L’opposition ivoirienne, dont le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, s’apprête à boycotter les élections législatives prévues dimanche 11 décembre.
Elle est divisée entre les partisans de la ligne dure et ceux qui souhaitent s’émanciper de Laurent Gbagbo.
Faut-il tourner la page Laurent Gbagbo ? Cette question taraude l’opposition ivoirienne à quelques jours des élections législatives – les premières depuis 2000 – et alors que l’ancien chef d’État vient de comparaître pour la première fois devant la Cour pénale internationale à La Haye.
La plupart des partis d’opposition, avec à sa tête le Front populaire ivoirien (FPI) fondé par Laurent Gbagbo, s’apprêtent à boycotter ce scrutin prévu le 11 décembre, pour protester contre la détention de leur ancien chef, arrêté après sa chute à la mi-avril, ainsi que de dizaines de cadres civils et militaires acquis à sa cause.
« Une politique de la chaise vide », selon un observateur de la situation politique ivoirienne, qui s’explique aussi par des craintes d’insécurité. « Beaucoup ont tout simplement peur des FRCI », l’armée régulière du pays qu’ils voient encore comme une armée rebelle. Le 20 novembre dernier, un meeting du FPI a été saboté dans le quartier de Port-Bouet à Abidjan par des membres de l’armée et des civils portant des tee-shirts à l’effigie du président Alassane Ouattara.
Laurent Akoun, secrétaire général du FPI, parle de « chasses à l’homme contre les partisans actifs ou supposés de Laurent Gbagbo ». Mais un diplomate africain basé à Abidjan, la capitale économique, tempère : « On note surtout des intimidations, notamment dans les bastions de Gbagbo, à Yopougon ou dans l’ouest du pays. »
Ombre forte de Laurent Gbagbo
Si le transfèrement de Laurent Gbagbo à La Haye avait dans un premier temps semblé unifier l’opposition, elle a finalement accentué ses divisions. À la suite de négociations entamées en début de semaine par le gouvernement ivoirien, trois petits partis des huit structures qui composent l’ex-coalition au pouvoir (le Congrès national de résistance pour la démocratie) ont finalement décidé de participer au scrutin, suivis par une dizaine de membres du FPI se présentant en « indépendants ».
Ces derniers ont aussitôt été suspendus par la direction du parti. On estime qu’une centaine de candidats se réclamant de l’opposition devraient tout de même participer aux élections en indépendants.
Ces frictions révèlent la confusion dans laquelle baigne le FPI. « La majorité de ses cadres semble vouloir tourner la page de Gbagbo , estime le diplomate africain. Mais le FPI est toujours esclave de son noyau dur jusqu’au-boutiste – pour la plupart exilé au Ghana – et qui cherche à rendre la situation du pays ingérable. »
Cette ombre encore trop forte de Gbagbo avait d’ailleurs poussé Mamadou Koulibaly, président par intérim du FPI entre avril et juillet – et considéré comme l’un des grands leaders du parti – à démissionner pour fonder son propre mouvement.
Il avait alors fustigé un parti muré dans « l’idolâtrie » et « le culte de ses fondateurs ». Simone Gbagbo et Affi N’Guessan, également parmi les grands cadres du FPI, étant eux aussi emprisonnés dans le nord du pays, aucun leader naturel ne s’est depuis dégagé.
Le FPI sans leader
Dominique Assalé Aka, vice-président de la Convention de la société civile ivoirienne, estime qu’on « devrait assister à un démantèlement puis à une recomposition du parti ». D’autant que le FPI fait face à des problèmes de financement, alors que nombre de ses cadres ont eu leurs comptes gelés par la justice ivoirienne.
Divisé, sans leader charismatique et otage d’un ancien chef emprisonné : les prochains temps risquent d’être durs pour le FPI. Assalé Aka le voit se reconstruire par un travail de fond : « Le peuple ivorien ne peut plus supporter une politique revancharde qui, sous le prétexte du transfèrement de Gbagbo à la CPI, chercherait une deuxième mi-temps. »
Laurent Gbagbo maintenant hors du pays, et du jeu politique national, il se dit plutôt optimiste. « Les poches de résistance sont appelées à décroître… Tout le monde s’habitue à la paix. »
Cinq morts depuis le début de la campagne
Cinq personnes, dont un candidat du parti présidentiel, ont été tuées en Côte d’Ivoire depuis le 3 décembre, date du début de la campagne pour les élections législatives, a indiqué jeudi 8 décembre le ministre délégué à la défense, Paul Koffi Koffi.
Le ministre a fait état de trois personnes tuées par un tir de roquette mercredi à Grand-Lahou, d’un candidat du Rassemblement des républicains (RDR), le parti du président Alassane Ouattara, qui a été « brûlé », et d’un « jeune » villageois tué le week-end du 3 décembre. Il s’exprimait à la télévision publique.
Olivier Monnier, à Abidjan
la-croix.com
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