la Tribune de Genève
Le chaos et la terreur persistent à Abidjan
Côte d’Ivoire | L’anarchie règne. Les forces de Ouattara sèment le désordre. Et des règlements de comptes ont commencé
Leslie Varenne Abidjan
Alassane Ouattara a déclaré mercredi, lors d’une conférence de presse, qu’il se donnait un à deux mois pour obtenir la «pacification totale» du pays. L’exercice sera d’autant plus ardu que, pour l’instant, ce sont ses Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) qui sèment le désordre.
Deux jours après la chute de Laurent Gbagbo, quelques voitures ont recommencé à circuler dans la ville. Mais la traversée d’Abidjan relève toujours de l’exercice périlleux. Hormis dans les quartiers où la force Licorne est présente, l’anarchie et le désordre règnent. Les FRCI érigent des barrages sur les routes et contrôlent les véhicules.
Mais ces soldats de fortune, pieds nus et en haillons, kalachnikov à la main, effraient plus qu’ils ne rassurent. Certains circulent dans des pick-up, d’autres dans des voitures banalisées dérobées aux habitants. Des groupes pavoisent dans des voitures de luxe décapotables mitraillette pointée en l’air. Fiers, ils contrôlent les papiers des véhicules et des passagers, sans reconnaître les documents qu’on leur présente.
Pillages en règle
Pendant la nuit de mardi et mercredi, ils se sont livrés à des pillages en règle. Dans leur viseur, les domiciles des ex-dirigeants de l’ère Gbagbo. Ces jeunes gens qui composent les FRCI sont pour la plupart des gamins désœuvrés qui ont été recrutés dans le nord du pays, fief de Guillaume Soro, premier ministre d’Alassane Ouattara. «A Bouaké, on a travaillé et nous n’avons pas été payés», justifie l’un deux. Lors de sa conférence de presse, Alassane Ouattara a déclaré: «Tous les soldats des Forces républicaines qui seront identifiés comme ayant été des pilleurs seront radiés.» Preuve que le président a pris conscience de l’ampleur du problème.
Pour l’instant, les FRCI restent les seuls maîtres d’Abidjan. Policiers et gendarmes officiant sous le régime de Laurent Gbagbo se sont évaporés dans la nature. «Comment voulez-vous qu’ils rejoignent leur poste? Les forces qui ont travaillé pour Laurent Gbagbo vont se retrouver face aux FRCI qui vont les pourchasser», assure un militaire. Le général Mangou, chef d’état-major des armées de Laurent Gbagbo, a fait allégeance à Alassane Ouattara. Un soulagement pour le président qui espère que ce ralliement ramènera ces fonctionnaires au bercail. «Le chaos qui règne en ville devrait être terminé dimanche», assure, optimiste, un responsable de la coalition pro-Ouattara.
Scènes d’horreur
Pendant toute la période post-électorale, les pro-Gbagbo avaient tué, égorgé ou brûlé vifs les pro-Ouattara. La terreur a désormais changé de camp. Selon plusieurs témoins, dans le quartier de Koumassi, les pro-Ouattara ont attrapé les pro-Gbagbo hier. Des scènes d’horreur «terribles», selon ces témoins. A Yopougon, les combats meurtriers opposant patriotes et pro-Ouattara durent depuis deux jours. Pour la pacification du pays, qu’Alassane Ouattara appelle de ses vœux, il faudra encore attendre…
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