Valère Gogniat et Pierre-Alexandre Sallier
Le nouveau dirigeant ivoirien Alassane Ouattara doit faire face aux multinationales. Regard d’André Soumah, président du groupe ACE basé à Genève
«De toute façon, en Côte d’Ivoire, rien ne se fera avant la présidentielle…» Silence. «Française.» Eclat de rire, pour brouiller la distinction entre le bon mot et l’amertume. A 56 ans, André Soumah, fondateur du groupe Audit Control & Expertise (ACE) qui emploie 4800 personnes dans 34 pays, porte un regard sans concession sur la situation du cacao en Côte d’Ivoire. «Depuis la fin d’Houphouët-Boigny que s’est-il passé? Vingt ans de fuite en avant…» résume celui qui vient de souffler la certification qualité du cacao ivoirien au géant genevois SGS.
Depuis la chute du régime Gbagbo, Abidjan prépare la réforme d’une filière représentant 40% des recettes d’exportation et employant les trois quarts de la population rurale. André Soumah «espère» que le président Ouattara et son équipe – qui a succédé au régime de Laurent Gbagbo en avril 2011 – «s’inspireront» de la Caisse de stabilisation étatique qui tenait en coupe réglée le marché intérieur de la filière entre 1963 et 1993.
Ancrage des multinationales
Un système que Laurent Gbagbo a achevé de déboulonner en 1999. Ouvrant ainsi la filière aux multinationales, «ce qu’Houphouët a toujours évité, leur permettant uniquement d’acheter le cacao à l’étranger», se souvient celui qui s’est installé à Genève en 1985.
Aujourd’hui, Cargill, ADM, Barry Callebaut et CEMOI réalisent plus de la moitié des exportations ivoiriennes. Les groupes internationaux contrôlent les neuf dixièmes de la transformation.
Les prix garantis aux producteurs ont été supprimés. Et les plantations sont souvent dans un piteux état, déplore-t-il. «Pour l’instant, les grands groupes essaient de voir comment ils peuvent influencer cette réforme à leur avantage», lance André Soumah. Le gouvernement actuel ne leur est-il pas redevable de l’appui apporté à l’embargo auquel avait appelé Alassane Ouattara lors des derniers mois du régime Gbagbo? «La marchandise est toujours sortie du pays. Il y a une règle: quel que soit le pays en guerre, on ne touche jamais à sa matière première.»
Pas d’amis, que des intérêts
Nulle nostalgie dans cette évocation du système de stabilisation de l’ère Houphouët. «En vingt-deux ans, on est passé à un marché dicté par les acheteurs; cela ne changera pas», écarte le patron d’ACE.
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