Grande confusion autour des résultats de l’élection présidentielle

Jeune-Afrique

Alors que selon la Constitution ivoirienne, la CEI avait jusqu’à minuit pour proclamer les résultats provisoires de l’élection présidentielle, la date limite n’a pas été respectée. Si la CEI affirme continuer à travailler pour atteindre le consensus, le camp de Laurent Gbagbo souhaite que le Conseil constitutionnel entre en jeu et annule le vote.

Malgré les pressions internationales (ONU, UA, UE, France, États-Unis…) qui se sont accumulées hier, la Commission électorale indépendante (CEI) n’a pas respecté la date butoir théorique de mercredi minuit pour annoncer les résultats de l’élection présidentielle. Le président de la CEI Youssouf Bakayoko, a expliqué dans la nuit à la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) que les 31 commissaires de l’institution continuaient à travailler et que les résultats seraient publiés quand un « consensus » serait atteint.

Après plus de huit années de conflit, l’imprécision de cette déclaration donne lieu à toute sorte de rumeurs et de spéculations à Abidjan, où de nombreux habitants limitent leurs déplacements au maximim dans la crainte de violences. Car si tous les procès-verbaux sont dépouillés, il resterait plusieurs régions à valider pour en consolider les résultats. Et nul ne sait le temps que cela pourrait prendre. La CEI doit réunir une conférence de presse dans la journée, à une heure qui n’a pas été fixée. Et le couvre-feu (19h-06h) a été prorogé hier soir par décret présidentiel jusqu’à dimanche prochain.

Annulation du vote

Le camp présidentiel réclame a minima l’annulation des « votes frauduleux » dans trois régions du nord du pays : celles des Savanes, de Denguele et du Worodougou. « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir » pour atteindre cet objectif, a menacé hier le porte-parole de La majorité présidentielle (LMP), Pascal Affi N’Guessan. Un premier exemple de cette volonté a eu lieu mardi soir, quand des représentants de Laurent gbagbo à la CEI ont empêché physiquement Bamba Yacouba, le porte-parole de l’institution, d’annoncer les premiers résultats, prétextant un non-respect des procédures.

Comme les 72 heures prévues par la Constitution pour l’annonce des résultats provisoires par la CEI sont désormais dépassées, deux interprétations légales s’opposent. Le camp présidentiel, qui a déposé des recours en annulation de vote devant la CEI et le Conseil constitutionnel, veut que ce dernier prenne la main sur la proclamation des résultats. Mais le camp adverse, celui de Alassane Dramane Ouattara (ADO), juge que la CEI doit continuer son travail et qu’en cas d’entrave (en référence notamment à l’incident de mardi soir), c’est à elle de saisir la plus haute cour du pays.

Déclaration de guerre

Par ailleurs, les partisans d’ADO estiment que le Conseil constitutionnel est loin d’être neutre, puisque dirigé par un proche politique de Gbagbo, Paul Yao N’Dré. « Au niveau du Conseil constitutionnel tout est encore possible », a averti Affi N’Guessan. Or c’est justement ce que redoute le camp de l’ancien Premier ministre, qui accuse le président sortant « d’être dans une logique de confiscation du pouvoir » car il aurait « perdu l’élection ».

Pour l’un des porte-parole d’ADO, Albert Mabri Toikeusse, déposer des recours avant même la publication des résultats serait « illégal ». Mais, selon des experts, le Conseil constitutionnel serait tout de même en mesure d’annuler l’ensemble du scrutin. Ce qui serait immanquablement interprété comme un acte de déclaration de guerre par le Nord, qui a soutenu massivement Alassane Ouattara au premier tour. Un scénario qui pourrait conduire à de nouvelles violences. Voire à une nouvelle partition du pays. (Avec agences)

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Le camp Gbagbo veut l’annulation des résultats du scrutin
par Loucoumane Coulibaly et Tim Cocks Reuters

ABIDJAN (Reuters) – Le parti du président ivoirien Laurent Gbagbo a demandé au Conseil constitutionnel et à la commission électorale d’annuler les résultats, encore non publiés, du second tour de le la présidentielle de dimanche.

Les alliés de son adversaire Alassane Ouattara, homme du Nord qui dément tout lien avec les ex-rebelles, affirment que Gbagbo bloque la publication des résultats parce qu’il sait qu’il a perdu et que porter plainte devant le Conseil constitutionnel après avoir empêché la commission électorale de diffuser les résultats serait illégal.

Il revient au Conseil constitutionnel de ratifier les résultats mais les adversaires de Gbagbo estiment que la plus haute cour du pays n’est pas neutre car elle est dirigée par Paul Yao N’Dré, un proche allié politique de Gbagbo.

Malgré les pressions exercées par certains gouvernements étrangers, la commission électorale a laissé passer la date butoir de mercredi minuit sans publier les résultats. Toute l’élection pourrait être annulée si les plaintes déposées par Gbagbo sont retenues par le Conseil constitutionnel.

Le second tour de la présidentielle, dimanche, était censé couronner le processus de réunification et de réconciliation d’un pays resté scindé en deux pendant des années. Les Nations unies ont averti mercredi la classe politique ivoirienne qu’elle pourrait être tenue responsable d’éventuelles violences.

Pascal Affi N’Guessan, directeur de campagne de Laurent Gbagbo, a affirmé que les manoeuvres d’intimidation des électeurs pratiquées par les ex-rebelles des Forces nouvelles dans le nord du pays avaient dissuadé les partisans du président sortant d’aller voter.

DÉMARCHE JUGÉE ILLÉGALE

« C’est en raison de toutes ces irrégularités que nous avons réclamé l’annulation du vote (…)d’abord devant la Commission électorale indépendante puis devant le Conseil constitutionnel », a déclaré N’Guessan mercredi soir à la télévision nationale.

Selon des experts électoraux, le Conseil constitutionnel a le choix entre approuver ou annuler la totalité du processus électoral. Quelques heures plus tôt, le parti de Gbagbo ne demandait que l’annulation des résultats de quatre régions passant pour des bastions d’Ouattara.

Alassane Ouattara a jugé « inacceptable » le retard dans l’annonce des résultats et demandé à Gbagbo de les respecter, mais il n’est pas allé jusqu’à revendiquer la victoire.

Albert Mabri, porte-parole de l’équipe de campagne d’Ouattara, a estimé que déposer des plaintes devant le Conseil constitutionnel avant même l’annonce des résultats était illégal.

Résistant aux pressions des Nations unies, des Etats-Unis et de la France, le chef de la commission électorale, Youssouf Bakayoko, a fait savoir que la commission n’était pas encore en mesure de rendre publics les résultats.

« Nous n’avons pas terminé notre travail », a-t-il dit à la télévision nationale.

Certains membres de la commission favorables à Gbagbo avaient perturbé mardi une tentative d’annonce de résultats par un membre de l’instance, et avaient sous les yeux des journalistes présents déchiré les feuilles de résultats que le porte-parole tentait de lire.

Laurent Gbagbo a terminé en tête du premier tour, le 31 octobre, avec 38% des voix contre 32% à Alassane Ouattara, qui a reçu le soutien public de l’ancien président Henri Konan Bédié (25% au premier tour).

Eric Faye pour le service français

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