Par Géraldine Diomandé
Le chef de l’Etat s’est envolé hier pour la France. Ce sera, si notre mémoire est bonne, la sixième du genre en six mois de présidence, soit un déplacement en terre française chaque mois. Des statistiques fort parlantes qui indiquent la qualité des relations entretenues par le palais présidentiel ivoirien et l’Elysée. On est loin de l’arithmétique famélique d’un Laurent Gbagbo qui lui, en dix années au pouvoir, ne s’est offert que deux voyages dans l’hexagone. Ce n’était pas sa tasse de thé. Même lorsque le président Nicolas Sarkozy lui-même, l’a invité avec insistance à venir parader sur les Champs-Elysées, à l’occasion du cinquantenaire des indépendances des anciennes colonies françaises d’Afrique, Gbagbo a décliné l’offre. Depuis la mi-avril 2011, l’axe Abidjan-Paris a retrouvé ses bonnes vieilles habitudes de l’ère Houphouët-Boigny. Avec notamment, le ballet des visiteurs de marque, redevenu incessant dans les deux sens. Jean-François Copé, le Secrétaire général de l’UMP, le parti de Nicolas Sarkozy y est allé, le week-end dernier, de sa promenade exotique en terre ivoirienne pour échanger avec le n°1 ivoirien. Claude Guéant, le ministre français de l’Intérieur, est quant à lui attendu dans les prochains jours au bord de la lagune Ebrié. Ce sera le second déplacement de l’un des principaux lieutenants du président français, en Côte d’Ivoire en l’espace de trois mois. En fait, il ne passe pratiquement pas une semaine sans que les deux capitales n’enregistrent le passage de personnalités de premier plan. Le ministre d’Etat Hamed Bakayoko était hier encore en terre parisienne pendant que Henri Konan Bédié, l’inspirateur théorique de la présidence de l’actuel chef de l’Etat, regagnait Abidjan après un séjour de plusieurs semaines en terre française. C’est dire si la coopération entre les deux pays marche au super ! Signes des temps, les hommes d’affaires et autres agents de l’ombre français sont à nouveau, abonnés à la destination Abidjan. Et ils sont présents partout, même au palais présidentiel où des indiscrétions leur prêtent de coacher le maitre des lieux selon les bons usages de la Françafrique et de la grande Loge maçonnique. Ouattara lui-même ne manque aucune occasion de se vanter de ce regain de sympathie des Français et autres occidentaux pour la présidence ivoirienne. « La Côte d’Ivoire est vraiment de retour », n’ont de cesse de clamer les ‘’aficionados’’ du régime pour camper ce nouveau climat. Féru du « bling bling » en politique, l’époux de Dominique tient à ce que la télévision publique fasse à chaque fois, une large couverture de ses déplacements en Europe ou aux Etats-Unis. Fin juillet dernier, Pascal Brou Aka, alors DG de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) a été débarqué pour n’avoir pas dépêché une équipe de reportage à l’aéroport FHB, pour accueillir le chef de l’Etat qui rentrait justement d’un séjour aux Etats-Unis où il avait été reçu avec peu d’honneur par son homologue Américain. Ainsi donc, comme dirait Voltaire ‘’tout est mieux dans le meilleur des mondes possibles’’ entre Ouattara et son ami Nicolas Sarkozy.
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Evénement analyse.
Le retour des « ordre du jour » de l’Elysée
Alassane Dramane Ouattara a pris hier, mardi l’avion pour se rendre en France. La raison officielle qui conduit le dirigeant ivoirien au bord de la Seine cette fois-ci est la suivante : prendre part au Forum des dirigeants qui se tiendra mercredi et jeudi au siège de l’UNESCO. Il est prévu qu’il y prenne la parole aujourd’hui sur le thème « Comment l’UNESCO contribue-t-elle à l’édification d’une culture de la paix et au développement durable ? » Mise à part les réelles difficultés que l’homme aura pour parler de paix et de développement durable ( après avoir ameuté toutes les armées du monde pour régler un contentieux électoral dans le sang, sa volonté de faire vraiment la paix avec son opposition sur place, en exil et en prison reste encore à démontrer), nous notons que c’est le sixième voyage que Dramane Ouattara, en six mois de gouvernance, effectue en France. Cela donne un ratio d’un voyage par mois. Oui, la France est un pays prestigieux. Et pour le petit peuple, c’est un bonheur de pouvoir y aller régulièrement. Mais, pour un chef d’Etat dont l’ampleur de la tache est telle que les minutes sont ce qu’il a de plus chères dans la gestion quotidienne des problèmes du pays, surtout quand ce pays ne finit pas de sortir d’une guerre interminable, prendre l’avion à la moindre invitation, est un problème. Soit Dramane Ouattara pense que diriger un pays, c’est être perpétuellement en vacance et se promener dans l’Etat de l’autre comme un touriste en manque de destinations plus imaginatives ; soit il est vraiment au travail, comme il tient à le faire croire et ses déplacements en France sont des visites régulières de travail. Dans les deux cas, il ya problème. Primo la Côte d’Ivoire n’a jamais eu autant de difficultés. La sécurité des citoyens est précaire depuis qu’on a armé et déversés dans les rues du pays tous les désœuvrés qui croient travailler en commettant des exactions à tout bout de champ. Comment relever le taux de réussite à l’école après avoir, pour des raisons politiques, lancé des boycotts des cours pour que l’adversaire quitte le pouvoir ? Comment rouvrir les universités pour que les rares admis au bac ne deviennent pas des désœuvrés à armer. Le coût de la vie qu’on a promis réduire dès la prise du pouvoir prend chaque jour l’ascenseur pour un peuple a qui on a très tôt arracher ses petits commerces par des opérations de déguerpissement qui ont tourné court. Nous ne parlerons pas de la santé des ivoiriens que les effets d’annonce de gratuité de soin tuent à petit feu…la Côte d’ivoire a plus que jamais besoin d’un chef d’Etat qui épluche les dossiers pour régler les nombreux problèmes des Ivoiriens. Un Dandy entre deux avions, n’est vraiment pas celui qu’il nous faut en ce moment. Secundo, si c’est pour régler les problèmes des ivoiriens que Dramane défile en France, il faut le dire tout net, six voyages en six mois, c’est trop pour aucun début de solution. A moins que ces voyages ne soient des occasions de rencontre avec le véritable patron qui gère notre pays pour lui faire un compte rendu régulier du mécanisme de prédation des ressources de la Côte d’Ivoire. Ce n‘est pas nouveau. Tout le système colonial a été organisé sur ce modèle. Le néocolonialisme, plus connu sous le vocable de Françafrique aussi. Les ordres du jour des conseils de ministres élaborés à l’Elysée ont seulement cessé avec le président Laurent Gbagbo. Ce n’est peut-être pas anodin, le lapsus de l’historienne Henriette Dagri Diabaté lors de l’investiture de Dramane Ouattara à Yamoussoukro le 21 mai dernier. La Côte d’Ivoire est-elle encore un pays souverain ? Cette dernière lecture des voyages de Dramane Ouattara en France nous semble plus plausible parce que le constat crève les yeux. Plus Dramane Ouattara va en France, plus les Ivoiriens s’appauvrissent.
Joseph Marat
Source: Aujourd’hui
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