En Afrique, l’écrivain ivoirien Jean-Marie ADIAFFI (1941 – 1999) jouit d’un prestige et d’une reconnaissance certaine : après avoir fait des brillantes études de cinéma en France et obtenu une licence de philosophie à la Sorbonne, il a préféré retourné à Abidjan plutôt que de rester un simple immigré déraciné et acculturé en France. Il a travaillé à la télévision ivoirienne tout en publiant une œuvre qui l’a propulsé au rang de chef de file de la « nouvelle écriture ivoirienne ».
Qualifiée par lui-même « d’écriture N’zassa », celle-ci se caractérise par une volonté de « mélange des genres » ou de « genre sans genre » et une « écriture éclatée » émaillée d’expressions en langue agni – son ethnie d’origine appartenant au groupe méridional « kru », chrétien et animiste. Son long poème D’Eclairs et de foudre lui a valu un prix de poésie, et sa nouvelle philosophique La carte d’identité le Grand Prix Littéraire de l’Afrique Noire en 1981. Il a malheureusement trop tôt disparu, mais son œuvre n’en reste pas moins d’un grand intérêt.
La Carte d’identité, une nouvelle tragi-comique pleine de verve, raconte les déboires d’un prince tribal africain déchu, convoqué au sacro-saint « poste » afin de présenter sa carte d’identité. Un document censé lui conférer une existence administrative, mais qu’il a malencontreusement perdue. Et le voilà donc parti à la recherche de ce sésame, un fichu papier dont la perte pourrait lui valoir de sérieux ennuis. S’ensuit une description de rocambolesques aventures, qui sont autant d’occasion pour Adiaffi d’explorer les questions liées au déracinement et à l’acculturation – en Afrique comme partout ailleurs bien sûr. Et de développer une longue réflexion sur la question de l’identité…
Et ça vaut son pesant de cacahuètes ! Enfin de cacao, pour rester dans une tonalité ivoirienne…
Adiaffi donne en effet des questions identitaires une vision approfondie qui vaudrait, de la part de nos polices politiques, les noms d’oiseaux les plus odieux à n’importe quel Européen. Ils devraient alors traiter cet écrivain africain de « réactionnaire », « raciste », « fasciste », « à la droite de l’extrême-droite ». Ces tartuffes champions de la morale à géométrie variable parce qu’ils ne croient en rien qu’à la dictature n’en feront rien bien, sûr. C’est bien dommage, car il y aurait là assurément de quoi déclencher notre hilarité ? Mais il y a bien mieux : les remarquables et fort sages conclusions de Jean-Marie Adiaffi démasquent avec une remarquable pertinence tous les mythes et les mensonges de notre époque :
Jugez plutôt, car Adiaffi prétend :
1. que tous les prétendus discours sur la civilisation, l’identité et la culture sont des impostures qui sont avant toute autre chose l’expression d’une volonté de domination par la manipulation et la sidération, car
« Toute exploitation, toute soumission, tout joug, doivent être justifiés pour être acceptés par ceux qui les subissent, par ceux qui en sont les victimes. »
C’est ainsi que le discours « monoculturaliste » de la période 1850 – 1914, en vertu duquel la colonisation avait pour but « d’apporter les lumières de la civilisation européenne au monde » dans le cadre de ce qu’on appelait alors l’idéologie « évolutionniste », qui prétendait qu’il n’y avait qu’une seule civilisation humaine dont l’Occident était le stade ultime, masquait mal une pure volonté de domination et de puissance des puissances coloniales.
Mais de même, il va sans dire que le discours dit « multiculturaliste » s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle idéologie terroriste visant à faire accepter aux Européens la disparition de leur civilisation et de leurs cultures pour faire place à d’autres, fusse au prix de la fin de la démocratie et de l’indépendance, voire de la naissance d’un nouvelle civilisation de nature profondément esclavagiste.
2. que la domination, la réduction à l’esclavage de tout peuple passe par la destruction de son identité
« On ne peut remplir que ce qui est vide. »
« Un peuple analphabète, sans écriture, sans mémoire, est un peuple qui n’a pas d’histoire. »
« Celui qui veut assassiner un peuple, détruira son âme, profanera ses croyances, ses religions, niera sa culture et son histoire. »
« Un peuple qui ne sait plus interpréter ses propres signes, ses propres mythes, ses propres symboles, devient étranger à lui-même, perd foi en son destin. »
« Quelle ombre, quel feuillage, quel fruit peut encore donner l’arbre abattu ? »
Ces remarques ne resteront pas sans nous rappeler l’entreprise fanatique, menées depuis des années, de démolition de toute notre culture, de notre civilisation, de nos langues, l’étroit contrôle politique de médias voués à la désinformation et à l’abrutissement des populations, à la propagande, au bourrage de crâne et au lavage des cerveaux, à l’épuration systématique des journalistes et des intellectuels dissidents par les polices politiques et les tribunaux d’épuration appliquant les lois d’abolition de toute liberté de conscience et de toute liberté d’expression véritable. Sans parler de la destruction du langage par le verlan ou encore la novlangue des sectes terroristes qui se sont emparées de l’Etat sans aucun mandat démocratique, en privant les citoyens de leurs droits civiques et politiques effectifs.
3. que la nationalité d’un être humain est ethnique, charnelle et culturelle, et n’a rien à voir avec un simple statut juridique de citoyen abstrait
« Seuls le sang, la famille, l’histoire, le temps, identifient un être humain. Le sang est la meilleure carte d’identité. »
« Rien ne vaut la force de l’amour de l’homme pour sa terre, sa forêt, ses fleuves, ses montagnes, ses rochers, ses arbres, ses oiseaux, ses pierres. »
Cela fait des années que nos « élites » de dégénérés nient l’existence de toute culture, de tout lignage, de tout héritage, de toute histoire, passé, tradition, famille, ethnie. Cela fait des années que nos élites ne cessent de donner du peuple qui vit dans ce pays l’image dégradante de bestiaux ou d’animaux de traits que l’on peut mélanger impunément…
4. qu’il existe une puissante capacité de résistance et la résilience culturelle et civilisationnelle des peuples charnels qu’il est criminel et dangereux d’ignorer
« Couper le tronc, les branches, les feuilles d’un arbre est chose aisée, tandis que la destruction des racines requiert de la patience. »
5. que l’identité des individus et des peuples est le fondement de leur liberté et que tout pouvoir est bien inspiré de s’en rappeler :
« Le pouvoir moral et spirituel s’enracine dans le fin fond du temps, dans l’histoire des peuples libres, dignes et fiers. »
« L’impuissance du pouvoir contre l’individu réellement libre est une des grandes chances de libération de l’homme, c’est le grain de sable de son destin, sa grandeur. »
6. qu’aucun peuple n’a d’avenir sans racines, sans identité, sans fierté :
« On ne peut vivre sans foi ni confiance en soi-même. »
Côte d’Ivoire, carte des principales ethnies
7. La « diversité » est forcément le contraire de « l’universalité » et du « métissage » forcés :
Adiaffi défend à la fois la diversité linguistique et notamment sa langue maternelle, l’agni (groupe « kru »)
« Toutes les langues sont belles pour ceux qui les parlent. »
« Aucune langue ne naît riche, mais c’est l’usage qui l’enrichit. »
Tout en soulignant que le « dialogue des cultures » ne peut se faire que si chaque culture reste elle-même et « absorbe », « cannibalise » les apports extérieurs dont elle peut souhaiter certains aspects, mais toujours en réinterprétant en quelque sorte à sa manière ce qu’elle choisit d’adopter. Ce qui est contesté, c’est donc qu’un prétendu « dialogue » consiste en réalité en l’abandon de soi. La diversité est donc la préservation de la différence, c’est-à-dire de la séparation du tout et du n’importe quoi. L’universalité et le « métissage » forcés vont donc parfaitement à l’encontre de la diversité qui suppose une séparation :
« Quand on va étudier l’intelligence des autres, ce n’est pas pour abandonner la sienne, mais la multiplier indéfiniment, fort de cet apport de l’autre. »
L’universalité et le « métissage » forcés ne sont que génocide culturel, acculturation, décivilisation, perte de sens.
Jean-Marie Adiaffi nous rappelle au passage l’inexistence d’une « nation ivoirienne » comme problème central de tous les pays africains. Les problèmes politiques, économiques, culturels et sociaux de l’Afrique sont, au départ, identitaires. Il faut détruire les faux Etats africains et reconstruire à partir des ethnies et du localisme.
Source: novopress.info/
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