Crise post-électorale en Côte d’Ivoire
Bailly Célestin | Connectionivoirienne.net
« Pleure ô pays bien bien-aimé »
Qu’il me soit permis d’emprunter ce cri du coeur d’Alan Paton pour exprimer mon amertume devant la situation que vit la Côte d’Ivoire. Pour ceux qui l’ont connu, qui ne se souvient de ce livre que certains considèrent comme une référence majeure en matière de lutte pour la liberté et les droits de l’homme, ainsi que contre le racisme. Aujourd’hui, c’est un racisme politique qui sévit dans notre pays : la « couleur politique » des uns et des autres est devenue le principal sujet de conversations et suffit à déterminer le sort de chacun.
Qu’est-il donc advenu de ce pays de l’hospitalité, cette terre d’espérance qui s’apprêtait à entrer par la grande porte au sanctuaire des démocraties ? Le monde entier y avait pourtant cru, au lendemain d’un scrutin qui a vu la participation massive d’une population soucieuse de sortir de l’apathie où l’avait plongée une gestion scabreuse. Jadis envié par les pays alentours, eldorado de nombreux ressortissants ouest africains, oasis de paix pour le bonheur des visiteurs étrangers, ce sol éburnéen offrait un pays où il faisait bon vivre. On l’appelait « Côte d’Ivoire la belle ».
Et voici qu’au nom d’une certaine souveraineté et d’un prétendu respect des Institutions, elle est aujourd’hui une terre pleine d’immondices de toutes espèces y compris humaines, nourries du sang des innocentes victimes de chacals ivoiriens et d’ailleurs. Ils tuent, enivrés par le bruit des espèces sonnantes et trébuchantes: le grisbi, un diable pour ceux qui renoncent à vendre leurs âmes. Fièvre typhoïde et choléra rivalisent au chevet de cette nation qui se meurt, déjà atteinte au travers d’une frange de sa population par un mal plus virulent, la schizophrénie: L’ami d’hier donne le baiser de la trahison, celui de l’enfance devient le pire ennemi parce que d’origine ou d’un bord politique différent. La suspicion empoisonne les relations: quand on se parle on louvoie, même si d’habitude on se côtoie. Mieux, chacun se terre chez soi. Ici, relater simplement des faits est un délit. On en est puni. On vit, mais avec le souffle de ceux qui sont morts brutalement, arrachés à l’affection des leurs pour avoir voulu exprimer leurs sentiments. Eux sont partis, héros d’aucune patrie, déjà classés dans l’oubli par leurs bourreaux. En des endroits précis, toujours les mêmes, couvre-feux à n’en plus finir pour, dans le silence de la nuit et à l’abri des regards indiscrets, fournir d’autres morts. Comme des vampires, ils ont besoin de sang ! Mille morts à gauche, mille morts à droite suffiront-ils un jour ?
Tout ça pour UN qui, avec un courage morbide, s’accroche au fauteuil. Leur chef. Il lui faut régner, même sur un cimetière. Il veut son pouvoir parce qu’il lui a été confisqué. C’est ce qu’il laisse croire. La fautive ? Une rébellion qui tente elle aussi, de justifier tant bien que mal ses actes. Il avait oublié que bien mal acquis ne profite jamais. Elections calamiteuses en 2000. De son propre aveu. Il avait aussi oublié que lorsqu’on apprend à un singe à lancer une pierre -la rébellion, c’est un peu son produit à tous les points de vue-, on est le premier à la recevoir. Alors, il la voue aux gémonies, cette rébellion qui lui aura tout de même permis d’occuper le fauteuil, dix bonnes années, sans l’assentiment du peuple. Et il s’en vante ! Dix années durant lesquelles les vaches grasses se seront nourries de vaches maigres. Dix années qui lui auront permis de se payer des conducteurs ad patres. Chez les anciens colons de qui il se repaît sournoisement, on les appelle les forces de l’ordre. Là-bas, ils se contentent d’instaurer la paix, ceux d’ici la donnent et elle est éternelle. N’empêche, poussé par on ne sait quel tropisme, ses aboyeurs continuent de clamer que les anciens colons sont des diables, tout simplement parce que ces derniers réfléchissent et réagissent en fonction de l’environnement mondial. Ici, le peuple, c’est-à-dire leur chef, a opté pour une évolution à contre-courant du monde et l’a baptisée Souveraineté ! Et c’est au nom de cette souveraineté brandie sans intelligence par des flagorneurs que les fils et filles du pays ont dû s’exiler, que la veuve pleure son époux assassiné et qu’une mère attend en vain le retour d’un fils qui lui a été enlevé. Il y a aussi l’enfant traumatisé par le souvenir de sa mère ou de sa sœur violée sous son regard et la liste est longue, des cruautés engendrées au nom de cette souveraineté. Pendant ce temps, dans son château de marbre aux côtés de la première Eve, tel Moloch qui tire sa joie des pleurs de mères d’enfants assassinés, le chef est en pleine réflexion pour donner davantage de cynisme à son «j’y suis, j’y reste».
L’avenir prometteur mué en tragédie !
Vous avez dit souveraineté. En réalité, le terme ne définit rien d’autre que la détention d’une autorité absolue et suprême, qui peut échoir à un individu auquel cas on a affaire à un régime despotique, ou bien alors revenir au peuple réuni au sein d’une Nation pour un régime dit démocratique. La Côte d’Ivoire s’étant inscrite au nombre des démocraties, d’où vient-il qu’il y ait problème sur les résultats d’un scrutin dont les règles ont été acceptées par tous et où le peuple s’est majoritairement exprimé en faveur d’un candidat ? Cette question mérite que chacun se la pose pour déterminer de quelle souveraineté parlent tous ceux qui se disent prêts à sacrifier leurs vies pour la défendre. Est-ce celle d’un individu ou celle de la Nation ? Il est fort regrettable que les jeunes générations n’aient pas suffisamment connaissance des ravages de la seconde guerre mondiale et c’est dommageable. Elles auraient su et tenu compte du fait que, sous le prétexte de la souveraineté, le monde a connu un de ses pires fléaux: le nazisme. Une monstruosité d’Hitler et son larbin, Goebbels. « Charbonnier est maître chez soi, laissez-moi faire ce que je veux avec mes juifs, mes socialistes et mes communistes », disait ce dernier.
Un bref résumé de la vie du personnage suffit à montrer l’ampleur du risque encouru par les Ivoiriens: « Né au sein d’une famille modeste et de confession catholique, il traverse une période décevante et déprimante après son cursus universitaire. Il tente en vain de se faire un nom dans la littérature mais c’est un auteur raté et sans ressources. Avec son incontestable talent de polémiste, la politique lui offre un emploi. Il est gagné au national-socialisme. Fait Ministre de l’information par Hitler, il met au point un système qui consiste entre autres, en :
– La fermeture des frontières à toutes les sources d’informations étrangères ;
– La caporalisation des organes d’informations intérieurs ;
– L’utilisation abusive de leur impact sur les masses ;
– La nazification de la culture appliquée aux mouvements de jeunesse.
Goebbels est l’instigateur de « la nuit de cristal » qui a vu, en 1938, l’incendie des synagogues et le pillage des maisons juives. A partir de 1940, il répand les thèmes contre les anglo-saxons, les soviétiques, les gaullistes et divers. Il a réussi à faire de la propagande une véritable technique qui exerçait sur les allemands une influence considérable au point de faire dire à Hitler que sa propagande est une des armes de guerre les plus efficaces. En 1944, ce fanatique d’Hitler se voit confier la direction de la guerre, alors que l’Allemagne est frappée de tous les côtés et que l’étau se resserre autour d’elle. Il tente de relever son moral en faisant état «d’armes secrètes et imparables». Jusqu’au bout, il ranimera le courage de ses combattants jusqu’à finir par se suicider avec son épouse, après avoir empoisonné leurs six gosses, Hitler l’ayant précédé dans ce geste ».* (Source : wikipéda*).
Quelles similitudes avec leur chef et ses pratiques ! Plus ou moins, même cursus, mêmes origine sociale et traits de caractère. Du copier-coller: mêmes tactiques, mêmes propos. RTI devenue LMP.TV. « Nuit de cristal » et couvre-feu, mêmes objectifs. Ce n’est pas autres temps, autres mœurs. C’est dans l’actualité ivoirienne, plus de soixante ans après. Inquiétante réalité à laquelle nous sommes astreints, sous un sanglant prétexte de souveraineté. Il fallait toucher la fibre nationaliste, à l’instar d’HITLER et Goebbels, pour atteindre avec l’assentiment d’une horde d’abouliques, ses véritables desseins: empêcher coûte que coûte l’adversaire de diriger, tout au moins, mettre tout en œuvre pour le faire échouer dans sa gestion du pays. La Vérité est latente derrière les slogans tant et tant de fois rabâchés à l’encontre du vainqueur de ce scrutin à qui est volontiers attribué et sans aucune preuve avérée la paternité de l’ex-rébellion. Elle se nomme vengeance et respecte scrupuleusement la loi du talion « œil pour œil, dent pour dent ». Il s’agit pour leur chef d’instaurer le chaos pour rendre la Côte d’Ivoire « ingouvernable », ses chances d’en reprendre la gestion ayant été totalement anéanties. Il se charge désormais de récupérer et d’user personnellement de son arme fatale : la rébellion, comme celle dont il se plaint mais qu’il avait suscitée pour avoir trahi en 2000. Ou est donc la logique quand on prétend vouloir sauver le pays ?
Alors oui !, disons tout haut et portons à la connaissance de la population qui y a droit, les véritables motivations exprimées librement dans les salons ou les alcôves de ceux qui brandissent le respect des institutions pour drainer à leur suite des désœuvrés, mais aussi des intellectuels apeurés, affamés ou à la conscience annihilée : Ceux qui appellent à la résistance reconnaissent leur défaite mais refusent de céder le pouvoir, pour des raisons autres qu’une affirmation de la souveraineté nationale. Que les Ivoiriens et les Ivoiriennes prennent conscience qu’ils ne sont en rien concernés par cette bataille, si ce n’est qu’ils sont les victimes expiatoires d’un crime qu’ils ont commis par naïveté: celui d’avoir cru aux slogans à relents nationalistes. Il leur incombe à présent de se poser les questions de savoir ce qu’est la souveraineté d’une Nation si ceux qu’elle représente ne sont pas libres du choix de leurs représentants, ce que vaut la souveraineté d’un Etat si ses ressortissants vivent dans la psychose, terrorisés par un gouvernement factice. Pourvu qu’ils veuillent se soumettre à une analyse de la situation depuis le coup d’Etat de 1999 ainsi que des différents accords, et il leur apparaitra clairement que la cause originelle de toutes ces agitations est exclusivement dans l’insatisfaction du désir de puissance et la contrariété des desseins de ceux-là mêmes qu’ils suivent, alors que ces derniers les abusent.
Que sont les Institutions sans le Peuple ?
Rappelons pour la cause et avec des mots simples ce qu’est une nation: ‘‘la Nation, c’est vous, moi, ceux qui nous ont précédés, ceux qui vont nous succéder. Tous en un dans un ensemble fictif’’. C’est pourquoi, nous avons besoin d’être représentés par des mandataires qui ont l’obligation d’œuvrer dans l’intérêt de tous. Nous disons bien, dans l’intérêt de tous. Les institutions seraient donc « la version politique » du peuple. Elles méritent respect et nous en convenons.
Le dictionnaire Larousse définit l’Institution comme étant l’ensemble des règles établies, en vue de la satisfaction d’intérêts collectifs, ainsi que l’organisme visant à les maintenir. Sur cette base, il nous est permis de considérer comme telles les mairies, les tribunaux et divers autres services. Les mairies délivrent des extraits d’actes de naissance, les tribunaux des certificats de nationalité etc. Supposons, comme c’est parfois le cas, que des erreurs se glissent dans les noms ou dates de naissance des documents administratifs dûment signés par les responsables de ces institutions; le document légalisé serait-il pour autant conforme à la réalité ? Dans la négative, aurait-on le droit de faire des réclamations, de ne pas considérer le document, de l’annuler ? Le faire signifierait-il ne pas respecter ces institutions ? Le fait qu’il arrive que ces institutions fassent des erreurs autorise-t-il à ne plus les considérer dans leurs fonctions ?
Sauf erreur, les réponses à toutes ces questions montrent bien qu’une institution peut être dans le faux, encore que, en l’espèce, la faute ne serait pas forcément imputable à la mairie ou au tribunal; elle peut provenir d’une inattention de n’importe quel maillon de la chaîne administrative. Ce qui n’est pas le cas pour le Conseil constitutionnel où seuls les tenants statuent sur la base de règles préétablies, comme en toute matière judiciaire. Si donc le fait de rejeter les décisions d’un Tribunal, d’une Cour d’appel et autres instances n’a jamais constitué matière à une levée en masse sous prétexte d’un manque de respect à ces institutions, pourquoi celui de refuser d’accepter le verdict de la Cour Constitutionnel serait-il sujet à croiser les fers ? Même si en l’occurrence il s’agit d’un crime de lèse-majesté, cela suffit-il à justifier l’adhésion y compris d’intellectuels bien connus à ce phénomène d’emballement collectif ahurissant ? Et dire que tous prétendent être prêts à sacrifier leur vie pour, dans les faits, sacrifier celle des jeunes notamment, au nom de ces Institutions. De grâce, soyons sérieux ! Ailleurs, Ils savent que les institutions existent par et pour le peuple. Ils ont conscience (et nous aussi) que le non respect d’une Institution ne peut venir que du tenant de cette institution lorsque justement, par exemple, ce dernier manque à son devoir de garant des intérêts collectifs. Ils demandent alors sa démission le cas échéant. Pour l’honneur de leur pays, manifestant ainsi leur amour pour leur patrie.
En réalité, aimer et servir dignement son pays, ce n’est pas tant sauvegarder les institutions que veiller sur l’intégrité physique et morale du peuple dont les intérêts doivent être protégés. Que sont les institutions sans le peuple ? On peut se permettre d’être plus royaliste que le roi, mais la sagesse impose qu’on n’agisse pas contre sa volonté. On ne peut pas prétendre aimer son pays et vouloir en même temps vivre en autarcie en cette ère où la fédéralisation et l’intégration des Etats sont indispensables pour leur survie. Certes, Il ne s’agit pas non plus de perdre son âme en s’aliénant, mais Il est vital de s’imposer en toute intelligence en partenaire fiable et respectable sur l’échiquier mondial. Et chaque ivoirien, quelque soit son bord et où qu’il se trouve, a un rôle à y jouer, s’il ne veut pas être complice d’un système suicidaire qui marche à contre-courant des évolutions. Tous, nous aimons notre pays. Nul ne peut prétendre qu’il l’aime plus que l’autre. C’est à cette réalité que nous devons nous tenir pour trouver ensemble des solutions. Elles passent nécessairement par l’acceptation de la vérité dont il faut se convaincre. Crédulité n’est pas conviction qui demande intelligence et analyse, ce à quoi nombreux Ivoiriens sont peu enclins, hélas.
Pleure, ô pays bien-aimé, sur tes fils qui mènent un combat stérile au prix d’énormes sacrifices humains. Qu’as-tu donc fait pour voir surgir de ton sol un ¨FAUST¨, ce héros du dramaturge Allemand Goethe, aux ambitions démesurées qui vend son âme au diable pour tout posséder, tout contrôler voire y compris le temps et l’histoire ! Que diantre n’a-t-il eu pour maître le démon Méphistophélès en lieu et place de ces pasteurs qui conduisent leurs brebis à l’abattoir ! Ton ¨FAUST¨ aurait alors reçu comme compagne une ¨Marguerite¨, qui l’aurait aidé à sauver son âme par ses prières, comme ce fût le cas pour celui de Goethe qui finit par se calmer, mais qui mourra aveugle, au moment même où il entamait une introspection. Tragique destin.
Oui, les retours sont toujours douloureux quand on se retrouve au lendemain des crises devant des situations dramatiques résultant de nos excitations, surtout lorsqu’on se lance à corps perdu dans un combat dont on ne prend pas la peine de mesurer d’abord les motivations, ensuite les conséquences. Le pire, c’est quand on s’y engage en croyant qu’il sied à Dieu, en tout cas celui de Jésus-Christ, d’accorder sa bénédiction pour une quelconque quête de pouvoir ou de vengeance au prix de mille morts à gauche, mille morts à droite pour gagner ou gagner !
Ivoiriens, Ivoiriennes, ressaisissons-nous pour voir au delà toutes nos agitations, le destin d’un pays qui se joue entre nos mains. C’est l’unique patrie que nous avons et que nous puissions avoir. Alors que la Nation entière aspire à voir se lever le jour après dix années d’épreuves, pourquoi s’en prendre à ceux-là mêmes qui l’aident à sortir du bourbier dans lequel elle s’enlise ? Pourquoi empêcher celui qui peut la faire renaître de ses cendres, d’exercer pleinement ce droit qu’il a acquis de haute lutte ? Pleure ô pays bien bien-aimé dont l’avenir si prometteur a été mué en tragédie par l’égoïsme exacerbé et la perversion de tes propres filles et fils pour qui la vie de l’homme n’a plus de sens, et que vienne dès demain, l’espérance qui sèchera tes larmes ! Que Dieu te bénisse !
Bailly Célestin
Celly82@yahoo.fr
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