M. Raphaël Kouassi Aka, planteur à Binkro, est mort dans la nuit du dimanche 29 au lundi 30 mai dernier dans une prison des FRCI à Oumé. Il sera inhumé ce week-end, certainement sans la moindre autopsie pour déterminer les conditions de sa mort. Le paysan cruellement crucifié à Binkro avant d’être trimbalé au chef lieu de département n’a pu survivre à ses blessures. Comment l’aurait-il pu lui qui, non seulement a vu ses mains et ses pieds transpercées par des pointes d’acier, mais a déclaré avoir certainement eu au moins une côte cassée suite aux tortures et coups qu’il a dû subir avant d’être trainé à Oumé. Depuis la mort de Raphaël Kouassi, les paysans de Binkro ne cessent de louer Dieu pour avoir sauvé, pour l’instant, la vie au frère cadet du défunt, le nommé Privat Kouassi Kacou. Ce dernier a été lui aussi torturé et crucifié mais a survécu à ses blessures.
Les informations ont été recueillies auprès de la famille du défunt et de son frère cadet crucifié mais en vie. Elles nous ont été livrées sous anonymat, les témoins des faits vivant encore dans la terreur à Binkro. Mais tous les témoignages concordent : la mort de Raphaël Kousssi Aka est l’aboutissement dramatique et cruel d’une bagarre somme toute banale entre deux de ses manœuvres, des « frères » burkinabè.
Le paysan Raphaël Kouassi employait un premier manœuvre burkinabè. Ce dernier lui a extorqué par deux fois 160.000 FCFA et 15.000 FCFA pour un travail qui n’a jamais été fait. Finalement, l’escroc lui a proposé d’accepter que son « frère cadet » fasse le travail à sa place. Mais, curieusement, c’est le même « grand frère » escroc qui est allé déclencher une bagarre avec son petit frère qu’il a mis au travail. Face à la violence des deux frères burkinabè, Raphaël Kouassi Aka a cru bien faire de les ramener à Doukuha, un village voisin, chez le responsable de la communauté burkinabé de la localité. L’affaire qui se passe le samedi est reportée à dimanche, faute de traducteur pour bien rendre la version donnée par le patron paysan, témoin de la bagarre entre ses deux manœuvres burkinabè. Le dimanche 29 mai, à son retour à Doukuha comme convenu la veille, Raphaël Kouassi Aka tombe sur une escouade de forces pro-Ouattara excités et tirant en l’air dès qu’il a décliné son identité. Il est désormais accusé et dénoncé sur une liste noire comme étant détenteur de cache d’armes. Simplement parce qu’il est de Binkro, village natal de Parfait Koko Djéi, président du Conseil général d’Oumé. Depuis la prise de la ville par les FRCI, après le renversement du président Gbagbo, ce cadre du FPI est recherché, accusé d’avoir distribué des armes aux jeunes d’Oumé. Raphaël Kouassi, qui ignore tout cela, tombe des nus. Mais il n’a pas le temps de s’expliquer. Il est roué de coups, torturé et plaqué au sol. Ses mains sont transpercées par des pointes d’acier clouées dans la chair à l’aide de marteau, les phalanges brisées. L’opération est également pratiquée dans ses pieds. Son frère cadet, Privat Kouassi Kacou qui l’a accompagné à Doukuha, subit le même sort.
Toujours selon nos informateurs, la nouvelle de « la découverte d’une importante cache d’armes à Binkro » est parvenue à Oumé. Un « gradé » des forces pro-Ouattara y est dépêché. A Doukuha, le « gradé » semble surpris et déçu de tomber plus tôt sur deux paysans atrocement torturés par ses hommes mais qui continuent de clamer, « au nom de Dieu », qu’ils ignorent tout de ce qui leur est reproché. Peu importe, le « gradé » ordonne un tour avec les deux victimes à Binkro. Dans ce village, les fouilles effectuées débouchent non pas sur des armes qui n’y ont jamais existé, mais sur des matériels d’équipement de maternité et de dispensaire stockés dans un magasin par le président du Conseil général d’Oumé et en attente d’être remis aux populations bénéficiaires. A défaut d’armes, ces matériels sont pillés et volés ; les deux frères torturés sont trimbalés à Oumé, tout comme le chef du village de Binkro, Gaston Abissé, mis nu et torturé. En cette nuit horrible du dimanche 29 mai, derrière eux, les paysans ont déserté leur village pour la brousse.
Au petit matin du lundi 30 mai, les geôliers ont découvert Raphaël Kouassi Aka mort, porté comme un enfant, dans sa poitrine, par le chef du village de Binkro. Le paysan est décédé des suites de ses tortures. Son corps a été mis à la morgue par ses forces tortionnaires. Sur intervention du préfet d’Oumé, le chef de village traumatisé a été libéré le même lundi à 11h. Raphaël Kouassi sera inhumé ce week-end. Mais que deviendront ses tortionnaires ? Simple question dans un régime qui se déclare ennemi de « l’impunité ». Même en pleine guerre, on ne crucifie pas un ennemi capturé, sans arme.
Source : Notre voie du 04/06/2011 (Auteur : Cesar Etou)
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