Bernard cardinal Agré: “Nous ne voulons plus que l’on tue à cause de notre nom, à cause de notre gloire…la Communauté internationale n’a que volonté de dominer”

Eminence, la Côte d’Ivoire traverse l’un des moments les plus délicats de son histoire. Quels conseils pouvez-vous donner aux Ivoiriens et particulièrement aux hommes politiques ?

Mes frères et mes sœurs ivoiriens, nous devons tous déplorer ce qui nous arrive. Peut-être que c’est la volonté des autres. Mais c’est peut-être aussi notre propre volonté. Nous ne savons pas faire attention. Nous sommes incohérents. Tantôt ceci, tantôt cela. Il est bon qu’un jour, nous nous disions que nous n’avons pas deux pays. Nous n’avons que celui-là. S’il brûle, nous n’irons nulle part. Sauf peut-être aller dans la mer. Où les requins vont nous accueillir. C’est la seule issue. Alors si nous n’avons pas d’autre patrie, d’autre pays, il faut tout faire pour protéger le nôtre. Bien sûr, nous avons des choses à nous reprocher les uns les autres.

Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut brûler ce pays. Tous mes frères ivoiriens, qu’ils soient de la masse, du parti de gauche, de la droite, du milieu, etc. Nous avons vu, durant les élections qu’il y avait de nombreux partis. Mais une seule chose nous unit. Nous avons la solidarité. C’est une fontaine à laquelle nous venons tous nous abreuver. Et cette solidarité nous dit : mettons balle à terre. Ne rendons pas coup pour coup. N’allons pas provoquer les autres. Et puis, même si on nous dit : tue pour que moi je sois dans la gloire, ne le faisons pas. Parce que ceux qui disent “tue en mon nom” sont des gens qui ne réfléchissent pas au lendemain. Et qui sont là pour des choses immédiates.

Aujourd’hui, certains parlent d’un problème de légitimité à la tête de l’Etat de Côte d’Ivoire. Quelle est votre position ?

Moi, je regarde l’ensemble, je suis un pasteur, je suis au-dessus. Je ne suis ni pour l’un ni pour l’autre. Je dis tout simplement que tous ces gens doivent se mettre ensemble et trouver une solution. Légitimité, non légitimité, ce n’est pas à moi d’en décider. Il y a des gens qui sont commis pour cela. Par la loi, par la Constitution. Alors, s’ils ont fait leur travail, s’ils ont cherché la vérité des faits… Ce n’est pas à moi de dire non je ne reconnais pas. Dans ce cas, je défais tout. Je refais tout. Pourquoi ? Est-ce que j’ai autorité pour faire cela ? Je dis seulement, une fois que vous avez décidé, suivez l’ordre, la légalité et allons-y. Maintenant ceux qui sont sur le trône, ou bien qui y aspirent, je leur dis, il faut qu’ils s’apaisent aussi puisqu’ils veulent gouverner. Ils ne vont pas gouverner des cimetières. Il faut qu’ils viennent à la télévision devant tout le monde. Pas en catimini. Chez le cardinal ou chez un évêque. Que tous viennent dire à la télévision: “nous ne voulons plus, à partir d’aujourd’hui, que l’on tue ou moleste quelqu’un à cause de notre nom, à cause de notre gloire”

Des voix s’élèvent pour dénoncer une prise de position de la communauté internationale.

Ça, c’est leur affaire. La communauté internationale n’a pas de cœur. Elle n’a que la volonté de dominer et d’avoir des intérêts. La communauté internationale, je le dis, cela ne m’émeut pas beaucoup ce qu’ils pensent. Ils ont décidé que tel pays, l’Irak en l’occurrence, avait des armes bactériologiques. Ils ont tué Sadam Hussein en disant nous restaurons la légalité, la démocratie. Le pays est dans le chaos. On n’a pas tué autant qu’aujourd’hui. Et la communauté internationale est partie sur la plante des pieds en disant, nous ne sommes pas dedans. La communauté internationale peut dire ce qu’elle veut. Il faut aussi voir ce qui est dans notre intérêt. Pourquoi, tout à coup, la Côte d’ivoire l’intéresse-t-elle ? J’ai voyagé avec un Français qui était de la haute finance. En descendant dans l’avion, lorsque nous avons vu les brûlots des puits à pétrole, il m’a dit : « Eminence regardez là-bas les lumières là, le pétrole, c’est à cause de cela que vous avez la guerre ». C’est sa façon de dire les choses d’une façon crue, moi je ne suis pas dedans. Je suis pasteur. Les gens qui doivent parler, qui doivent faire les statistiques, ils sont qualifiés, ou se sont disqualifiés, c’est leur problème. Moi, ici, je dis aux uns et aux autres, arrêtez de nous envoyer des mercenaires, des sympathisants qui parlent. Il faut qu’ils disent à leurs partisans, je ne veux plus que l’on tue quelqu’un à cause de moi.

Propos recueillis par
MARIE-ADELE DJIDJE

Fraternité Matin

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