Par Mamadou Koulibaly, Président d’Audace Institut Afrique
in l’Intelligent d’Abidjan
Alors que la Côte d’Ivoire vit une situation de crise aigüe exceptionnelle, il convient de s’interroger sur les fondamentaux qui pourraient éviter que de tels épisodes se reproduisent. Mamadou Koulibaly, Président d’Audace Institut Afrique, analyse l’intime relation entre les libertés économiques, la paix et la prospérité. Les libertés ne sauraient être réservées aux pays développés car elles sont le fondement même de la croissance qui pourra conduire à la stabilité.
La paix et l’économie se supportent mutuellement. Mais, au commencement ce sont les libertés économiques qui, par la reconnaissance des droits de la propriété et du libre échange créent les conditions d’une interaction sociale paisible et juste. Cette vie sociale, à son tour, stimule les libertés politiques et les stabilisent pour en faire le socle de la pérennité de la paix. Les libertés économiques et politiques construisent la paix des nations. Comparés aux coups d’Etat et aux rebellions, le droit de vote, le multipartisme, les élections libres et transparentes sont de biens meilleurs moyens d’accession et de départ du pouvoir. Cependant, un bulletin de vote ne peut à lui seul garantir la paix. Les populations qui votent ne choisissent pas un homme dont le portrait est exhibé sur des « tee-shirts ». Elles votent pour des programmes conduisant à la liberté d’accès à la propriété, assortie des garanties juridiques nécessaires à sa protection. Le respect et la promotion des libertés individuelles sont au centre de l’intérêt des populations lors des échéances électorales. La liberté de vendre sa propriété et sa récolte, celle de se déplacer pour aller s’installer ailleurs, de changer d’emploi ou de s’installer à son propre compte, de déplacer des marchandises pour les vendre là où elles rapporteraient plus, comptent plus, qu’un simple bulletin de vote. Les pays les plus libres économiquement produisent plus facilement la croissance et la prospérité que les pays qui limitent les libertés économiques. Cette relation est d’ailleurs indépendante du degré de liberté politique. Les pays ont tendance à devenir démocratique lorsque les libertés économiques lèvent les barrières qui s’opposent à la prospérité et à l’enrichissement des populations. Lorsque les libertés économiques sont promues, les populations deviennent des propriétaires d’une part plus importante du patrimoine national au dépens des Etats. Avec des marchés ouverts et libres, des facilités de création et de disparition des entreprises, la libre mobilité des travailleurs, des investisseurs et des hommes d’affaires qui vont à la recherche de meilleurs employeurs, de meilleurs fournisseurs et de bons clients, la société bouge et exprime une demande plus saine de libertés politiques. Ces libertés conduisent à limiter le rôle de l’Etat à sa mission de service public. Les populations accèdent ainsi plus facilement à l’éducation, s’ouvrent sur les expériences étrangères, élargissent leur champs d’analyse, comprennent mieux le sens de la démocratie et organisent leurs idées et actions pour protéger et défendre leurs intérêts économiques contre tout genre de prédateurs. Ainsi, les libertés économiques conduisent plus vite à la paix que les libertés politiques. La propriété plurielle des moyens de production et le libre échange conduisent rapidement à la croissance économique. Cette évolution stimule et encourage les transitions politiques à aller à la démocratie de façon stable. Une paix durable s’installe alors plus facilement. Tels sont aujourd’hui les enseignements de l’économie sur la compréhension de la paix. La paix est le résultat d’échanges entre personnes libres. « Pour faire la paix, comme le dit Aristide Briand, il faut être deux : soi même et le voisin d’en face ».Lorsqu’une économie encourage l’ordre marchand de l’échange libre dans un Etat de droit, la violence et la coercition cèdent la place à la paix. Les libertés et les échanges sont les ferments qui assurent que l’Etat de droit conduira à la paix. Si l’Etat s’approprie le patrimoine des populations, il y a spoliation de la propriété et la tentation devient alors grande pour toutes les bandes organisées, armées ou pas, de faire mains basses sur ce patrimoine et profiter des revenus qu’il va générer. Les rentes attisent les convoitises et, en l’absence de libre échange, elles entraînent des conflits armés et compromettent la paix. Toute expropriation des populations conduit à la guerre civile sur fond ‘’d’ethnicisme’’ et de tribalisme. Les chercheurs de rentes sont dangereux pour la paix. Toute politique protectionniste génère des crises potentielles entre Etats alors que le libre échange est le terreau de la paix internationale. Les Etats claustrés dans des législations protégeant leurs marchés des risques du libre échange affaiblissent leurs populations et deviennent des proies faciles. Ce sont des peuples libres et non des Etats prédateurs qui peuvent redessiner l’avenir de la paix sur le continent africain. Les politiques économiques autoritaires, restrictives, autarciques et planifiées ont montré leurs limites. La voie de la paix en Afrique passera inexorablement par l’économie de marché. Seules des politiques économiques audacieuses et ouvertes sortiront le continent du carcan qui l’enserre dans la pauvreté et les conflits qui s’ensuivent. L’économie de la liberté est la voie de la démocratie sur laquelle repose la paix. Comme le dit W Shakespeare, dans la tragédie de Cymbeline : «La paix et l’abondance engendrent les lâches ; la nécessité fut toujours mère de l’audace». Pour vivre en paix nous devons être libres. Et pour être libre il n’y a que l’audace pour nous guider.
Par Mamadou Koulibaly, Président d’Audace Institut Afrique
in l’Intelligent d’Abidjan
Les commentaires sont fermés.