Source: Soir Info
Au terme de la présentation officielle à la presse de sa candidature aux législatives à Bonoua Bongon, commune et sous-préfecture, le dimanche 6 novembre 2011, Kéïta Omar a décidé de mettre le pied dans le plat. Au cours de cet entretien qui a eu pour cadre le domaine familial à Samo, le fils du ministre Balla Kéïta n’a pas usé de langue de bois sur les questions d’actualité
La mort tragique de votre père, Balla Kéïta, en août 2002, qui n’a toujours pas été élucidée, continue d’alimenter les débats politiques. Que savez-vous des circonstances de ce drame?
C’est une disparition tragique. Tragique pour sa famille, tragique pour ses concitoyens et tragique pour les idées qu’il avait l’habitude de défendre. C’est une disparition regrettable. Maintenant, vous serez d’accord avec moi que dans cette atmosphère de déchirement de la Côte d’Ivoire, dans ce regain de la paix, il n’est pas loisible pour sa famille biologique de prendre quelque position que se soit.
Les circonstances de son décès ont pourtant été diversement interprétées.
Moi, en tant que citoyen, je ne suis pas un enquêteur. Ce que je sais, c’est que ce jour-là, je me rendais à Ouagadougou. Lorsque je suis arrivé à Bobo-Dioulasso, je l’ai eu au téléphone. Peu après, j’ai appris dans la presse que Balla Kéïta venait d’être assassiné. J’ai eu des difficultés à regagner la Côte d’Ivoire, parce que les frontières étaient fermées. Plus tard, j’ai rejoint la famille, nous avons organisé les obsèques. Nous digérons mal cette mort mais nous sommes restés dignes.
Vous avez évoque le mot ‘’assassiné’’. Justement, plusieurs versions concernant les circonstances de cet assassinat ont été évoquées. La première indique qu’il a été assassiné par »une femme Bété au profit de Laurent Gbagbo », tandis que l’autre version soutient que Balla Kéïta a plutôt été assassiné par »les services secrets burkinabè sur ordre de Blaise Compaoré, parce qu’il était opposé à la manœuvre visant à mettre Ouattara au pouvoir »…
Je crois savoir que les enquêtes sont en cours. Je ne suis ni magistrat, ni gendarme. Je souhaiterais que nous revenions à la candidature aux législatives de M. Kéïta Omar, parce que Balla lui-même, paix à son âme, avait l’habitude de dire que ‘’chacun est responsable de la couleur de son pipi’’. La couleur de mon urine dépend de ce que je bois. Donc, permettez que je parle de moi-même et que je mette en pratique ce que j’ai appris de mon père en politique.
Vous avez toutefois votre opinion personnelle sur la question, non?
J’ai été auditeur interne. Vous savez qu’en audit interne, généralement, on n’émet pas d’opinion. C’est-à-dire qu’il y a des règles qu’il faut analyser à la lumière des faits…
Des faits ont tout de même été rapportés à la famille, n’est-ce pas?
Je les ai lus dans la presse comme tout le monde.
Dans le cadre de la présentation officielle de votre candidature à la presse, vous avez demandé la libération de prison de tous les pro-Gbagbo. Pourquoi un tel discours qui pourrait être diversement interprété?
J’ai demandé que tout soit fait pour que les exilés ivoiriens, en conformité avec notre constitution, puissent regagner leur patrie. J’ai demandé que la constitution de la Côte d’Ivoire soit respectée. Dans la constitution de la Côte d’Ivoire il est écrit : ‘’Aucun Ivoirien ne doit être contraint à l’exil’’. J’ai aussi demandé que les leaders politiques qui sont en détention actuellement, le soit dans des conditions de dignité. J’ai aussi souhaité que, pour la paix en Côte d’Ivoire, puisque la Côte d’Ivoire est une personne morale qui n’appartient à personne, tout soit mis en œuvre pour que les grands leaders d’opinion qui compte dans ce pays et qui sont en détention, aient l’occasion d’être auprès de leurs proches pour les rassurer, ce qui pourrait donner la chance à la réconciliation. J’ai aussi demandé, et là, j’insiste là-dessus, qu’aucun Ivoiriens, qu’il soit Lmp, Forces nouvelles, Rdr…soit jugé par la Cour pénale internationale (Cpi) qui est une grande mascarade. Il y a des juridictions ici en Côte d’Ivoire. Je souhaite que nous puissions trouver des solutions ivoiriennes aux problèmes ivoiriens.
Pourquoi pensez-vous que la Cpi est une grande mascarade?
Vous savez que la plus grande puissance du monde, les Etats-Unis, n’est pas concernée par la Cour pénale internationale. Et puis, vous remarquerez avec moi
que ne passent devant la Cour pénale internationale que des personnes à peau panachée ou noire. Ce qui me semble un peu bizarre.
Lors de votre adresse à la presse, vous avez également évoqué votre appartenance à l’Udpci, avant la rupture?
Il y a eu rupture parce que j’étais membre de la direction du parti et maintenant, je ne fais plus partie de la direction de ce parti. Mais l’adhésion à un parti politique est libre. Ce sont des associations qui sont régies par la loi. Il n’y a qu’un congrès qui peut me renvoyer de l’Udpci. Depuis que je me suis engagé en politique, c’est le seul parti auquel j’ai toujours adhéré.
A l’époque, il y a eu deux tendances au sein de l’Udpci. Vous étiez pour laquelle ?
Moi, je n’ai pas de tendance, je suis militant de l’Udpci. Il se trouve qu’il y a une direction de l’Udpci qui dirige le parti…
C’est laquelle ?
Il peut arriver qu’elle prenne une position et que je ne sois pas d’accord avec celle-ci, mais je suis un démocrate. Même si je suis mis en minorité, cela ne peut pas m’empêcher de changer d’avis.
«Aujourd’hui, le chômage en Côte d’Ivoire est endémique»
Vous étiez opposé à l’adhésion de l’Udpci au sein du Rhdp ?
L’Udpci en principe est un parti de centre. Le Rhdp est un rassemblement cosmétique. C’est joli à voir lorsqu’on voit les présidents Bédié et Ouattara, ainsi que leurs épouses respectives. C’est beau à voir, mais c’est un rassemblement cosmétique. C’est juste pour les photos.
Un mot sur le général Guéi, le fondateur de l’Udpci dont les circonstances de la mort restent également à élucider?
Paix à son âme! C’était un grand homme. C’est le père de notre constitution. J’ai beaucoup d’admiration pour le préambule de la Constitution qui consacre le
le respect de la vie humaine. Et il a permis quand même que la lutte des Forces de
gauche, qui était de permettre aux jeunes de 18 ans qui sont les plus nombreux, de prendre part aux scrutins. Nous sommes passés de la première à la deuxième république qui a divisé ses enfants. Malheureusement.
Sa mort a également suscité des commentaires?
Je n’ai pas de commentaire à faire parce que je ne suis pas habilité à le faire.
Vous avez décidé de vous présenter aux élections législatives à Bonoua Bongon, commune et sous-préfecture. Que comptez-vous apporter de neuf aux populations de ces localités?
Nous sommes jeunes et nous connaissons les problèmes des jeunes. Je suis en train d’assister à ce que je peux appeler l’organisation des machines à voter des lois, parce que les gens sont en train de préparer des machines à voter des lois. Il faut qu’on entende des sons courtois certes, mais discordants. Par exemple, j’aime bien l’assainissement des rues, c’est joli, c’est beau, mais on est déjà un pays pauvre très endetté. J’aimerai savoir ce qu’on va léguer aux générations à venir parce qu’on s’interroge : d’où viennent ces ressources avec lesquelles on construit toutes ces autoroutes, tous ces ponts ? C’est vrai notre président bien aimé est un pur produit du Fonds monétaire international (Fmi), c’est un monsieur qui nous a tous inspiré, je suis économiste, mais c’est un ultra libéral. Moi, je suis un enfant de paysan, un enfant de pauvre. Je souhaiterais que les Forces de gauche, du centre gauche en particulier, se fassent entendre, pour que véritablement tout ne soit pas laissé au capital. Pour que tout ne soit pas soumis à l’investissement utilitaire pour, je ne vais pas dire, le colonisateur. Je suis conscient de ce que le monde est devenu un village planétaire, mais je souhaiterais qu’on donne une petite place au social. Au jour d’aujourd’hui, le chômage en Côte d’Ivoire est endémique. Ça devait être l’une des priorités. Je pense que cette voix là doit être entendue. Et je ne crois pas que ce projet ultra-libéral soit en conformité avec les attentes des populations ivoiriennes. C’est pour cela que librement, humblement, respectueusement, qu’on pense un peu plus, je n’allais pas dire au panier de la ménagère, mais au quotidien des Ivoiriens, de façon pratique et pragmatique. Les belles routes, c’est joli, ça fait plaisir mais, les ventres sont en train de crier famine.
Claude Dassé
Soir Info
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