La Commission dialogue-vérité et réconciliation (CDVR), qui devra panser les plaies d’une Côte d’Ivoire meurtrie, a été installée le mercredi 28 septembre dernier à Yamoussoukro. C’est le président Alassane Dramane Ouattara himself qui a donné le la des travaux de ladite commission. Objectif : mettre les bouchées doubles pour réconcilier un pays divisé où la chasse à l’homme était devenue un sport favori. Autant dire que Charles Konan Banny et son équipe doivent mener un travail de bénédictin pour que, au final, ceux qui, hier, avaient pris l’épée les uns contre les autres, se donnent la main pour regarder dans la même direction comme ces tourtereaux qui, devant l’autorité civile, avouent s’unir pour le meilleur et pour le pire. Pour cela, il faudra nettoyer les écuries d’Augias, travailler les esprits, apaiser les coeurs et crever tous les abcès de rancoeurs pour que le bourreau et la victime, les coeurs soulagés, puissent se regarder dans les yeux en signe de repentance et de fraternité retrouvée. Mission difficile certes, mais pas impossible, pour peu que les dirigeants actuels de la Côte d’Ivoire lâchent la bride à la commission de réconciliation.
Et c’est en agissant ainsi qu’ils pourront faire contrepoids aux récriminations du camp Gbagbo qui doutent de l’impartialité de la CDVR du reste pilotée par un dignitaire de l’alliance pro-Ouattara. Aucun Ivoirien ne devrait être jugé suivant son appartenance politique, ethnique ou régionale. Il faut travailler à donner confiance à tous les acteurs tout en éludant toute démarche méprisante et exclusive. Les bourreaux et les victimes, peu importe leur bord politique, doivent être traités sur un pied d’égalité au risque de renforcer la thèse d’une « justice des vainqueurs » que soutient le camp adverse. La tâche est herculéenne, la mission colossale, l’oeuvre gigantesque et la prouesse éléphantesque. Car Banny doit mettre le pied à l’étrier, et cela, en s’inspirant d’initiatives similaires, notamment le cas sud-africain qui, à vrai dire, demeure un exemple original plein d’enseignements. Et comme le recommandent les Elders (anciens), par la voix de l’inénarrable Evêque sud-africain Desmond Tutu, l’intégration de tous les acteurs concernés, est plus que jamais indispensable pour la réussite du processus.
La cooptation de l’international ivoirien, Didier Drogba, témoigne plus ou moins de ce souci d’intégration qu’il ne faut guère perdre de vue. Espérons que celui-ci ne jouera pas à l’école buissonnière, incompatibilité de calendrier oblige, en s’absentant régulièrement aux travaux de la commission. Dans tous les cas, Banny doit tout faire pour que la CDVR ivoirienne ne tombe pas dans une situation similaire à celle du Togo, qui, après quelques révélations, jugées fracassantes, s’est complètement grippée. Il est impératif que la Côte d’Ivoire renoue avec sa sérénité d’antan, et que ses fils et filles acceptent de se pardonner.
Boundi OUOBA — Le Pays
Commentaires Facebook