Réconciliation en Côte d’Ivoire: la presse jouera-t-elle le jeu ?

Le Pays

Lors de la cérémonie d’installation de la Commission vérité-dialogue-réconciliation le 29 septembre dernier, le président Alassane Dramane Ouattara a presque imploré les médias ivoiriens. Il les a appelés à plus de responsabilité dans le traitement de l’information afin de faciliter le processus de réconciliation en marche à l’issue de la crise postélectorale : « Accompagnez-nous dans ce processus, faites–le pour la Côte d’Ivoire. »

C’est une interpellation qui était indispensable et le cadre était bien choisi pour le faire. Les médias ivoiriens ont eu leur part de responsabilité dans la crise qui a déchiré le pays. Au lieu d’en être les témoins critiques, certains organes de presse ont carrément été des acteurs non négligeables dans l’amplification de la crise. Les médias partisans, qu’ils soient pro-Gbagbo ou pro-Ouattara, ont d’une certaine façon du sang sur les mains. Car ils ont contribué à mettre de l’huile sur le feu, consciemment. Cette page noire que tout le monde a hâte de tourner ne devrait pas se faire sans les hommes de médias qui ont érigé leurs journaux ou radios en organes de propagande au service d’un camp. Les dernières sanctions du Conseil national de la presse à l’encontre du journal pro-Gbagbo, « Notre Voie », aussi légère soient-elles, n’ont rien de rassurant.

Eugen Kacou CNP

A peine cet organe a-t-il repris sa diffusion qu’il subit le courroux de l’organe de régulation. La raison commande que dans une période de transition aussi sensible, les professionnels de la plume ne répètent pas leurs erreurs du passé. Par contre, il est nécessaire de ne pas leur imposer le diktat de la pensée unique. La presse doit pouvoir exprimer librement ses idées, sa différence sans tomber dans l’outrage, l’insulte et la remise en cause de la cohésion nationale, c’est-à-dire retourner aux fondamentaux du métier dont le respect garantit la pleine jouissance de cette liberté de presse.

Le processus en cours est une période charnière, critique pour l’avenir du pays. La paix, la réconciliation nationale et la reconstruction ne peuvent se réaliser que dans un contexte médiatique apaisé, avec une presse responsable non inféodée aux officines des partis politiques. Il est donc impérieux que les journalistes-militants se mettent en vacances. La question aujourd’hui est de savoir si les journaux ivoiriens sont capables de cette mue salutaire que l’on attend d’eux.

Tous les grands partis ont leur organe de presse ou plutôt leur caisse de résonance au service de la propagande. Si les médias ivoiriens, à quelques exceptions près, ont été le reflet du drame ivoirien, il reste à espérer qu’ils rentreront dans les rangs, une fois que leurs mentors politiques se seront engagés dans le processus de paix et de réconciliation.

Le président Alassane Dramane Ouattarra a reçu les responsables du Front populaire ivoirien (FPI), et du Congrès national pour la résistance et la démocratie (CNRD) autour de l’organisation du scrutin législatif du 11 décembre prochain. Celui-ci ne sera apaisé que si les politiciens et les médias enterrent à jamais les démons de la haine. Pouvoir, opposition et médias tiennent là une bonne occasion de se racheter, s’ils aiment vraiment leur pays.

Abdoulaye TAO
Le Pays

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