquences ou la délivrance des licences d’exploitation seront dorénavant l’affaire d’une structure spécialisée à mettre en place. Le vide juridique lié à l’absence de procédure de saisine de l’organe régulateur en cas de litige est aussi comblé par cet avant-projet qui prévoit par ailleurs des mesures de répression des infractions qui seront commises dans le secteur et institue un service universel.

Source ATCI et CSDPTT

Codes, lois et décrets

Le cadre institutionnel et juridique actuel est organisé autour du code des télécommunications (Loi n° 95-526 du 07/07/1995 portant code des Télécommunications modifié en son article 51 par l’ordonnance n°98-441 du 04 Août 1998), des décrets n° 95-555 du 19/07/95 portant organisation et fonctionnement du CTCI (Conseil des Télécommunications de Côte d’Ivoire), et n° 95-554 du 19/07/95 portant organisation et fonctionnement de l’établissement public de catégorie particulière dénommée ATCI (Agence des Télécommunications de Côte d’Ivoire) modifié par le décret n° 98-506 du 16/09/1998, portant création de la société d’Etat dénommée ATCI.

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