AES: une souveraineté proclamée, un échec assumé ?


Par Douglas Mountain — Le Cercle des Réflexions Libérales

Le 9 juin dernier, les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont dévoilé leur « hymne confédéral ». Une annonce symbolique, largement relayée par une partie de la presse ouest-africaine qui y voit un « acte de souveraineté » et un jalon dans la prétendue renaissance politique du Sahel. Pour certains, l’AES incarnerait une nouvelle voie, un modèle à suivre pour le reste du continent. Mais au-delà de l’effet d’annonce, la réalité est bien plus sombre.

Une impuissance sécuritaire criante

Depuis leur arrivée au pouvoir, les juntes du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont échoué à améliorer la sécurité. Pire, la situation empire. Recourir à des mercenaires russes n’est pas un signe d’indépendance, mais un aveu d’impuissance. Les armées nationales, qui avaient justifié leurs coups d’État par l’incapacité des civils à sécuriser les territoires, se révèlent tout aussi défaillantes. La fermeture de la base américaine de drones à Agadez, au Niger, a affaibli la surveillance des groupes djihadistes. Résultat : des attaques meurtrières, des localités assiégées, des civils abandonnés, des militaires tués en nombre, et des déplacements massifs de population.

Le recours aux milices civiles, comme les 90 000 VDP (Volontaires pour la Défense de la Patrie) au Burkina Faso, aggrave les risques. À terme, ces combattants pourraient se retourner contre les autorités, comme le montre tragiquement l’exemple soudanais.

Un marasme économique inquiétant

Sur le front économique, les signaux sont tout aussi alarmants. Le chômage des jeunes explose, alimentant un exode vers les pays voisins. Les discours anti-occidentaux et les mesures arbitraires des juntes ont fait fuir les investisseurs. Le climat d’insécurité, l’absence de règles claires et l’opacité de la gouvernance plombent toute perspective. À Niamey, les acteurs économiques supplient le général Tiani de rouvrir la frontière avec le Bénin. En vain.

Certes, les recettes aurifères maliennes permettent un équilibre budgétaire, mais sans effet réel sur l’emploi ou la croissance. La machine économique est à l’arrêt, privée d’investissements, incapable de créer des richesses ou de dessiner un avenir pour la jeunesse.

Une dérive autoritaire assumée

Sur le plan politique, la situation est dramatique. Les partis sont dissous, les libertés réduites au silence, la vie politique rayée de la carte. La moindre critique est réprimée. La peur règne. C’est le retour aux années 1970, à l’époque des dictatures militaires impunies. Le modèle qui semble inspirer ces régimes ? L’Érythrée, souvent comparée à la Corée du Nord africaine, avec laquelle les pays de l’AES viennent de rétablir des relations diplomatiques, en violation des résolutions onusiennes.

AES vs CEDEAO : comparaison abusive

Certains opposent l’AES à la CEDEAO pour mieux souligner l’échec de cette dernière. Mais la comparaison est trompeuse. La CEDEAO a cinquante ans d’existence, avec des institutions fonctionnelles : parlement, cour de justice, banque d’investissement, marché de l’énergie, organes sectoriels… En face, l’AES reste un projet embryonnaire. Hormis un passeport commun et un hymne, rien de tangible n’a encore vu le jour. Ni armée unifiée, ni monnaie, ni institutions confédérales.

Une souveraineté de façade

Aujourd’hui, une armée de cybermilitants s’emploie à construire une image enjolivée de ces régimes, notamment au Burkina Faso. Mais cette popularité est artificielle, confinée aux réseaux sociaux. Sur le terrain, c’est une faillite systémique, sur les plans sécuritaire, économique et institutionnel. Les régimes de l’AES avancent à l’aveugle, repliés sur eux-mêmes, sans cap, sans boussole.

Ils revendiquent une pleine souveraineté, mais pour quels résultats concrets ? Qu’ont gagné les populations à cette rupture avec les institutions régionales et les partenaires extérieurs ? La souveraineté n’a de sens que si elle améliore les conditions de vie. Or, dans l’AES, chaque jour semble aggraver la misère et renforcer la désespérance. Loin d’être un modèle, ces États apparaissent aujourd’hui comme les symboles d’un échec collectif.


Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales
oceanpremier4@gmail.com

Le titre est de la Rédaction, billet original légèrement retouché avec chatGPT

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