Par Frédéric Maury – Jeune-Afrique
Le déblocage de la situation économique à Abidjan est une bonne nouvelle pour les capital-investisseurs. Mais, faute de visibilité, peu d’opérations sont à prévoir cette année en Côte d’Ivoire.
Ils remettent les pieds sur la lagune. Les capital-investisseurs l’avaient désertée depuis décembre 2010, contraints et forcés. La crise terminée, ils reprennent leurs travaux là où ils en étaient, avec un espoir mêlé de crainte. « La Côte d’Ivoire reste le poumon de la zone », explique Noël Eklo, fondateur et dirigeant de Cauris Management, un capital-investisseur spécialisé sur l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), et à ce titre l’un des plus exposés à l’économie ivoirienne. « Avant la crise, nous avions fixé à 35 % le montant maximal que nous pouvions investir en Côte d’Ivoire. Maintenant, nous sommes à 25 %, comme dans les autres pays. Et nous y resterons. »
Prudence des capital-investisseurs
Une prudence due en partie aux conséquences de la paralysie économique sur les sociétés en portefeuille. La Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire (CDCI), chaîne de supermarchés dans laquelle Cauris a investi il y a quelques années, a perdu pour 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros) de stocks, sans compter les pertes liées à l’arrêt de l’activité. Le ramadan qui approche devrait être l’occasion de compenser ces difficultés. La Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), détenue majoritairement par Emerging Capital Partners (ECP) depuis fin 2009, s’est retrouvée au cœur du conflit politique, obligée de couper l’électricité dans le nord du pays. Une situation très délicate pour un investisseur…
Depuis, la normalisation en Côte d’Ivoire crée une situation contrastée. « Faute de visibilité et peut-être d’une bonne connaissance du pays, certains capital-investisseurs ne sont pas très positifs », explique Jean-Marc Savi de Tové, directeur de portefeuille à l’agence de développement britannique CDC. Pour Vincent Le Guennou, qui codirige ECP, « nous ne verrons pas d’opportunités d’investissement à court terme, car les sociétés ont besoin de réévaluer leurs besoins financiers ».
À l’inverse, d’autres investisseurs veulent y voir de nouvelles occasions. Parmi eux, Phoenix Capital Management (PCM), qui vient d’effectuer un premier closing à 18 millions d’euros pour son fonds ouest-africain, pense conclure bientôt deux opérations en Côte d’Ivoire. « Ce sont deux sociétés qui ont besoin d’être restructurées financièrement, l’une dans l’alimentaire, l’autre dans la finance », souligne Michel Abrogoua, fondateur et président de PCM.
Un marché mature
Si les capital-investisseurs attendent avec impatience le redémarrage de l’économie ivoirienne, c’est aussi parce que les autres pays de la région, en dehors du Nigeria, restent décevants pour la profession. Le Sénégal, malgré l’espoir qu’il suscite régulièrement, n’a pas pris aujourd’hui la place que d’aucuns espéraient. Aureos Capital, qui a choisi Dakar comme bureau francophone, n’a réalisé que deux investissements dans le pays… « Le tissu sénégalais est difficile, souligne un financier. Les entreprises sont détenues soit par des groupes étrangers, soit par des entrepreneurs d’origine libanaise qui préfèrent souvent s’endetter plutôt que d’ouvrir leur capital. » Le Ghana s’en sort mieux. Plusieurs entreprises du pays ont reçu une trentaine de millions d’euros depuis deux ans : un centre médical, une société pharmaceutique, une banque…
Les autres pays, notamment le Sénégal, restent décevants.
Mais tout cela reste loin des opérations montées en Côte d’Ivoire avant la crise : en 2008 et 2009, près de 150 millions d’euros avaient été investis dans des entreprises du pays ou y opérant principalement. Dont environ les trois quarts dans Finagestion (holding de tête de la CIE), Thunnus (thon) et NSIA (assurances). « La Côte d’Ivoire est un marché mature, avec une vingtaine d’années d’expérience dans le capital-investissement », souligne Michel Abrogoua, qui fut l’un des premiers à pratiquer cette activité à Abidjan. « Aucun autre marché de la sous-région n’est au niveau d’un point de vue industriel », conclut Jean-Marc Savi de Tové.
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