Cher cacao – Embargo au goût légèrement différent ?

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Isabelle Massé – La Presse

(Montréal) Hershey, Godiva, Kraft… Les produits des clients de Barry Callebaut, dont l’usine de chocolat de Saint-Hyacinthe est la plus grande d’Amérique, risquent-ils d’avoir un goût légèrement différent ? C’est que la multinationale suisse a comme principal fournisseur de fèves de cacao la Côte d’Ivoire, premier exportateur de cacao du monde. Et il y a 10 jours, Alassane Ouattara, le président ivoirien reconnu par les Nations unies a demandé qu’on cesse les exportations. L’embargo, appuyé par les États-Unis et qui a pour but de coincer financièrement Laurent Gbagbo qui reste attaché au pouvoir, devrait avoir cours jusqu’au 23 février.

Plus de 650 tonnes de chocolat sont produites, chaque jour, à l’usine de Saint-Hyacinthe de Barry Callebaut. «Ça nous affecte, affirme Richard Séguin, directeur de Barry Callebaut Canada. On reçoit des chargements entiers par bateau de fèves de cacao sur une base régulière. Est-ce que ça va nous affecter à court terme? Non, mais à moyen terme, si ça dure trois ou quatre mois, oui. Ça va nous affecter autant en quantité qu’en qualité. Il va y avoir un trou dans l’approvisionnement dans l’année. Cette réduction d’un fournisseur va nous demander plus de gymnastique.»

Barry Callebaut dit importer «plusieurs centaines de milliers de tonnes de fèves de cacao annuellement». La Côte d’Ivoire est responsable du tiers des 3,5 millions de tonnes de cacao produites dans le monde par année. Suivent le Ghana (713 000 tonnes), l’Indonésie (550 000) et le Nigeria (230 000). Barry Callebaut importe justement aussi de l’Indonésie et du Nigeria. Du Ghana également. «On pourra donc encore se débrouiller pour fabriquer ce qui est nécessaire pour nos clients, dit Richard Séguin. Mais la problématique va être le profil de saveur, car nos clients recherchent toujours un profil précis de saveurs. Et dans les recettes, on utilise souvent des produits de la Côte d’Ivoire.»

Au Québec, ce n’est pas tous les chocolatiers qui sont touchés. Chocolats Geneviève Grandbois, par exemple, qui produit 15 tonnes (15 000 kg) par année, s’approvisionne en Italie (à 10%) et auprès de distributeurs québécois (à 90%).

Au lendemain de l’annonce de l’embargo, le prix de la tonne métrique de cacao a grimpé de 4,02% pour s’établir à 3312$US à la Bourse de Chicago. Il s’est par la suite tonifié à 3358$US, jeudi dernier, pour redescendre à 3313$US hier.

De quelle façon ces variations affecteront-elles les dépenses des importateurs? «Ça prendrait une boule de cristal pour le savoir», répond Richard Séguin qui pointe un autre facteur pour justifier une éventuelle flambée des prix. «La demande mondiale pour les produits chocolatiers augmente, souligne-t-il. Déjà, on prévoit une pénurie dans sept ans. Et un cacaoyer ne donne pas de fruits avant sept ans.»

La semaine dernière, le Financial Times a annoncé que le cacao pourrait trouver d’autres voies pour sortir du pays. Illégalement. Des analystes croient que les cargaisons pourraient transiter par le Ghana, le Liberia et le Burkina Faso. «Nous allons voir une hausse vertigineuse de la contrebande», selon Kona Haque, analyste de Macquarie à Londres.

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