Athènes: “Pourquoi paierions-nous pour les dettes ? Ce ne sont pas les nôtres” – La Grèce abandonne officiellement l’idée d’un référendum

Par Liberation.fr

La Grèce abandonne officiellement l’idée d’un référendum
Le ministre grec des Finances Evangélos Vénizélos indique avoir officiellement annoncé aux chefs de la file de la zone euro et à son homologue allemand la décision de la Grèce de “ne pas organiser le référendum” qu’elle avait prévu sur le plan européen de sortie de crise.

Dans un communiqué, M. Venizélos a ainsi confirmé auprès du dirigeant de l’eurogroupe Jean-Claude Juncker, du Commissaire aux affaires économiques Olli Rehn et de Wolfgang Schauble, l’intention affirmée la veille par le Premier ministre Georges Papandréou. Il a aussi souligné que le gouvernement briguait vendredi soir la confiance “pour obtenir le plus grand consensus possible” politique “avec la formation d’un gouvernement en ce sens”.

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Source: lemonde.fr

Correspondance – Dimitris Polychroniadis paie ses impôts sur le revenu, mais il refuse de payer ceux qui sont, selon lui, imposés par la “troïka”, constituée de représentants du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque centrale européenne (BCE), de la Commission européenne. C’est une question de principe.

Il a donc manifesté place Syntagma, au pied du ministère des finances à Athènes, pour déchirer son avis de paiement de l’impôt de solidarité, créé à la suite du premier plan d’aide européen de 110 milliards d’euros, mis en place en 2010 pour éviter à la Grèce la faillite.

Il refuse également de payer le nouvel impôt sur la propriété, qui vient d’être instauré. “Je ne paierai pas ces impôts jusqu’à ce que ce gouvernement s’en aille, que le FMI quitte la Grèce et que nous sortions de l’Europe”, assure-t-il.

M. Polychroniadis est un militant. Mercredi 2 novembre, il tient un bureau de vote dans une école de la banlieue nord d’Athènes où il travaille comme instituteur et où il est candidat pour être représentant syndical.

Depuis deux ans, il milite aussi dans un autre mouvement, très présent dans les manifestations, appelé “Den plirono” (“Je ne paie pas”). Ce mouvement s’est fait connaître en laissant libre passage aux automobilistes aux péages des autoroutes pour protester contre les hausses des tarifs. Il continue ses actions aujourd’hui en s’opposant au très impopulaire impôt sur la propriété, qui est directement prélevé sur la facture d’électricité. Si le contribuable ne paye pas, son électricité sera coupée.

“Pourquoi paierions-nous ? Pour les dettes ? Mais ce ne sont pas les nôtres, ce sont celles des politiciens et du capital. Nous n’avons pas besoin de toutes ces armes que nous vendent les Français et les Allemands”, explique le syndicaliste.

Le mouvement “Den plirono”, qui revendique plus de 20 000 membres, est organisé. “C’est un mouvement de désobéissance, poursuit M. Polychroniadis. Nous savons que nous nous mettons hors la loi, mais si nous voulons renverser le gouvernement, il faut prendre des risques. Nous n’avons pas peur du gouvernement. S’ils veulent couper nos compteurs d’électricité, nous irons les remplacer. Nous sommes équipés pour ça.”

Les militants de “Den plirono” bénéficient de la complicité du puissant syndicat de l’opérateur d’électricité (PPC) qui a déjà essayé de bloquer l’imprimerie d’où sortent les factures réclamant le nouvel impôt.

L’exemple vient d’en haut. Le vice premier ministre, Théodore Pangalos, a expliqué, en octobre à la télévision, qu’il ne pourrait pas payer cette taxe, car il a beaucoup de propriétés. Il a mis au défi Evangélos Venizélos, le ministre des finances, de le mettre en prison !

L’une des priorités du gouvernement et de la “troïka” était de renforcer les recettes fiscales et de combattre la fraude fiscale. C’est l’un de ses principaux échecs.

Les recettes fiscales ont régressé de 4,3 % sur la période de janvier à septembre par rapport à 2010. L’objectif de 54 milliards d’euros de recettes en 2011 semble difficile à atteindre, d’autant que le ministère des finances a connu une quinzaine de jours de grève en octobre.

La récession et les baisses de salaires entraînent une diminution des revenus des ménages et des entreprises et donc de moindres rentrées fiscales. Mais la collecte des impôts est toujours aussi inefficace. C’est pour cela que le ministère a confié le soin de collecter l’impôt sur les résidences à la compagnie d’électricité plutôt qu’aux services fiscaux.

Dans une étude sur l’économie grecque, la London Business School juge ce système “impossible à changer”. Elle propose par conséquent de l’abolir, citant un ancien responsable des finances qui explique que “même si l’on fermait toutes les autorités en charge de récolter les impôts, les recettes de l’Etat n’en souffriraient pas”.

Le gouvernement a publié sur Internet la liste de 6 000 entreprises qui devaient plus de 150 000 euros à l’Etat, pour un montant global de 30 milliards. Là encore, l’exemple vient d’en haut. L’entreprise qui doit le plus d’argent à l’Etat lui appartient : il s’agit de la compagnie de chemins de fer, avec 1,2 milliard d’euros d’arriérés d’impôts.

Depuis la publication de cette liste, en septembre, aucune information n’a circulé sur l’argent récupéré. Une liste des particuliers devant le plus d’argent vient également d’être diffusée, mais seulement auprès des parlementaires.

A ce tableau s’ajoute la fraude fiscale, véritable “sport national” en Grèce où le poids des très petites entreprises et des personnes auto-employées, difficilement contrôlables, est très important.

Cette fraude coûterait à l’Etat entre 10 et 15 milliards d’euros par an, selon une fourchette donnée par l’ancien ministre des finances, Georges Papaconstantinou.

Après des annonces spectaculaires sur des saisies de comptes de médecins ou d’avocats et la traque de piscines non déclarées, grâce à Google Earth, la lutte contre la fraude semble piétiner, même si la législation a été durcie.
Alain Salles

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Le FESF suspend une levée de fonds pour l’Irlande

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a annoncé, mercredi 2 novembre, la suspension d’une émission obligataire visant à lever 3 milliards d’euros pour financer les prêts promis à l’Irlande. “Nous avons l’intention de réaliser l’émission dans un avenir proche mais plus cette semaine”, a déclaré un porte-parole. Le FESF veut attendre qu’un minimum de calme soit revenu sur le marché obligataire. De source bancaire, cette émission pourrait intervenir la semaine prochaine, en fonction de l’issue du vote de confiance demandé par le premier ministre grec, Georges Papandréou, au Parlement, vendredi 4 novembre.

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Le FMI place l’Italie sous surveillance
/ Berlusconi sous pression pour accepter le contrôle du FMI

Aprèsla Grèce, l’Italie. La troisième économie de la zone euro pourrait être mise sous surveillance du Fonds monétaire internationale (FMI). Le gouvernement de Silvio Berlusconi était sous pression pour se laisser convaincre de demander le soutien de l’institution dirigée par Christine Lagarde, indique le FMI. Cette dernière voulait envoyer tous les trois mois une équipe d’experts chargée de faire le point budgétaire et d’analyser l’avancement des réformes décidées par Rome. Le conseil d’administration du Fond serait saisi de leur rapport, ce qui permettrait d’avoir une procédure publique. L’idée d’octroyer une ligne de crédit du FMI à l’Italie a été défendue par l’Allemagne, mais vendredi, elle n’était pas été acceptée par M. Berlusconi. Le président du conseil italien faisait de la résistance vendredi matin contre toute mise sous tutelle de son pays. Les responsables italiens indiquaient ne pas avoir accepté la surveillance du fonds.

Mme Lagarde ne veut pas agir en troïka, comme dans le cas dela Grèce, avecla Commissioneuropéenne etla Banquecentrale européenne (BCE). Ce qui n’empêchera pas la Commission, qui n’a pas les moyens humains de pratiquer le même genre d’audit, d’envoyer ses experts dans les prochaines heures.

Cette solution est censée protéger l’Italie de toute contagion de la crise grecque. Dès jeudi matin, le président du conseil italien Silvio Berlusconi avait été convié à Cannes par Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, les responsables européens et Mme Lagarde. En creux, M. Sarkozy a résumé le problème. « J’ai toute confiance dans l’économie italienne ». Comprendre, je n’ai pas confiance en Silvio Berlusconi, dont le gouvernement à bout de souffle suscite la défiance des marchés. Les taux d’intérêt à dix ans exigés par les marchés pour financer Rome sont désormais de 6,4% contre 1,8% pour l’Allemagne. Impossible d’exiger le départ de M. Berlusconi, même si c’est le vœu de ses partenaires européens, qui vantent le suicide électoral du premier ministre espagnol Luis Rodriguez Zapatero. M. Sarkozy et Mme Merkel ne veulent pas donner le sentiment qu’ils dirigent « sans les peuples ». Mais avec le FMI, ils ont sommé M. Berlusconi de passer des paroles aux actes, des promesses de réformes aux réformes elles-mêmes. Nicolas Sarkozy sait que si l’Italie tombe, ce sera ensuite le tour dela France d’être attaquée.

L’Italie n’est pas qu’une affaire européenne. Elle inquiète tous les grands de ce monde, réunis à Cannes et médusés de l’effet dévastateur de la contagion de la crise grecque à toute l’économie mondiale. « L’essentiel des débats furent consacrés à la zone euro », a concédé, exténué, Nicolas Sarkozy, dans la salle du Palais des festivals de Cannes, où il a salué « la grande volonté d’unité et d’entraide ». « Bien quela Grèce soit le sujet le plus urgent, s’il y a une contagion à des pays plus grands, nous pourrions finir dans une situation non gérable », a expliqué en substance le président américain Barack Obama, lors de la première réunion de travail du G20. « Nous avons besoin de construire une enceinte de protection. Le FMI doit avoir un rôle de soutien important », a poursuivi le président américain.

Enceinte de protection ou pare-feu, il faut renforcer le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 440 milliards d’euros et censé voler au secours des Etats. Pour les Français, l’idéal eût été de l’adosser à la banque centrale européenne (BCE), pour la doter de moyens financiers illimités, susceptibles de décourager les marchés. C’est impossible, au moins à court terme, en raison de l’opposition de Berlin et dela BCE, en particulier de ses représentants allemands.

L’idée est donc de mobiliser les fonds dont disposent les Européens au FMI, les droits de tirage spéciaux (DTS). Ceux-ci seraient doublés pour atteindre 140 milliards d’euros et affectés par les Etats dans le FESF. « Aide toi, le ciel t’aidera », cette formule satisfait les émergents, qui veulent que les Européens, plus riches qu’eux, se sauvent largement par eux-mêmes. Cette solution pose toutefois un problème à Angela Merkel, qui doit faire approuver la décision par le Bundestag, ce qui agace les Français.

Elle a en revanche les faveurs de Barack Obama, qui n’aurait pas besoin ainsi de la faire adopter par son Congrès. D’autre part, les Américains ne veulent pas quela Chine vole au secours de la zone euro ostensiblement, car ce serait consacrer la montée en puissance de Pékin.

Dans cette opération de sauvetage,la BCE reste officiellement en retrait, mais elle continue d’acheter de la dette italienne et espagnole. Surtout, elle a concouru à un début de solution en baissant ses taux d’intérêts jeudi. Signe notable, la première mesure de son président Mario Draghi a été soutenue par les Allemands souvent prompts à dénoncer une politique monétaire trop accommodante.

Alain Faujas et Arnaud Leparmentier

Lemonde.fr

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