Santé : “L’EMBARGO SUR LES PRODUITS PHARMACEUTIQUES EST UN CRIME CONTRE L’HUMANITE”

Le ministre de la Santé et de la Lutte contre le sida, Christine Adjobi par Fraternité Matin

Madame le ministre, comment se présente le tableau sanitaire en Côte d’Ivoire ?

Concernant le tableau sanitaire en Côte d’Ivoire, en 2000, il y avait une amélioration sensible, par rapport à l’état des lieux qui avait été fait cette année là. Mais aujourd’hui, on peut dire que ce tableau n’est guère reluisant. avec la réduction du pouvoir d’achat de la population, mais aussi avec la constante pression démographique…tout ceci ne permet pas au système de santé de prendre son envol en tant que tel. Le rendement mitigé du développement est aussi à souligner. La crise postélectorale a engendré le déplacement des agents de santé des zones Cno, pour venir en zone gouvernementale ; ce qui crée un silence sanitaire, un disfonctionnement du système sanitaire. Avec pour corollaire la fermeture des structures ou leur fonctionnement à minima ; tout ce tableau explique l’émergence et la réémergence des maladies épidémiques. Notamment le choléra, la méningite, la fièvre jaune, la dengue ; fort heureusement, des mesures sont prises pour circonscrire ces affections. Mais tout ceci ne sera durable que si la population retrouve la paix sociale et vit dans un environnement sain, et si le régime en place peut exercer son pouvoir en toute sérénité. C’est-à-dire s’il y a la paix.

Le choléra s’est déclaré à Adjamé, il y a environ un mois. Aujourd’hui, peut-on avoir le point précis de la situation, que ce soit à Adjamé, dans toute la ville d’Abidjan, et les autres villes de l’intérieur du pays ?

L’épidémie de choléra nous a été signalée le 21 janvier ; le 25 janvier, nous avons fait un point de presse pour déclarer que la Côte d’Ivoire subit une épidémie. Qui s’est déclarée à Adjamé, précisément à Bromakoté, et Adjamé nord. Sur un total de 29 cas, il y a eu 7 décès. Soit un taux de létalité de 24%. Automatiquement les mesures ont été prises pour que le choléra ne s’étende pas à toute la ville d’ Abidjan. Fort heureusement nous avons pu prendre ces dispositions, et aujourd’hui le taux de létalité est de 4%. Nous avons pu enregistrer 252 cas de choléra et il y a eu trois décès en plus. Ce qui ramène ce taux à plus 4%. C’est le mérite du dispositif qui a été mis en place, pour contrôler cette affection, et éviter sa propagation dans les autres communes du district d’Abidjan. Et ces mesures s’articulent autour de quatre points. Nous avons décidé que la prise en charge de ces cas soit gratuite. 23 sites ont été identifiés dans les 12 districts sanitaires d’Abidjan. Et nous y avons mis des médicaments, pour traiter au moins 1000 malades. Ce qui a été fait. Si nous avons enregistré 252 cas de choléra, cela signifie que nous avons encore des médicaments.

La seconde mesure ?

La seconde mesure a été de sensibiliser la population par une campagne de proximité. Nos agents sont allés dans les cours pour sensibiliser la population à l’hygiène environnementale. En demandant aux personnes de se laver les mains, avant de manger, de bien laver les crudités, bien cuir les repas et de consommer de l’eau potable…Elles doivent aussi éliminer les selles dans les Wc et non dehors. Pour ces sensibilisations, nous avons non seulement nos agents, mais aussi la Croix Rouge, qui s’est impliquée aux côtés de notre direction de la promotion de l’hygiène publique. Des partenaires au développement tels que l’Unicef, l’Oms nous ont appuyés dans ce cadre. La troisième mesure a été de désinfecter les ménages. Des agents vont dans les ménages et désinfectent les latrines, avec du grésil, de l’eau de javel. La quatrième mesure, c’est de renforcer la surveillance épidémiologique. Pour cela, nous avons élaboré des directives, qui ont été diffusées dans tous les districts sanitaires, où nos agents ont été formés pour se remémorer les symptômes du choléra. Si quelqu’un se présente à vous avec une diarrhée aiguë, il faut rapidement prendre ses selles et les envoyer au laboratoire de l’Institut Pasteur où le vibrion cholérique identifié fait dire qu’il y a le choléra. Nous avons donc renforcé la surveillance épidémiologique. Il faut signaler l’aspect intersectoriel.

Justement, quelle est la part prise par le ministère de l’Environnement et les autres ministères dans ces actions ?

Le ministère de l’Environnement y a pris une grosse part. Le ministre de l’Environnement était à Duékoué, pour prévenir, en allant faire enlever les ordures. A Abidjan, même si on n’a pas fini d’enlever toutes les ordures, ce ministère a fait un travail énorme. En plus de ce ministère, nous avons le district d’Abidjan, qui s’est impliqué. Nous avons aussi, le ministère de la Santé et de la lutte contre le Sida en général, et le cabinet en particulier. En collaboration avec la direction générale de la santé, l’Institut national d’hygiène publique, l’Institut national de santé publique, (Insp), la Pharmacie de la santé publique (Psp) qui met les médicaments à disposition. Ce travail a été fait avec beaucoup d’abnégation. C’est pour cela que je salue toutes les personnes qui s’y sont impliquées.

La situation politique n’influence-t-elle pas les rapports entre la Côte d’Ivoire et les organisations telles l’Oms, l’Unicef, etc ?

Les rapports demeurent. Les services travaillent en synergie ; mais c’est la tutelle qui n’a pas encore rencontré les représentants. Actuellement, il y a une campagne de rougeole qui se fait dans le Sud-Comoé avec l’appui financier de l’Unicef, et de l’Oms. C’est vrai que la communauté internationale ne reconnaît pas le gouvernement de Laurent Gbagbo, c’est dire qu’on n’a pas de rapport avec le ministre qui est là. Mais les services travaillent. Toutes les semaines, une réunion se tient à mon cabinet à la salle de conférences pour suivre toutes ces épidémies qui se sont déclarées.

Par rapport aux épidémies, des dispositifs ont été mis en place, comme vous le dites. Mais peut-on dire aujourd’hui qu’il y existe un service d’alerte véritable ?

C’est l’Institut d’hygiène publique qui a ce système d’alerte. Avec d’autres services. Parlant d’alerte, il y a même un comité de suivi qui se réunit de manière hebdomadaire tous les jeudis, L’Institut d’hygiène fait partie de ce comité là. Donc quand il y a une alerte, elle est automatiquement signalée. Et les dispositions sont prises.

Il semble que vous n’ayez pas assez de véhicules de supervision. comment gérez-vous cette situation ?

Aujourd’hui nous avons plus de 100 directions départementales de la santé. J’ai décrié cela, car c’était trop. J’ai commis une équipe qui est en train de travailler pour me faire des propositions. Mieux vaut avoir peu de directions de santé et avoir les moyens logistiques pour faire cette supervision dont vous parlez. Aujourd’hui, nous parlons de raréfaction de moyens…Avec toutes ces directions … Dans les derniers départements, qui ont été créés, une direction départementale de santé a été installée. Le directeur départemental qui en principe devrait sillonner les structures du département, doit le faire avec un véhicule, et en principe il a une équipe. Mais si vous y allez, il n’a que son petit bureau. Alors, j’ai dit qu’il faut que l’on regroupe certaines directions, afin qu’on puisse leur donner les moyens, pour que le travail de supervision et de suivi-évaluation puisse être fait.

Pensez-vous que cela va se faire plus efficacement, si l’on regroupe les services ? Qu’allez-vous répondre à ceux qui diront que la politique de la santé doit être une politique de proximité qui recommande une réelle décentralisation des services… ?

On regroupe les services de supervision, mais pas les structures de santé. Au contraire, le programme de gouvernement du Président Laurent Gbagbo dit qu’il faut une accessibilité géographique ; cela veut dire qu’il faut créer beaucoup de centres de santé, rapprocher la santé de la population. Mais en même temps qu’on rapproche la santé de la population, ceux qui se doivent de superviser n’ont pas besoin d’être dans tous les villages, mais ils se déplacent.

Madame le ministre qu’en est-il de la rupture de stocks d’ Arv dont on parle tant ces jours-ci dans les journaux?

C’est M. Coulibaly, président des personnes vivant avec le Vih, qui en a parlé dans les journaux. C’est lui qui a interpellé la communauté pour dire que l’on risque d’avoir des ruptures ; il y a problème. Vous êtes allés, vous avez vu. Ce que l’on peut retenir, c’est que vers fin 2010, une évaluation avait été faite. Il avait été question de garantir la présence d’Arv, dans les centres de santé au moins pour 18 mois. Et il fallait donc en acheter. Pour cela, une répartition a été faite. Le gouvernement devrait en prendre ; Pepfar, les Américains, la Banque mondiale devraient en prendre ; le Fonds mondial également. Quand, il y a eu la crise et malgré cette répartition, il y avait un gap de 9, milliards 700 millions à combler.

Pourquoi y a-t-il eu ce gap ?

Il y a eu ce gap parce qu’auparavant, on disait que pour que les malades soient éligibles aux Arv, il y avait certaines conditions à remplir. La science évoluant, il y a eu des réunions internationales et l’Oms a décidé que désormais tous les malades devaient systématiquement être sous Arv. Or, quand nous avons fait nos calculs au départ, tous n’étaient pas pris en compte. C’est ce qui a créé ce gap de 9 milliards 700 millions. N’empêche que nous nous sommes donné 18 mois pour nous approvisionner et faire la répartition. Avec la crise, la Banque mondiale s’est retirée, mais le Pepfar est resté. Le Fonds mondial également et le gouvernement bien sûr. Un plaidoyer a été fait et le Pepfar a accepté d’augmenter son enveloppe. A la fin, nous nous sommes quand même retrouvés avec un gap de 6 milliards. Les médicaments ont été achetés. Aussi bien pour le Sida que pour le paludisme et la tuberculose. Mais il faut préciser qu’il y a eu un problème au niveau du Fonds mondial.

Quel était ce problème ?

Dans certaines déclarations, il était question que le Fonds mondial se retire. M. Coulibaly, qui fait partie de l’équipe du Ccm, l’équipe de coordination de cet organisme en Côte d’Ivoire, sait tout ce qui s’y passe, il aurait dû expliquer les choses. Le Fonds mondial a envoyé une équipe pour évaluer la gestion de l’organisation en Côte d’Ivoire. Elle s’est rendue compte qu’il y avait des disfonctionnements. Elle a même parlé de fraude. Elle a dit : « Nous n’allons pas retirer le fonds à la Côte d’Ivoire, mais comme nous avons constaté cela et par rapport à la crise qui sévit, nous allons toujours continuer d’appuyer la Côte d’Ivoire, mais nous serons plus regardants ». C’est ainsi que cette équipe nous ont introduit dans la politique de garanties additionnelles. Avec de nombreuses balises. Ce qui retarde les décaissements parce qu’il faut faire beaucoup de contrôles.

Les financements sont-ils interrompus ?

Je peux vous dire que le programme palu a eu ses fonds, la tuberculose également et même le sida. Il n’y a donc pas de retrait de ces organisations. Quand j’ai pris la tête du ministère, aucune passation des charges n’a été faite. J’ai pris le temps de programmer toutes les directions, tous les Epn. Pendant que j’accomplissais tout cela, j’ai demandé au Directeur général de la santé (Dgs) de me faire une requête par rapport à des médicaments, par rapport à des urgences. La Pharmacie de la santé publique (Psp) a également dit ses besoins, en ce qui concerne le Sida, les Arv, le paludisme, etc. C’est un budget de 5 milliards en urgence pour ces trois mois que l’Etat doit décaisser. J’ai fait la communication en conseil des ministres. Mais vous comprendrez que ce sera difficile pour l’Etat, vu tout ce que nous vivons. C’est pour cela que je dis qu’il faut que cette communauté internationale arrête de se comporter ainsi, si elle ne veut pas commettre un crime humanitaire en Côte d’Ivoire.

Parlant du Sida, est-ce que le programme national de la «petite monnaie» peut constituer une source de revenu pour soutenir la lutte ?

Je disais souvent au directeur du Fonds national de lutte contre le Sida : «Vous n’êtes pas ambitieux, petite monnaie, petite monnaie ! Vous voyez le Sida qui court avec une petite monnaie, qu’allez-vous faire ? » Déjà, dans l’opposition, le Président Laurent Gbagbo a vu l’ampleur du Sida et quand il a été élu en 2000, il a été le premier Chef de l’Etat au monde à créer un ministère de Lutte contre le Sida en 2001. Et en 2004, il a dit : « Je vois tous les besoins, il faut que tout le monde contribue ». Il a donc pris un décret et il a créé ce fonds. Il revenait à sa direction d’imaginer les moyens pour l’alimenter, même si l’Etat devait donner quelque chose. Parce que c’est un établissement public à caractère administratif. L’Etat intervenait tout juste pour le fonctionnement. Et la campagne petite monnaie a été lancée.

Elle tient toujours la route ?

Cette campagne continue dans quatre régions de la Côte d’Ivoire : celles des Lagunes, du Sud-Comoé, du Moyen-Comoé et du Zanzan. En plus de la campagne « petite monnaie » des timbres ont été édités et sont vendus en même temps. Cette campagne se poursuit aujourd’hui dans cinq départements ministériels et aussi dans des entreprises. Le point financier fait état de 13 millions et quelques. La Première dame, il y a deux ou trois ans, a fait un gala pour le fonds, et cette nuit-là, elle a récolté 150 millions qui ont permis à des Ong de personnes vivant avec le Vih de mener leurs activités. Le fonds va aussi au-delà de la Côte d’Ivoire, il sollicite la diaspora. Ils envoient des fois des conteneurs de non vivres que nous donnons aux malades. Mais au niveau de l’Etat, des taxes ont été arrêtées sur le tabac qui devrait lui être reversés. L’année dernière, il y a eu un prêt d’un milliard, mais il n’est pas encore reversé. Maintenant que nous vivons tous ces problèmes, je pense que c’est une promesse qui devrait être faite. Il faudrait que nous-mêmes à notre niveau, nous puissions faire des efforts pour pouvoir prendre en charge les malades du Sida en Côte d’Ivoire.

Une liste de médicaments antipaludéens avait été retirée du marché par un ministre, puis introduite de nouveau par un autre. Cela crée une situation anormale sur le terrain. Avec une bataille de laboratoires en arrière- plan.

Il y a un cadre d’alerte sanitaire pour ces médicaments. Quand l’un est retiré en Europe, nous avons l’Agence française de sécurité sanitaire des produits médicamenteux. L’agence européenne du médicament, l’Oms, et nous avons également les laboratoires pharmaceutiques qui saisissent la Direction de la pharmacie et du médicament (Dpm), qui est notre structure nationale chargée de coordonner ce système. Nous sommes (ndlr : entendez le cabinet) ensuite saisi. La prise de décision au niveau international est univoque. La décision est envoyée à la Côte d’Ivoire qui la traite. Au niveau national, la Dpm mobilise le comité national de suivi de ces médicaments et les résolutions sont prises sous la supervision du ministre. Quand les anti paludiques ont été retirés, le comité de suivi a fait un travail de laboratoire, des expériences ont été menées et il s’est révélé que ce ne sont pas tant ces médicaments qui créent des problèmes au niveau du reins, comme on l’entend souvent dire, mais c’est plutôt leur mauvaise association. Par exemple, vous prenez un médicament contre le palu et quand la fièvre continue et que vous ne vous sentez pas soulagé, vous en prenez un autre. C’est cela qui crée les problèmes d’insuffisance rénale, etc. Le ministre qui est arrivé n’a fait que prendre la décision à la suite de l’expérience qui a été menée.

Le gouvernement aurait pris, selon M. Coulibaly, l’engagement de soutenir la lutte contre le Sida à hauteur de 15%. Malheureusement, sa contribution actuelle serait estimée à 1%.

Ce n’est pas le gouvernement. Et ce n’est pas la lutte contre le Sida. A la réunion des Chefs d’Etats en Ethiopie, ils ont pris l’engagement de contribuer de manière générale à hauteur de 15% dans le budget de la santé. Même là encore, nous sommes à 4%. Et si l’on nous inflige une crise artificielle, nous ne pourrons arriver à 15%.

Il n’y a plus de sang à Korhogo. Le personnel de santé fuit les zones Cno. Comment comptez-vous gérer cette situation pour ne pas que les populations soient lésées ?

C’est vraiment dommage, c’est regrettable. Ce sont des Ivoiriens qui sont là-bas. Et même si ce ne sont pas des Ivoiriens, ce sont des hommes qui sont en Côte d’Ivoire et qui ont droit aussi à la santé…Prenez le cas de l’école. Parce que l’on ne reconnaît pas le gouvernement qui est en place, on ne reconnaît pas tout ce qu’il fait et on chasse les enseignants. Pour les agents de la santé, en général, dans ces zones-là, ils ne sont pas chassés automatiquement. Mais quand les gens savent que vous êtes proche du Président Gbagbo, vous êtes chassé même dans la zone gouvernementale, dans les endroits où il y a des troubles. Ils ont nombreux dans cette situation, et je leur demande d’aller s’inscrire à la Drh. Après mes rencontres avec les directions, je vais tenir une réunion de synthèse pour faire des réaffectations. Il y a manque de sang. Le camion ne part qu’une seule fois dans la semaine, c’est ce que j’ai lu dans les journaux. L’accès aussi n’est pas facile, c’est cela le problème. Et nos collaborateurs qui ne se sentent pas en sécurité descendent. Quelques-uns y sont quand même et continuent de travailler. Je suis une femme de terrain. Cela ne me dérange pas d’y aller. Mais comment pourrai-je m’y rendre ?

Voulez-vous vous y rendre pour vous faire une idée de la situation ?

En 2002, par rapport à la séroprévalence du Sida qui était de 12%, 10%, 7%, le Président m’a demandé quel est le taux réel. Je lui ai répondu que pour savoir le taux réel, au lieu d’extrapoler le taux chez les femmes enceintes et autres, de permettre de faire une enquête nationale et nous aurons le vrai taux. C’est ainsi qu’avec le gouvernement, nous avons sollicité les uns et les autres et envoyé des enquêteurs un peu partout. Mais quand ils ont arrivés dans les zones Cno, on a refusé de les recevoir parce que les gens leur ont dit que Gbagbo a envoyé des gens pour les tuer. Quand j’en ai été informé, j’ai demandé qu’on prenne des enquêteurs sur place qu’on va former pour faire le travail. Ces enquêteurs n’allaient pas pour prélever le sang, ils allaient pour parler. C’est ainsi que nous avons pu avoir le taux de 4% qui a été annoncé. Aujourd’hui, c’est difficile et c’est vraiment dommage. Le 22 novembre 2010, il a été signalé une épidémie de fièvre jaune à Séguéla, Mankono, Katiola, et Béoumi…Lorsque cela a été confirmé, nous avons sollicité nos partenaires. L’Oms a donné les moyens et une vaccination de masse a été faite. Quand il y a eu la première épidémie en mai 2010, nous avons vacciné près de 176 000 personnes et en janvier, 705 personnes là-bas. Nous avons ainsi pu circonscrire l’épidémie. C’est dire que c’est difficile ; il faut que cette crise artificielle s’arrête. C’est difficile surtout pour l’humanitaire.

Avez-vous un appel à lancer ?

Pour préserver la santé des populations, il faut que nous arrêtions cela. Nous avons fait des élections, le Conseil constitutionnel a donné les résultats… Cinq ans, ce n’est pas long. Qu’on nous laisse travailler et on nous jugera après. A force de nous empêcher de travailler, ce sont des vies humaines que nous allons perdre. On ne peut réveiller quelqu’un qui est mort. Et nous, nous voulons prévenir cela. On nous asphyxie économiquement, financièrement alors que nous avons des idées, nous avons un programme de gouvernement alléchant. Même si les moyens humains sont là, il faut des moyens financiers pour pouvoir aller plus loin. On parle de médicaments. Si d’ici deux mois rien n’est fait, il y aura rupture d’Arv.

Pour les officines privées aussi ?

J’ai été saisi cette semaine par la Dpm, qui elle-même a été saisie par les pharmaciens du privé, parce que toutes les commandes de médicaments qui ont été passées avec l’Europe, soit disant que nous sommes sous embargo ; notamment les ports d’Abidjan et de San Pedro sont sous embargo donc aucun navire ne doit se rendre en Côte d’Ivoire à partir de l’Europe. Cela devait prendre effet à partir du 11 février. Et les produits pharmaceutiques qui devaient venir le 10 février ont été détournés en direction du port de Dakar. J’ai dû alors en faire la communication en conseil de gouvernement. Nous n’aurons plus de médicaments dans deux mois si la situation perdure.

La situation concerne-t-elle seulement les Arv ou tous les médicaments ?

Tous les médicaments. Pourtant, ce sont eux qui parlent de droits de l’homme…Qu’est-ce que la santé a à voir dans cette situation ? C’est un crime humanitaire. Je le répète, c’est un crime humanitaire et je dis que ce n’est pas normal. C’est mesquin. Qu’ils se ressaisissent et qu’ils n’asphyxient pas la Côte d’Ivoire sur tous les plans. La Côte d’Ivoire a des ressources, elle n’a pas de problèmes économiques, elle peut s’autosuffire. Mais, avec toutes ces tractations…Cela dit, je suis réconfortée quand je regarde la télévision…Le commun des mortels sort et dit, ils ont fermé les banques, mais il ne faut pas qu’ils se méprennent parce que nous n’allons pas sortir pour faire tomber le régime de Gbagbo. Parce que ce n’est pas avec Gbagbo que nous avons signé des conventions afin d’ouvrir des comptes dans leur banque. L’Ivoirien est mûr. Que la communauté internationale arrête. Parce que nous, nous voulons avancer. Nous voulons prévenir toutes ces épidémies et soigner les Ivoiriens et tous ceux qui habitent la Côte d’Ivoire.

Interview réalisée par

Josette Barry et Marie-Adèle Djidjé

FratMat

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