Fin de la crise postélectorale – Comment éviter la peur de perdre ou de quitter le pouvoir

Par Charles Kouassi | L’Intelligent d’Abidjan

Parmi toutes les explications données pour expliquer le comportement de Laurent Gbagbo et des cadres de LMP, il faut noter la peur de perdre le pouvoir. S’ils se sont tant battus envers et contre tous, c’est parce qu’après dix ans au pouvoir, dont cinq années sans élection, Laurent Gbagbo et les siens n’avaient pas mentalement intégré un départ ni une défaite. Et s’ils ont refusé d’intégrer cette réalité, c’est parce qu’ils ont eu peur de rendre compte. Rendre compte de tout ce qu’on leur reprochait. Des choses vraies comme des choses fausses. A aucun moment, ils n’ont voulu croire aux assurances données. Chaque fois qu’un nouveau pas était posé, chaque fois qu’une sanction était prise pour inciter à un départ pacifique, le camp Gbagbo se braquait encore plus, et trouvait des moyens de ne pas céder. Comment à l’avenir, comment dans cinq ans, dans dix ans, éviter en Côte d’Ivoire et en Afrique, que des gouvernants s’accrochent au pouvoir, au mépris de la volonté du peuple ? Pour que cela n’arrive pas, au-delà des procédures en cours contre l’ancien chef de l’Etat, il est important que les nouveaux dirigeants sachent qu’ils ne doivent pas poser de mauvais actes, ni commettre des abus. Quand tu es en paix avec toi-même, quand tu as respecté la volonté de Dieu, tu n’as pas peur de la mort. Quand tu n’es pas trempé dans la corruption, quand tu n’as pas utilisé le pouvoir pour régler des comptes personnels, quand tu n’ as pris que des mesures économiques et antisociales, ( cartes de séjour, raccrochage de salaires des enseignants), ou des décisions pour sauvegarder la paix ( arrestation le 18 février 92 , puis procès libre de Laurent Gbagbo), quand tu n’as pas tué, ni assassiné froidement, quand tu as été relativement juste pendant que tu avais le droit de vie ou de mort sur les gens, alors tu n’as pas peur de partir du pouvoir. La Côte d’Ivoire doit arriver à un niveau démocratique élevé, permettant que la dévolution du pouvoir politique se fasse pacifiquement. En 1993, Félix Houphouët-Boigny meurt. Bédié accède au pouvoir, mais l’on échappe de peu, déjà au drame. En 1999, voici un coup d’Etat pour faire partir Henri Konan Bédié. En Octobre 2000, une élection calamiteuse, un bain de sang et des morts ! En 2010-2011 rebelote. Mais ce pays est-il maudit ? Pourquoi Rawlings peut-il partir du pouvoir tranquillement en faveur de John Kuffor, et celui-ci, en faveur de John Atta Mils, alors que les Ivoiriens en sont incapables ? Un auteur a dit que le vrai homme est celui qui sait rester lui-même face au pouvoir, à l’argent et aux femmes. Tout est là ! Savoir garder la tête devant tant de puissance n’est pas une vertu partagée par tous. Pour cesser donc d’avoir peur de quitter le pouvoir, pour éviter la tentation de la confiscation du pouvoir, nous devons aller vers une démocratie intégrale, marquée par le respect des lois et une attitude éthique et morale des hommes qui gouvernent. Si tout se passe bien, et que tout le monde s’engage autour de Ouattara dans le processus de réconciliation nationale et de reconstruction du pays, le plus beau cadeau que le Président de la République pourrait offrir aux Ivoiriens et au monde sera de savoir partir, lorsque le moment du départ viendra.

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