Alassane Ouattara « l’esclave » – Fillon le « Maître » et la Françafrique

Par Aimé Mathurin Moussy

Il faut bien passer aux Affaires, avec un grand A, ainsi le préconise François Fillon en visite en Afrique. Affaires avec un grand A, Laurent Gbagbo le comprendra à ses dépens, comme on disait au moment des ennuis d’Alfred Dreyfus, qui le menèrent injustement au bagne. Après toutes les fanfaronnades et les vœux pieux ; que retenir de cette visite de business chez les Ivoiriens ? Cette visite nous a-t-elle appris à connaître mieux le seigneur de guerre, un certain Alassane Ouattara, pour prétendre que ce pays est propice au business ; aux investisseurs étrangers ? Pour nous prononcer, sur quel aspect du dossier croirons –nous en François Fillon en la situation actuelle dans ce pays fractionné, où les armes circulent comme du pain ? Étions-nous convaincus de la résurrection et du crédit, des nouvelles autorités, après l’intervention de la France et des puissances occidentales, lors du conflit et de la crise postélectorale ?

L’Afrique et les Freaks

Certes non. Connaissons-nous bien Alassane Ouattara ? L’avoir croisé une fois ou deux ne donne aucun droit d’en faire le portrait fouillé, psychologique, humain. La télévision est à la base de notre savoir à son sujet. C’est une fabrique d’images et d’idées reçues, d’impressions.

La personne qui se trouvait son challenger, passée brutalement du statut de président à celui de dictateur, brigand, forban, nous en savons encore moins. Si ce n’est que les mentors du nouveau gouvernement, sont venus prendre leurs capitations. Fillon parle de normaliser le business. C’est maintenant clair pour tout le monde. Nous ignorions avant son intervention armée, et ses pressions internationales, ce que la France proposait. Il est donc clair qu’elle corrobore tous les soupçons pesant sur elle : prébendes, colonisation.

Tout ce que nous croyons connaître de cette visite paternaliste et affairiste est de seconde, voire de troisième main, car la France veut replacer ses pions dans cette Afrique qui tonne, où la rue crépite, où les revendications sont la chair à canon. François Fillon s’est rendu dans cette Côte-d’Ivoire, pour faire des sermons ; un pays où les droits des prisonniers politiques sont bafoués ; où les exécutions sont sommaires sont courantes ; où les purges sont les modes de gouvernance ; où les procès dans une guerre fratricide, ne sont qu’à charges et non à décharges. Dans ce pays où Fillon parlait avec insolence, les policiers sont devenus des procureurs ; les journalistes n’ont plus le droit d’exercer ou de fournir une information de leur choix à leurs lecteurs ou téléspectateurs. La Côte-d’Ivoire est à l’image de tous les pays francophones qu’il visitera.

Le business sauvage

Et, avec ce maigre bagage de business, de déclarations aléatoires, de contradictions bizarres, de manipulations possibles, il faudrait alimenter la bergerie ! Contribuer à son tour à fantasmer sur la pauvreté, le sous-développement et la démocratie. Cette visite coloniale est un événement à la fois trivial et abstrait ! Tragique, certes, on le devine. Mais une tragédie étrange : on n’a pas entendu une seule fois, depuis la visite de Fillon, le son de la voix des forces vives de la nation : l’opposition. Garde-fou de la démocratie et contre pouvoir ; force alternative de l’exécution du pouvoir. Images de l’un, en boucle, absence d’images de l’autre. Allez, avec ce quasi-rien, donner des leçons de morale, de politique, de justice, aux Africains !

Il serait plus simple, plus vrai veut-on dire, d’avouer notre majestueuse ignorance et de cesser de broder à l’infini les scénarios possibles d’un changement dans ce continent. Fillon est revenu avec ce feuilleton lassant vécu depuis des lustres, malgré ses rebondissements et son indignité. Il faut cesser de se passionner pour la participation de la France à la future démocratisation du continent Noir. Fillon donne des leçons de savoir-vivre, de savoir- faire et pourtant à un pâté de maison de lui, un pâtre de la Francafrique en la personne de Wade, se cloisonne dans les muraux du pouvoir ; et non loin de là au Burkina Faso, dans la terreur Compaoré, lamine tous ses opposants… Les Affaires : est-ce, à ce stade, un sujet prioritaire ?

Dans le journal Libération , il y a deux semaines, au moment du pseudo retournement de l’affaire DSK , le directeur Nicolas Demorand a écrit un éditorial qui a fait frémir nos esprits. Il s’agissait pour lui de répondre à la question suivante : les journalistes, ont-ils collectivement failli ? Je transposerai cette préoccupation sur les problèmes africains, en me demandant si les journalistes occidentaux, n’ont pas failli en Côte-d’Ivoire et ailleurs ? Certainement !

Par Aimé Mathurin Moussy
Avec Agoravox.fr

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