Au CAMEROUN il est encore temps pour éviter un bain de sang!

Dimanche 9 octobre 2011, dans l’indifférence générale, une dictature africaine de 29 ans de pouvoir sans partage risque d’être confirmée, au mépris de toutes les règles qui encadrent n’importe qu’elle élection, même africaine. Au Cameroun, Paul BIYA se représente pour la 5ème fois, ayant autoritairement modifié la constitution en avril 2008, afin de pouvoir se représenter. Dans le même temps, la durée du mandat qui était de 5 ans fut portée à 7 ans.

A quelques heures du scrutin, le non-respect du code électoral par le président en exercice et les équipes de son parti le R.D.P.C. est incessant. Campagne d’affichage illégale à bien des titres ; interdiction de fait de l’espace aérien à plusieurs de ses opposants, lui-même ayant réquisitionné le seul avion de la compagnie Camair-co; distribution des deniers publics sous forme de vêtements à son effigie, de matériel agricole et de sommes d’argent parfois considérables partout où il doit se rendre etc…

Depuis 1996, la constitution prévoit qu’en cas de vacance du pouvoir, le président du Sénat devrait le remplacer. Mais depuis cette date, le Sénat n’a toujours pas été mis en place. Pas plus que le Conseil Constitutionnel prévu dans le même temps, même si traditionnellement il fut demandé à la Cour Suprême de faire office.

Dans le passé, tous les scrutins ont donné lieu à des contestations, parfois meurtrières. En 1992, tous les observateurs se sont accordés pour convenir que le scrutin aurait dû être remporté par l’opposant Ni John Fru Ndi, du Social Démocratic Front, si les fraudes au dépouillement n’avaient pas été si nombreuses. En 2011, tout est en place pour qu’un schéma analogue se reproduise. Entre temps, en 2008, des « émeutes contre la faim » et contre cette modification constitutionnelle ont fait environ 200 morts, suivant les O.N.G.

Aujourd’hui, bien que M. Ni John Fru Ndi ait au dernier moment décidé de se représenter, une opposition moderne et désireuse de paix est incarnée par Madame Kah Walla, 46 ans, présidente du C.P.P., le Camerooon Peoples Party. Il s’agit d’un scrutin à un tour, où figurent 23 candidats, seul moyen pour le pouvoir de se maintenir.

Après une période de colonisation allemande, le Kamerun, fut partagé entre la France et l’Angleterre. La décolonisation n’a pas été sans problèmes, mais malgré leurs propres sensibilités, les deux communautés ont toujours cohabité dans la paix. Devant des ingérences extérieures qui risqueraient de déstabiliser le pays, Mme Kah Walla a clairement indiqué dès le départ que son souhait était d’œuvrer pour une meilleure unité entre le nord anglophone et le sud francophone.

Devant l’insistance de la communauté internationale, l’organe ELECAM composé de 12 membres fut créé pour gérer la mise en place des élections, sans que ne lui soit donné l’autorisation de proclamer des résultats, ce rôle incombant au pouvoir en place. Tous ses membres étant proches du parti au pouvoir, les pressions ont obligé le président à ajouter 6 nouveaux membres, plus neutres, à cet organe. L’un de ces six nouveaux membres, Madame Pauline Biyong, a depuis quelques semaines obtenu le contrat de l’affichage du président-candidat Paul Biya. Montrée du doigt par tous les autres candidats depuis une quinzaine de jours, elle vient d’être démissionnée ce vendredi 7 octobre au soir.

Les chiffres annoncés par toute la presse concernant les frais de conseils en communication de cette campagne du président Biya s’élèveraient à 4,3 milliards de Francs C.F.A., marché obtenu par le cabinet Patricia Balme Communication.

Ce vendredi 7 octobre, Mme Kah Walla, dans un poignant appel lancé sur face book à 13h10, a adressé une « Lettre ouverte aux forces de l’ordre et de sécurité », les exhortant à aider à la surveillance du scrutin dans le respect de leur engagement au service de la Nation et non d’un parti, mais également à être à l’écoute des désirs du peuple camerounais, excédé par la corruption généralisée et souhaitant désormais aller vers un avenir meilleur et dans la paix.

Depuis plusieurs jours, Madame Kah Walla lance de nombreux appels pour que des scrutateurs puissent être recrutés afin de surveiller le scrutin. Elle demande que chacun se mobilise au Cameroun, afin que ces scrutateurs puissent être payés 2000 francs CFA par jour (3 euros) mais aussi qu’ils disposent d’eau et de nourriture durant tout le temps nécessaire à la surveillance du vote, à l’acheminement des urnes et au comptage des bulletins. 60 000 Scrutateurs sont nécessaires et il en manque encore 30 000. La date de cette élection n’est connue que depuis un mois.

A l’heure qu’il est, guidés par madame Kah Walla -qui a toujours insisté sur son désir de compter sur les urnes et non sur la force-, les camerounais et les autres prétendants à cette élection n’ont besoin de personne pour régler leurs problèmes internes, à condition que le pouvoir en place, après un dépouillement dont il a l’habitude, ne viennent une fois encore inverser les résultats. Même si dans ce pays les sondages ne sont pas d’une fiabilité extrême, tous ceux réalisés sur internet donnent Madame Kah Walla très largement devant Paul Biya, avec près de 37% des votes, contre 16,7 % pour le président en exercice. Le parti de Ni John Fru Ndi, dont est issue Mme Kah Walla obtiendrait 11%. Monsieur Garga Haman Adji, issu du nord et connu depuis longtemps pour sa probité obtiendrait 14%.

Malgré cette corruption endémique, les camerounais ont toujours réussi à ne pas s’entretuer. Il faut être certain qu’une fois la liberté retrouvée, ce sixième sens qu’ils ont développé leur permettra d’aller de l’avant dans l’unité. Le Cameroun est un pays qui dispose d’immenses richesses. Une bonne gestion pourra sans aucun doute en faire un pays phare dans toute cette sous-région, en très peu d’années.

Le mutisme des décideurs internationaux est assourdissant et pourrait bien être lourd de conséquences. C’est maintenant, avant que ne commence le vote, que les plus hautes autorités internationales doivent faire savoir publiquement et sans compromis au président Paul BIYA, que les exactions passées risquent, après le « printemps arabe » de finir dans un nouveau bain de sang, d’une plus grande ampleur que les précédents. Bientôt, il sera trop tard. Ce qui se passe en Côte-d’Ivoire devrait servir de fil rouge afin que les mêmes erreurs ne se reproduisent pas.

En même temps, à l’heure où chacun parle de valises effectuant le trajet de l’Afrique vers la France, Il serait urgent que la communauté internationale en intercepte déjà au moins une, et la confie aux soins de toute personne désignée par Mme Kah Walla afin que les émoluments des scrutateurs puissent être versés sans trop de difficultés. Il y a urgence.

Au fil des décennies et de rendez-vous manqués, l’image de la France s’est très considérablement dégradée dans ce pays. Trente années de dictature où le pouvoir laisse insuffler avec intelligence que tout ce qui arrive est de la faute des français y a grandement contribué et permis au président Biya de se maintenir. Les évènements qui se produisent aujourd’hui au Cameroun étaient prévisibles depuis bien longtemps. Depuis plusieurs mois, la position de la France a été de se taire et s’est sans doute ce qu’elle avait de mieux à faire. Néanmoins, cela ne devrait pas nous dispenser de multiplier les démarches afin que tous ceux qui disposent encore de crédibilité usent de tout leur poids pour qu’un inévitable bain de sang soit évité. Jusqu’à ce jour, R.F.I., France 24 et presque tous les médias français sont demeurés muets.

A l’image du slogan de campagne de Madame Kah Walla « The time is now », L’O.N.U. , l’Union Africaine, la Cour Pénale Internationale et toutes les instances disposant d’un peu de crédibilité ne peuvent plus se taire.
© lepost.fr: Didier Henny.

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