Un dossier se prépare contre Licorne à la CPI: Les griefs contre les Français

La force militaire française Licorne pourrait faire l’objet d’enquête de la part de la Cour pénale internationale (CPI). L’association Survie, membre de la Coalition Française pour la Cour Pénale Internationale (CFCPI) se prépare en effet, à déposer un dossier sur la table du Procureur de la CPI contre la force française. Selon un document de Survie daté du mardi 24 janvier 2012 et dont nous avons reçu copie hier mardi 31 janvier 2012, « l’association transmettra prochainement un dossier au bureau du Procureur sur les exactions de l’armée française durant les désastreuses journées de novembre 2004. Dans cette perspective, toute information sur ces faits peut lui être transmise ». Survie voudrait par cet acte répondre à la demande des juges de la troisième Chambre préliminaire de la CPI, qui ont autorisé le Procureur Ocampo à ouvrir une enquête sur les événements consécutifs à l’élection présidentielle de 2010, tout en ouvrant les yeux sur les faits antérieurs à 2010 et liés à la crise militaro-politique. Le juges avaient précisément demandé « toute information supplémentaire sur des crimes qui pourraient relever potentiellement de la compétence de la Cour et qui auraient été commis entre 2002 et 2010 ». Ce qui ouvre ainsi la possibilité de constituer un dossier sur la troupe dirigée alors par le général Henri Poncet, afin que la lumière soit faite sur ces événements de novembre 2004 dans lesquels ces soldats français ont été fortement impliqués. Faut-il le rappeler, l’armée ivoirienne à l’époque sous le commandement du Colonel Philippe Mangou, avait lancé le 04 novembre 2004, une offensive désignée sous l’appellation « opération dignité », contre les positions des Forces nouvelles (ex-rébellion ivoirienne ndlr), dans le nord de la Côte d’Ivoire. Après deux jours de succès (les 4 et 5 novembre), l’opération a été stoppée brutalement par l’armée française le 06 novembre. Prétextant du bombardement du camp français de Bouaké par les avions ivoiriens, et qui auraient fait neuf tués, le général Poncet a procédé sur ordre de l’Elysée à la destruction systématique des aéronefs ivoiriens. Les points stratégiques d’Abidjan, notamment l’aéroport international Félix Houphouët Boigny, les deux ponts De Gaule et Houphouët-Boigny, l’hôtel Ivoire… sont automatiquement occupés par les troupes françaises, paralysant la capitale économique. Abidjan connaît ensuite plusieurs séries de violences entre les troupes françaises et des jeunes patriotes ivoiriens proches de l’ancien régime qui soupçonnaient alors Paris de vouloir déposer Laurent Gbagbo. Ces violences ont été particulièrement meurtrières (on a dénombré une soixantaine de morts, ndlr) en face de l’hôtel Ivoire, dans le quartier de Cocody qui abrite la résidence de l’ancien président Laurent Gbagbo. Ces jeunes patriotes s’étaient alors constitués en bouclier humain à l’appel de leur leader, Charles Blé Goudé, pour empêcher l’armée française d’atteindre le président Gbagbo. Ils se sont heurté mortellement au feu des hommes de Poncet, qui sont restés quatre jours durant les maîtres de la capitale ivoirienne, avant de libérer cette ville symbole du pouvoir en Côte d’Ivoire. C’est cet autre chapitre douloureux de la crise ivoirienne que l’association Survie veut rouvrir pour y voir clair, notamment dans le rôle jouer par la Licorne. « Les documents disponibles pour examiner les exactions commises ne manquent pas : un rapport d’assistance fournie par l’Etat sud-africain à l’Etat de Côte d’Ivoire, deux reportages diffusés par Canal Plus, des articles d’enquête du Canard Enchaîné, une enquête d’Amnesty International. Et les multiples contradictions relevées dans les déclarations successives du Ministère français de la Défense (à l’époque, Michèle Alliot-Marie) ! Les documents montrent en particulier les moyens disproportionnés employés par l’armée française face aux manifestants ivoiriens », souligne le document de Survie. Cette organisation française de défense des Droits humains s’offusque des obstructions des autorités françaises sur ce dossier. «Malgré les demandes ivoiriennes, malgré les demandes de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, de la Ligue des Droits et Amnesty International, malgré quatre propositions de résolution visant à créer une commission d’enquête parlementaire, les autorités françaises sont restées sourdes aux demandes d’éclaircissements sur l’intervention française en Côte d’Ivoire. Interpellé par Amnesty International, le ministère de la Défense français avait répondu que le gouvernement ne demanderait pas de lui-même une enquête internationale indépendante, mais qu’il était disposé à collaborer si une telle enquête voyait le jour. Une enquête de la CPI pourrait être l’occasion de concrétiser enfin cette bonne foi. Avec la reconnaissance de la compétence de la CPI en Côte d’Ivoire par Laurent Gbagbo, puis par Alassane Ouattara, la Cour pourrait donc être saisie de ces faits, si le procureur estime qu’il y a une base raisonnable pour ouvrir une enquête », conclu le document de Survie. Et de préciser que « toute personne souhaitant transmettre à Survie des éléments (témoignages oraux, écrits, vidéos, photos, liste de victimes avec coordonnées, etc.) afin d’enrichir le dossier peut le faire ». Un dossier en béton se prépare donc contre la force Licorne à la CPI.

Hamadou ZIAO

L’Inter

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