Affaire Bourgi: La justice française fait disparaître les mallettes

Source: Afrik.com

Le parquet de Paris a classé sans suite l’enquête sur la remise de mallettes de billets venant d’Afrique au profit d’hommes politiques français. La justice à considéré qu’il n’y avait aucun élément de preuve, malgré les confirmations de plusieurs hommes politiques africains. Mais qui a tiré profit de l’affaire Bourgi ?
Fin de la récréation. Le dossier des mallettes de billets venant d’Afrique à destination en particulier de Jacques Chirac et Dominique de Villepin a été classé sans suite par le parquet de Paris au motif que « Les allégations de Robert Bourgi ne peuvent être confortées par un quelconque élément de preuve susceptible de motiver des investigations ».

Rappel des faits :

Dans une interview au JDD du 11 septembre 2011, l’avocat franco-libanais Robert Bourgi dévoilait la teneur des propos qu’il avait confiés à l’écrivain Pierre Péan pour son livre « La République des Mallettes », qui devait sortir trois jours plus tard. Il racontait une plongée au cœur de la Françafrique des grandes heures avec des djembés remplis de billets mais surtout des noms et des montants. Jacques Chirac et Dominique de Villepin côté français, Mobutu (Zaïre), Omar Bongo (Gabon), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Teodoro Obiang Nguema (Guinée Equatoriale) et Denis Sassou Nguesso (Congo) mais aussi Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire) et Abdoulaye Wade (Sénégal) étaient visés côté africain : Lire l’article Affaire Bourgi : Sarkozy lâche t-il la Françafrique ?.

Des faits pourtant en partie confirmés en Afrique

Pourtant, sur le continent, toutes les voix ne s’élèvent pas pour démentir. En RDC (ex Zaïre), des proches de feu le Maréchal Mobutu racontent « C’est indécent, quand on vous donne un coup de main pour une campagne électorale, on ne balance pas après ». Même son de cloche en Côte d’Ivoire où Mamadou Koulibaly, ancien numéro deux du régime du président déchu Laurent Gbagbo confirme les révélations « Robert Bourgi a parfaitement raison il y a eu un transfert d’argent entre Laurent Gbagbo et Jacques Chirac, en 2002 », précisant même le montant versé, 3 millions d’euros. Au Gabon, où de notoriété publique Omar Bongo arrosait largement les hommes politiques français, son fils Ali a plus subtilement répondu « Notre présidence date de 2009, on répond des faits à partir de là ». Une façon habile de confirmer l’évidence sans se mouiller. Lire l’article L’affaire Bourgi vue d’Afrique

Par la suite, bien sur, le Burkina Faso, le Congo Brazzaville et le Sénégal avaient démenti catégoriquement. Trois pays où les dirigeants incriminés sont toujours en place… Robert Bourgi a même affirmé s’être trompé de personne lorsqu’il avait accusé Abdoulaye Wade d’avoir participé à ces financements occultes et son fils Karim d’avoir transporté les fonds ! Une erreur, a-t-il plaidé : lire l’article Bourgi retropédale sur la famille Wade…. Jacques Chirac et Dominique de Villepin de leur côté s’étaient offusqués…

Quelle conclusion pour cette affaire ?

Entendu par les juges, Robert Bourgi n’a pas souhaité apporter d’autres éléments. Comme si cette affaire de financement illégal d’hommes politiques français d’un côté, et le détournement de fonds de pays africains de l’autre, ne regardait pas la justice. Qui a donc choisi de regarder ailleurs.

Pour autant ce classement sans suite du dossier, qui pendant quelques jours a secoué la classe politique française, ne manque pas de laisser ouvertes bien des questions. Certains, dès le départ, ont considéré que les révélations de l’avocat franco-libanais, proche de Nicolas Sarkozy, étaient un écran de fumée pour limiter l’impact du livre de Pierre Péan « La République des Mallettes » et masquer les activités de l’homme qu’il met au centre de l’intrigue : lire l’article Alexandre Djouhri de la cité à l’Elysée. D’autres ont considéré que c’était un coup de semonce piloté par Nicolas Sarkozy à destination de Dominique de Villepin afin de le faire rentrer définitivement dans le rang a quelques mois des élections présidentielles françaises. Et celui-ci n’a-t-il pas sabordé le parti qu’il avait créé ? Pour François Soudan, de Jeune Afrique, ce serait même le « coup de poker » d’un homme lâché par le pouvoir (Alain Juppé à son arrivée au ministère des Affaires étrangères a mis un véto à la présence de Robert Bourgi dans les relations avec l’Afrique, lui coupant par la même occasion ses importantes sources de revenus), un homme blessé, qui chercherait à se venger et à montrer qu’il a encore des cartes en main et qu’il faut le laisser revenir dans la partie : Lire l’article Robert Bourgi dit avoir fait ses révélations en mémoire d’Omar Bongo.

Il faudra sans doute attendre encore de nombreuses années pour connaître les dessous de cette histoire… La seule conclusion aujourd’hui est que la Françafrique semble reprendre son long cours tranquille. Mais peut être pas complétement, car le juge René Grouman qui s’occupe du dossier des « biens mal acquis » a lui aussi entendu Robert Bourgi. Sans beaucoup plus de réussite, semble-t-il… Néanmoins son enquête avance, comme le confirme la récente saisie de onze voitures de luxe de la famille Obiang par la justice française. Lire l’article : Biens mal acquis : des véhicules de la famille Obiang saisis par la justice française. Il resterait donc encore un peu d’espoir de voir le système évoluer ?

jeudi 17 novembre 2011 / par Antoine Ganne /

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