Le ministre de l’Economie et des Finances a échangé le jeudi 23 juin 2011, à l’hôtel Pullman, avec la Chambre de Commerce Belge de Côte d’Ivoire, au cours d’un entretien fait sous forme de questions-réponses, le ministre a apporté des éclaircissements sur les actions du gouvernement.
Quelle politique ou stratégie pour apurer la dette intérieure puisque les PME/PMI, n’arrivent même plus à travailler ? Elles sont surendettées et beaucoup ont fermé ?
Le Gouvernement fait de la reprise économique une priorité, après la sévère crise postélectorale. Dans ce cadre, il entend insuffler une bouffée d’oxygène aux entreprises, notamment les PME/PMI qui ont payé un lourd tribut de la crise. Ainsi, le secteur privé sera accompagné dans ses efforts de normalisation et de reprise, notamment par une affectation en 2011, des ressources publiques d’un montant de 144,9 milliards à l’apurement des arriérés, dus aux fournisseurs de l’Etat ; un effort de règlement des arriérés de paiement, pour un montant de 23,3 milliards à fin mai 2011, sur un total de 182,8 milliards à fin 2010 ; les abandons de recettes fiscales d’un montant cumulé de 32,4 milliards dont les plus grands bénéficiaires sont les PME ; un appui direct de l’Etat d’un montant de 12 milliards à l’ensemble du secteur privé ; la poursuite de la lutte contre les facteurs de surcoût, notamment le racket et les tracasseries routières.
Quelles sont les mesures fiscales concrètes, qui vont être prises pour aider les entreprises ivoiriennes sinistrées ?
Deux types de mesures visant à soutenir les entreprises sinistrées sont prévus par l’annexe fiscale 2011, à savoir:
Mesures d’ordre général
Elles concernent l’ensemble des assujettis (personnes physiques et personnes morales) et consistent en la suspension de la vignette 2011 ; la suspension de la patente de transport 2011; la réduction de 50% de la patente commerciale 2011; la réduction de 25% de l’impôt foncier au moment du paiement ; l’annulation des arriérés d’impôt général sur le revenu, mis en recouvrement avant le 1er janvier 2010. Le coût de ces mesures est estimé à 26,4 milliards FCFA.
Mesures spécifiques de soutien aux entreprises et aux personnes physiques sinistrées
Les bénéficiaires de ces meures sont les entreprises ou les personnes physiques qui ont subi des dommages au cours de la période postélectorale (destruction totale, vols, pertes de stock, baisse de chiffre d’affaires, destructions d’immeubles). Ces mesures portent notamment sur l’annulation de tous les arriérés d’impôts des entreprises entièrement détruites ; la passation en charge du montant des investissements de renouvellement de ceux détruits en 2011 ; le non-reversement de la TVA sur les stocks volés et détruits ; l’exonération d’impôt sur le revenu des créances sur les intérêts des prêts consentis, par les banques et les sociétés mères, aux entreprises en vue du renouvellement des biens détruits ; l’annulation d’impôt foncier pour l’année 2011 pour les personnes physiques, si la valeur du dommage causé à l’immeuble est égale au moins à 500 000 FCFA et 5 millions FCFA pour les entreprises ; l’exonération de la TVA sur les biens acquis jusqu’au 31 décembre 2011, en renouvellement de ceux détruits ou volés ; l’annulation des arriérés d’impôt synthétique exigibles au 30 avril 2010 ; l’annulation de l’impôt synthétique de mai et juin 2011.
Mesures spécifiques destinées aux entreprises installées en zone CNO
La loi de finances 2011 reconduit les mesures fiscales adoptées en 2010, en faveur des entreprises implantées en zone CNO.
L’afflux de capitaux ne va-t-il pas replonger la Côte d’Ivoire dans un nouveau cycle d’endettement, après le point d’achèvement du PPTE ?
Il faut distinguer entre Investissements Directs Etrangers (IDE) et capitaux publics. Dans le cas des IDE, il n’y a pas d’engagement financier de l’Etat. L’endettement n’est pas nuisible en soi, toute la question réside dans l’utilisation efficiente de ces ressources (les USA sont à la fois, le pays le plus endetté et le plus avancé). Les capitaux publics étrangers permettent d’investir dans les domaines prioritaires des infrastructures, de la santé, de l’éducation, du règlement de la dette intérieure, de l’habitat, de la sécurité, etc. Ces investissements sont indispensables pour amorcer un développement durable. L’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE devrait permettre à la Côte d’Ivoire de bénéficier d’un allègement substantiel du stock de sa dette extérieure qui s’élève à 5 806,3 milliards FCFA à fin mai 2011. Pour gérer un endettement viable après le point d’achèvement de l’Initiative PPTE, le pays compte respecter ses engagements pris au point de décision de cette initiative. La nouvelle politique d’endettement que la Côte d’Ivoire veut mettre en œuvre repose notamment sur les recours aux dons ou aux prêts concessionnels ; interdiction d’emprunt ou de garantie à échéances de moins d’un an ; utilisation optimale des ressources empruntées ; évaluation de l’impact de l’endettement sur la croissance et le développement ; mise en place d’une politique rigoureuse de réduction, voire d’apurement totale des arriérés de l’Etat ; bonne gestion macroéconomique couplée avec la lutte contre la corruption ; respect du pacte de convergence et de stabilité de l’UEMOA. L’ensemble de ces mesures seront administrées par un Comité National de la Dette Publique qui sera créé à cet effet.
Quelle va être la politique fiscale de l’Etat pour les 5 ans à venir ?
La politique fiscale de l’Etat des cinq (5) prochaines années visera les objectifs principaux, à savoir la baisse de la pression fiscale ; la simplification et la rationalisation des procédures administratives en vue d’inciter à la création d’entreprises et à l’amélioration de la compétitivité des entreprises ; la rationalisation et la réduction des régimes dérogatoires ; la réduction de la fiscalité sur les produits de base (aliments, vêtements, eau, etc.) ; la simplification de la fiscalité sur le revenu des personnes physiques ; l’exclusion des propriétaires à faible revenu du champ d’application de l’impôt foncier, dans le cadre d’une politique de solidarité et de lutte contre la pauvreté ; l’adoption de mesures spécifiques en direction des micro-entreprises, des entreprises de transport, notamment en vue de les inciter à sortir de l’informel ; l’élargissement de l’assiette d’imposition.
Les créances compromises des banques suite à la crise postélectorale vont-elles être reprises par l’Etat de Côte d’Ivoire, dans un schéma comme celui appliqué aux USA avec la crise financière?
C’est une question à examiner. En tout état de cause, il est nécessaire de faire l’état des lieux des banques après la crise postélectorale, y compris une évaluation de ces créances compromises. Par ailleurs, il importe d’indiquer que le secteur financier faisait déjà l’objet d’un plan de réforme. Ce plan sera actualisé sur la base d’une nouvelle revue en liaison avec le FMI, pour tenir compte de l’impact de la crise.
Y aura-t-il des aides européennes et bilatérales aux PME et entreprises sinistrées par la crise ? Si oui, comment vont-elles être distribuées ? Qui en assurera la supervision pour empêcher les fraudes ?
Toute aide permettant d’accompagner la reprise est la bienvenue. Le Gouvernement reste disposé à examiner cette question avec tous ses partenaires souhaitant apporter un appui. A l’heure actuelle, la Côte d’Ivoire a reçu un appui financier de ses partenaires au développement, notamment de la France, prioritairement destiné au paiement de salaire du mois de fin mars-avril 2011 et au redémarrage des services de l’administration publique. Ces ressources sont également orientées en direction de l’apurement de la dette intérieure, en vue d’insuffler une bouffée d’oxygène aux entreprises, qui ont été affectées par la crise. En effet, le Gouvernement fait de l’apurement de la dette intérieure une priorité. Cette volonté a été matérialisée par le règlement des factures des fournisseurs à hauteur de 23,3 milliards en mai 2011. La gestion de ces ressources est certes importante, mais largement insuffisantes, par rapport aux nombreux besoins de sortie de crise, obéit aux principes de rigueur et de transparence. Dans ce cadre, une mission d’évaluation de l’AFD conduite du 6 au 10 juin 2011 à Abidjan, a permis de valider le rapport d’exécution de ces ressources. Le Trésor public poursuivra ses efforts en matière de transparence des opérations de règlement.
Quelle sera l’action du ministère et de la DGI pour les entreprises, ne pouvant pas remplir leurs obligations à temps, suite aux dommages causés par la crise ?
Des dispositions ont été prises pour faire face à cette situation indépendante de la volonté des entreprises. Il s’agit notamment de la prorogation des délais de dépôts de déclarations fiscales relatives à la période de crise postélectorale, ainsi que les délais de paiement des impôts concernés ; la suspension des contrôles fiscaux jusqu’à nouvel ordre ; la non-application de pénalités sur tous les paiements effectuées, hors des délais légaux.
Qu’en est-il des contrôles fiscaux des entreprises (en principe tous les 5 ans) ?
En principe, le délai de prescription de la vérification d’assiette est de trois (3) ans, au lieu de cinq (5) ans, comme indiqué dans la question. Cependant, pour permettre aux entreprises de se remettre du traumatisme de la crise postélectorale, exceptionnellement, il a été décidé de suspendre les contrôles fiscaux sur place en entreprise jusqu’à nouvel ordre.
Des mesures sont-elles prises pour mettre fin à la corruption et aux abus dans les contrôles ?
Au plan général, une brigade anti corruption est en cours de création au sein de l’Inspection Générale des Finances, avec un cahier des charges précis, assorti d’une obligation de résultat.
Au plan fiscal, la DGI a pris un certain nombre de mesures. Il s’agit de l’adoption du régime disciplinaire de l’agent des impôts ; la création d’un observatoire du contrôle fiscal, organe paritaire DGI-secteur privé ; l’initiation d’une campagne de communication sur les droits et garanties des contribuables (supports utilisés : émissions télévisées, guide du contribuable, charte du contribuable et charte du contribuable vérifié). En outre, il convient de rappeler que le Livre de Procédures fiscales prévoit la possibilité pour le Directeur Général des Impôts, d’autoriser la reprise d’un contrôle fiscal en cas de suspicion de collusion entre le vérificateur et l’entreprise vérifiée.
Quelles sont les mesures prises pour promouvoir les investissements en Côte d’Ivoire ?
En vue d’assurer la promotion des investissements, la Côte d’Ivoire s’est engagée dans un programme d’amélioration de l’environnement des affaires appelé programme « Doing business ». Ce programme prend en compte trois indicateurs majeurs qui sont les préoccupations des investisseurs, à savoir les formalités et les coûts liés à la création d’entreprises : il est prévu la création d’un guichet unique de création d’entreprise (le délai pour la création d’une entreprise sera fixé à 72 heures) ; les procédures en matière d’obtention de terrain industriel et du permis de construire : mise en place d’un guichet unique ; l’amélioration des coûts liés aux procédures fiscales. En outre, des réflexions sont en cours sur la révision du Code des Investissements. Elles seront finalisées dans les meilleurs délais, en vue d’adapter ce code aux évolutions de l’environnement. Par ailleurs, des actions seront entreprises pour assurer une plus grande promotion de la zone franche, créée à Grand-Bassam.
Que peuvent faire les chambres consulaires pour aider le ministère dans ses démarches, auprès des opérateurs économiques européens ?
Dans le cadre de la reprise effective et de la relance économique, l’Etat compte mettre en œuvre, une diplomatie offensive et efficace d’accompagnement des opérateurs privés. A cet effet, il est attendu des chambres consulaires, une assistance technique plus accrue à l’Etat, à travers la remobilisation de tous leurs membres ; la multiplication des missions découvertes du marché ivoirien ; la multiplication des manifestations organisées dans le cadre de l’animation économique ; la participation des opérateurs économiques dans le cadre du Comité de concertation Etat-secteur privé, déjà mis en place, et dans ce contexte, être une force de proposition pour anticiper sur les problèmes.
La procédure à suivre pour obtenir de l’Etat les remboursements de la TVA est beaucoup trop longue. Ceux de 2008 sont toujours en attente. Quels sont les objectifs, en terme de délai, concernant ces remboursements?
Le délai légal maximum d’instruction d’une demande de remboursement de crédit de TVA est d’un mois à compter de sa date de réception. En ce qui concerne les entreprises éligibles à la procédure accélérée, le délai est de 15 jours. Le remboursement s’effectue en principe dans un délai de huit (8) jours à compter de la réception de l’ordre de paiement. Dans le but d’aider à la compétitivité des entreprises et d’encourager les exportations, il a été créé une régie de remboursement des crédits de TVA depuis 2006. La mise en place de cette régie, visait à alléger la procédure de remboursement. Toutefois, elle s’est heurtée à des difficultés de trésorerie, liées à la situation de crise que traversait notre pays. Il convient d’indiquer que, l’engagement pris est de ne pas accroître le stock d’arriérés de crédit de TVA, de plus de 10 milliards à fin 2011.
Pour les particuliers qui ont été pillés, que peuvent-ils espérer et quelles démarches doivent-ils entreprendre ?
Les individus qui ont été pillés durant la crise, bénéficieront conformément aux dispositions de l’annexe fiscale 2011, d’un allègement en matière d’impôt foncier. A cet effet, ils doivent se rendre dans leurs centres des Impôts de rattachement et donner la preuve du sinistre enregistré. Chaque Direction régionale des Impôts est chargée de l’appréciation des éléments de preuves fournis, appuyés par un acte d’huissier ou d’un officier ministériel.
Pour les nouveaux investisseurs étrangers, quelles vont être les mesures d’incitations à s’installer, et quelles sont les mesures sécuritaires ?
Dans le domaine de la sécurité, des avancées notables ont été enregistrées. Elles portent particulièrement sur l’encasernement et le profilage des soldats et des ex-combattants ; la levée des barrages, la lutte contre le racket et les tracasseries routières ; le retour des policiers et des gendarmes dans les commissariats et les brigades, etc ; la réunification de l’armée en cours. La sécurité reste une priorité du Gouvernement qui entend protéger aussi bien les populations vivant en Côte d’Ivoire, que les investisseurs étrangers. Au titre des mesures directes d’incitation à l’investissement, nous avons déjà cité les actions engagées dans le cadre du programme « Doing business », les mesures inscrites dans la loi de finances 2011 pour l’installation des entreprises en ex-zone CNO. Ces mesures concernent notamment, l’exonération totale de l’impôt BIC jusqu’en 2015 et la réduction de 75% en 2016 et 2017 ; l’exonération d’impôt foncier sur la même période ; l’exonération de la TVA sur les acquisitions de biens d’équipement nécessaires à l’investissement ; l’exonération de droit d’enregistrement sur les formalités de constitution d’entreprise. A cela, il faut ajouter le projet de révision du Code des Investissements et les mesures qui seront prises pour améliorer le fonctionnement du système judicaire, y compris la création de tribunaux de commerce.
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