EVENEMENT 85 Factuel… Par Yves de Séry – Ouattara et la peur du gendarme
Source: Aujourd’hui
Depuis quelques jours, le nouveau commandant supérieur de la Gendarmerie nationale a entrepris de nettoyer les écuries d’Augias au sein de ce corps d’élite des armées, le plus respecté du pays pour sa discipline et son sens du devoir républicain. La croisade contre les damnés a commencé à la caserne d’Agban, la place militaire la plus forte de la Gendarmerie de Côte d’Ivoire. Déjà tous les éléments qui ont eu le malheur de servir sous l’autorité du commandant Jean-Noël Abéhi, l’ex patron du redoutable groupe d’escadron blindé (GEB), ont été mutés ailleurs et sont aujourd’hui disséminés à travers tout le territoire national. Idem pour ceux qui témoignaient une quelconque sympathie au jeune officier actuellement en exil. A ces derniers, il est reproché d’avoir organisé, dans la nuit du 14 au 15 octobre 2011, une mutinerie au camp d’Agban. La suspicion s’est davantage renforcée autour d’eux avec l’arrestation le lendemain, du commandant Anselme Séka Séka à l’aéroport FHB de Port-Bouët et la programmation ce même jour, du meeting de la jeunesse du FPI à Yopougon. De là à établir un lien entre les trois évènements, il n’y a qu’un pas que les securocrates du régime ont du reste vite fait de franchir. Il s’en est suivi une vingtaine d’arrestations de soldats accusés de vouloir attenter à la sureté de l’Etat. Mais la grande surveillance dont font principalement l’objet la caserne d’Agban et le camp commando de Koumassi, va au-delà de la seule volonté du général de Brigade Gervais Kouassi, le nouveau ‘Comsup’ de marquer son territoire comme le ferait tout nouveau patron. Elle traduit plutôt la méfiance, voire la peur entretenue par le chef de l’Etat vis-à-vis de la gendarmerie nationale. Un corps que M. Ouattara a pratiquement pris en grippe depuis le jour de la disparition du président Félix Houphouët-Boigny. Ce soir du 6 décembre 1993, au terme d’un chassé-croisé entre Dramane et Bédié, les deux héritiers du ‘’vieux crocodile’’ de Yamoussoukro, c’est le prince de Daoukro qui l’emporte avec le soutien actif de la Gendarmerie. Le désamour ira croissant au fil des années jusqu’au 19 septembre 2002,- jour du déclenchement de la rébellion armée qui a attaqué-, où un détachement de gendarmes stationné devant son portail, contraint Ouattara à se refugier chez son voisin, l’ambassadeur d’Allemagne à Abidjan. Les mauvaises langues disent que dans la panique, le champion du Rdr a, aussi incroyable que cela puisse paraître, retrouvé ses jambes de 18 ans pour escalader rapidement la clôture séparant les résidences des deux personnalités. Et tout au long de la présidence de Laurent Gbagbo, la gendarmerie sera diabolisée par le chef de l’Etat actuel et les siens en raison de sa promptitude à défendre la République régulièrement titillée par les forces de l’opposition. Elle sera même assimilée à une force pro Gbagbo. Exaspéré par l’inflexibilité de cette unité, M. Dramane Ouattara finira par lâcher en pleine campagne électorale, qu’en cas de triomphe au scrutin présidentiel de 2010, il procédera à la dissolution pure et simple de la gendarmerie, du moins dans sa forme actuelle. Pour l’heure, nous n’en sommes pas encore là, mais selon des sources dignes de foi, toutes les armes lourdes ont été retirées du camp d’Agban pour éviter, dit-on, toute surprise désagréable contre le nouvel homme fort d’Abidjan. C’est que ce dernier, n’a pas foi en cette force qui jusqu’au bout, dans la crise post-électorale a défendu la légalité constitutionnelle. Elle a dû ranger les armes suite à l’entrée dans le conflit de la coalition franco-onusienne. Et le chef de l’Etat qui n’est pas sûr de sa popularité au sein de cette troupe, préfère plutôt l’émasculer. Pour ne pas nourrir plus tard des regrets éternels, si on en croit des fuites en provenance du palais présidentiel. Telle est actuellement la configuration de la partie de poker qui se joue entre Ouattara et les soldats de la gendarmerie. Qui l’emportera au finish ? Les prochains jours nous éclaireront davantage.
Post-scriptum 85 Comme l’huile et l’eau
Le régime d’Alassane Dramane Ouattara a maille à partir avec le corps de la gendarmerie nationale de Côte d’Ivoire. C’est le contraire qui nous aurait surpris. Ce corps d’armée est réputé pour son respect de la loi et pour son sens de la légalité républicaine. « Pro patria pro lege » telle est la devise de cette unité de l’armée qui ne recrute pas dans les rues, les prisons et autres champs de sorgho. On y accède et on évolue dans ce corps avec un certain niveau de connaissances. C’est donc un corps qui a une haute idée de la République et des lois qui la régissent. C’est donc à juste titre que le corps de la gendarmerie a toujours été du côté de l’Etat pour défendre ses institutions. Elle fut pendant longtemps en Côte d’Ivoire une forteresse imprenable pour la défense des valeurs républicaines. Tous les coups d’Etat qui ont précédé celui du 19 septembre 2002 ont échoué après avoir buté sur le fameux camp de la gendarmerie d’Agban. La déroute des assaillants du 19 septembre est partie de la perte du combat épique que ces derniers ont mené dans cette caserne.
On se souvient qu’à cause de cette loyauté qui leur colle à la peau et qui a pendant longtemps empêché les putschistes de tourner en rond, Alassane Ouattara qui a cru que c’était sa personne qui était visée in fine, s’était même juré de la supprimer dès son accession au pouvoir. Aujourd’hui, personne ne devrait donc être surpris qu’il les malmène autant. Nous pensons même que c’est un manque de courage politique qui fait qu’au lieu de la supprimer totalement, on procède à ce vaste mouvement d’affectations qui ressemble bien plus à une chasse aux sorcières qu’à autre chose.
Un régime qui fait la promotion de chefs de guerre ne peut logiquement cohabiter avec un corps d’armée légaliste.
Joseph Marat
Source: Aujourd’hui
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