Presse: LES JOURNALISTES FONT LEUR MÉA-CULPA

Prévus pour l’année 2010, les travaux auxquels l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci) a dû surseoir refont surface à la faveur de l’embellie, de la réconciliation. «Média : gardien de pouvoir ou contre-pouvoir » est le thème que le Camerounais François N’Dengwe a exposé pour ce faire, devant les participants, entres autres, Jean-Baptiste Akrou, Laurence Sautier, Evelyne Deba, César Etou, Guillaume M’batto, André Silver Konan, Ladji Sidibé, Boga Sivori. Les allocutions introductives ont été prononcées par Benson Pierre Aka (vice-président de l’Unjci) et circonstanciel maître de cérémonie, son président Mam Camara et Gisèle Dutheil, directrice de Audace Institut Afrique, structure qu’il est aisé de rapprocher d’un réseau de débats d’idées. Marqué du sceau du libéralisme, ce réseau ivoirien a une propension à défendre le libre marché, la promotion de la propriété privée, des libertés individuelles dans une Afrique qui en a besoin. Bénéficiant d’un volet formation en son sein, ce réseau s’est, le plus naturellement du monde, senti proche de l’Unjci dont le président, Mam Camara, fait justement de la formation des journalistes une préoccupation majeure. Logistique, séjour, facture du transporteur aérien ont donc été la part de contribution d’Audace Institut Afrique.

A 10h 20, François N’Dengue entame son exposé. Circonscrivant son domaine d’intervention à la presse s’occupant des questions sociales, économiques et politiques, l’orateur se rend ainsi efficace tant il se serait éparpillé s’il avait abordé également et la culture et le sport. Il est soutenu par la projection de diapositives qui détaillent son plan, renforcent son message, le modernisent, le rendent perceptible. En excellent pédagogue (il a été professeur d’université à Paris), le consultant expose cinq indicateurs de la qualité de la presse. La première fonction est celle de l’information. La deuxième est celle de l’éducation « à ne pas confondre avec le bourrage de crâne », précise le communicateur parce que l’Afrique en a nécessairement besoin. Le troisième point est d’être à même de pouvoir enquêter. Toute chose qui n’est possible que si le pouvoir y est consentant. Ce qui pose clairement le problème de l’accès aux sources. Et le Camerounais d’insister sur les chiffres (il a été professeur de mathématiques), permettant de toucher du doigt les réalités statistiques du pays. L’occasion a été donnée au public d’apprendre qu’entre 1960 et 2003, la population a été multipliée par 6 quand dans d’autres pays, elle n’a que doublé ou triplé. Qu’en conclure? «Que la croissance de la population ivoirienne relève certes du gonflement interne dû au taux de fertilité, mais qu’il y a aussi une contribution importante des apports extérieurs», déduit N’Dengwe. Faisant intervenir, à ce stade de son propos, la quatrième fonction de la presse qui est d’alerter, d’éclairer la population quand la folie du pouvoir gagne les dirigeants. Le cinquième indicateur est le « Perfect union », autrement dit comment s’arranger pour que l’Unjci soit toujours la meilleure. Les médias doivent travailler dans ce sens.

A la fin de son exposé, au cours duquel François N’Dengué aura cité et brandit « L’esprit des lois » de l’essayiste français Charles Louis de Secondat, baron de Montesquieu et la Constitution des Usa comme documents cultes à consulter par les Africains avides d’un mieux-être démocratique, les participants ont moins posé de questions que contribué au débat. Il ressort de ces échanges enrichissants que l’autopsie de la presse ivoirienne s’impose. D’autant plus que les corporatistes appellent tous à une solidarité entre les membres, tous bords confondus. Plaidoyer produit par les confrères des organes proches du pouvoir déchu et bien reçu par le président de l’Unjci qui a réaffirmé sa confiance aux décideurs ivoiriens tant de l’ancien que du nouveau régime.

Une autre rencontre est prévue autour du thème «Autopsie de la presse ivoirienne» que l’Unjci organisera sous la forme d’un forum. En attendant, Mam Camara, soutient avoir eu pour cette reprise d’activités, trois axes de satisfaction, à savoir : d’abord l’adhésion massive à ces travaux, car d’une soixantaine de personnes attendues, ils en sont arrivés à une centaine ; ensuite la collaboration rentable avec Audace Institut Afrique (dont le conseil d’administration est présidé par Mamadou Koulibaly) qui s’impose comme un partenaire de qualité qui a réussi, bien qu’hyper sollicité, à remplir sans faille son contrat ; et enfin l’opportunité d’une remise en cause personnelle, une sorte de mea-culpa des hommes de la presse. Tant il est vrai que la crise ivoirienne est aussi et peut être même d’abord une crise des médias.

Alex Kipré

Fraternité Matin

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