Mam Camara (président de l’Unjci): “Le Prix Ebony sera décerné le 4 novembre prochain”

Le Temps a rencontré le président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) Mam Camara. Avec le patron de l’Unjci, la situation des journalistes ivoiriens et l’organisation prochaine du Prix Ebony sont abordées. Entretien.

Comment va l’Unjci ?
En fait, l’union en tant qu’organisation professionnelle, va bien. Cependant la presse et les journalistes ne se portent pas bien. C’est vrai que l’union, malgré la situation de crise, a tout fait pour défendre la liberté de la presse et d’expression ainsi que les journalistes quand ils étaient en difficulté. Et a apporté son soutien à ceux qui en avaient besoin. Nous avons fait et continuions de faire ce que nous avons à faire. Les résultats des actions sont visibles sur le terrain. Mais il y a du travail et nous sommes à la tâche. Parce que les entreprises de presse ne vont pas bien. Les journalistes ne sont pas tout a fait à l’aise dans l’exercice de leur fonction. C’est pourquoi nous nous battons pour que tout cela soit rétabli. Car on ne peut pas dépeindre un tableau reluisant tant que les entreprises de presse n’ont pas un appui substantiel et que l’ensemble des journalistes n’exerce pas leur profession en toute liberté. Et n’oubliez pas qu’il y a des journalistes qui sont hors du pays, dans la clandestinité et qui n’ont pas encore accès à toutes les sources d’informations. Je pense que tout cela est un problème. Mais quand la sécurité sera réglée, tout rentrera dans l’ordre.

Des organes de presses sont assiégés, des journalistes hors du pays. Comment l’Unjci règle cette question ?
Oui, nous avons été saisis dès le départ. Donc, nous sommes au fait de cette situation et de ce qui se passe au jour le jour. Nous travaillons avec les autorités. C’est notre rôle et nous sommes dans ce rôle à fond. Nous avons prêtons une oreille attentive à toute la corporation. Je l’ai dit dès le départ, quand les journaux ne sortaient pas encore. Des confrères demandaient à l’Unjci les actions à mener afin que les confrères soient dans les kiosques. A ce moment, j’avais donné des garanties. J’ai dit que cela se ferait parce que les autorités nous avaient rassurés également. Dès l’instant où les autorités nous ont donné ces garanties, nous, notre rôle est d’accompagner les confrères à sortir tout en étant prudent dans l’exercice de leur métier. Au fur à mesure que les jours passent, les choses se rétablissent, tous les journaux commencent à sortir, la liberté de la presse s’exerce, les confrères qui sont à l’extérieur commencent à rentrer. Mais le problème de la sécurité se pose toujours et la sécurité se passe aussi dans la tête. Donc, je pense que tout cela va se rétablir. Que ce soit les rédactions assiégées ou qui n’ont pas encore pu ouvrir. Tout ce qui se pose en terme de sécurité devrait pouvoir se régler les jours à venir. Car les journalistes sont prêts à assumer leurs écrits. Je pense que s’ils n’avaient pas envie d’accompagner ce processus, ils se contenteraient de rester dans la nature pour écrire. En ce moment, on ne les retrouverait jamais et ils ressembleraient à des journalistes clandestins. Et cela ne serait pas de leur fait. Sinon, ils veulent être géographiquement localisés .Pour nous, c’est une preuve de responsabilité qui démontre qu’ils veulent jouer leur rôle dans le processus de réconciliation. D’ici quelques semaines, les choses devraient se rétablir.

On a le sentiment que le Cnp lève le bâton, de façon sélective, sur des organes de presse…
Avant d’en arriver là, je voudrais dire que les journalistes ont fait leur travail au premier tour de l’élection présidentielle. C’est-à-dire, ils n’ont pas proclamé les résultats selon le code de conduite qu’on s’était donné. Ils ont été tout simplement formidable parce qu’ils ont respecté les consignes. Mais, c’est pendant le deuxième tour que les choses ont dégénéré Cependant, nous ne sommes pas là pour revenir sur ce qui est passé. Mais quand c’est bien, il faut le dire. Et quand ça ne l’est pas, il faut avoir le courage de le dire. Parce que les hommes peuvent se tromper. Nous faisons des erreurs mais nous les corrigeons pour ne pas les répéter à l’avenir. Afin de laisser des traces à la postérité.
Maintenant, parlant du Cnp, je voudrais dire que cet organe travaille dans les limites que la loi a prescrites. Aucune décision du Cnp n’est prise de façon arbitraire.

C’est le sentiment que vous avez ?
Oui, je vais déjà de ce préalable. Je veux dire que le Cnp travaille selon des textes. Si le Cnp prend une décision, elle est toujours motivée par des textes. Mais dans les textes du Cnp, il y a toujours des voies de recours et il est arrivé que l’Unjci utilise ces voies de recours pour atténuer certaines peines. Je pense que c’est le lieu d’appeler les confrères à cela, s’ils estiment que les sanctions sont arbitraires. Maintenant, le fait de dire que c’est dur est lié au passé récent de la Côte d’Ivoire. Vous savez, il y a plusieurs thèses. Il y en a qui estiment que le Cnp a été suffisamment laxiste ou paternaliste si bien qu’il y a eu des dérives. Mais ce sont toujours les victimes qui estiment que c’est dur. Ceux qui se plaignent des décisions du Cnp le font parce qu’il y a forcement des conséquences sur les entreprises de presse, donc sur les journalistes quand on ferme un journal. C’est un manque à gagner. C’est normal qu’ils se plaignent. Mais le principe, c’est de ne pas juger les décisions des instances mais plutôt d’utiliser des voies de recours. Il faut qu’on apprenne à être responsable, à faire notre mea culpa et à rester collés à nos textes. Avant d’aller sur le terrain des conséquences professionnelles et économiques, il faut voir si les décisions du Cnp sont attaquables ou pas ? Si nous sommes d’accord sur les cas où le Cnp a raison de sanctionner, nous acceptons la sanction et nous nous corrigeons. Mais si nous estimons que la sanction est attaquable, nous saisissons la chambre administrative ou l’organisation professionnelle avec nos arguments et nous rencontrons les responsables du Cnp.Pour plaider afin qu’ils reviennent sur leurs décisions.

Quel est l’état de la liberté de la presse aujourd’hui ?
Ah oui, ça va. A l’échelle 1O, je dirai qu’on est à 7. Donc ça va. On peut mieux faire, certes, mais ça va. Plusieurs journaux sortent et il n’y a pas une volonté manifeste de brimer la presse. Cependant, il y a des choses à faire et à améliorer. Et nous sommes les premiers à dénoncer le fait que nous n’avons pas accès à toutes les sources d’informations. On ne peut pas se promener partout sur le territoire. Il y a des journalistes qui sont en exil ou dans la clandestinité et il y a des journaux qui ne sortent toujours pas. Mais cela ne veut pas dire que la presse est brimée. Moi, je parlerai de la “presse brimée” quand on verra une volonté manifeste de l’autorité de nous empêcher de nous exprimer. Pour le moment, on sort d’une période de guerre. On a besoin de stabilité et la presse a besoin d’un accompagnement. Et c’est ce que nous faisons.

Parlons du prix Ebony…
Le prix Ebony aura lieu le 4 novembre prochain. Nous travaillons à cela. Cette année, le conseil s’est réuni. On ne pourra pas faire d’Ebony 2011 parce que nous avons perdu déjà 6 mois et la commission qui travaille doit juger les journalistes sur leur production à l’année. Et la production devait tenir compte du mois de novembre dernier donc de novembre 2010 à octobre 2011. Vous voyez donc que, mathématiquement, on ne peut pas juger les journalistes, surtout dans les conditions dans laquelle la presse a travaillé. On ne pouvait pas évaluer sereinement les journalistes sur la période 2011. Puisqu’on devait faire les Ebony juste après les élections. Ce sont les soubresauts que nous avons traversés qui nous obligent à décaler la date. Donc, ce sont les mêmes nominés de l’année 2010 qui seront en confrontation parce qu’ils ont la chance d’être évalués. La commission a travaillé. On a déjà fait les évaluations. Nous avons des prix spéciaux à décerner cette année. A savoir pour la réconciliation, pour la qualité, pour la lutte contre la fraude. Ainsi que les prix Joseph Diomandé, Jean Pierre Ayé et Diégou Bailly. Mais les appuis de nos partenaires et sponsors coincent un peu parce qu’ils ont subi les pillages lors de la crise. Donc, il y a un peu de réaménagement à faire au niveau de leur budget.

Y a-t-il des innovations ?
Les innovations vont se ressentir certainement au niveau des prix et de la quantité. Et je pense que nous avons eu le nez creux parce que la commission et le jury ont été très rigoureux. Les grands genres ont été respectés. Il y aura beaucoup de lots et des voyages d’études. Nous aura de bons Ebony cette année. Nous commençons la campagne le mois prochain. Nous comptons sur le nouveau gouvernement et sur le chef de l’Etat pour nous appuyer.

Interview réalisée par Renaud Djatchi
Le Temps

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