Le 20 octobre prochain, la Coordination de la Convention de la société civile va organiser une cérémonie à l’Assemblée nationale pour inviter les partis politiques et les candidats à l’élection présidentielle à s’engager sur les 50 recommandations et résolutions des Journées du consensus national de 2009. Le coordonnateur du mouvement nous en parle.
Le 31 octobre prochain, se tiendra le 1er tour de l’élection présidentielle après 8 reports. Vous sentez-vous soulagé ?
Je dois féliciter toutes les institutions impliquées dans le processus électoral, les membres du CPC, pour avoir cette fois-ci montré le maximum de sincérité dans leur démarche et dans leurs engagements. Nous pensons qu’ils sont conscients que le peuple a déjà trop souffert et attendu et qu’il ne pouvait tolérer un autre report. Les pouvoirs publics se sont montrés attentifs et perméables aux recommandations de notre colloque sur le bilan des 20 ans du multipartisme, organisé en juin 2010 à l’assemblée nationale. Nous demandions que le désarmement soit terminé avant le 31 août et qu’à la fin du mois d’octobre, se tienne le premier tour de la présidentielle.Le cas échéant, nous avions décidé de ne plus reconnaître les accords de paix y compris l’Accord politique de Ouagadougou et toutes les institutions mises en place à la suite de ces différents accords.
Comment va se faire l’implication de la société civile dans la réussite de ce scrutin ?
Pour ces élections de sortie de crise, nous avons des attentes. Vendredi 1er octobre, nous avons participé à Grand-Bassam à un séminaire d’évaluation du processus électoral. Nous avons eu droit à deux panels : l’un sur l’état d’avancement du processus électoral et l’autre sur l’état d’avancement du processus de sécurisation des élections. Le premier panel a été bien animé par la CEI, la Primature, la Division électorale de l’Onuci et la Mission d’observation de la Convention de la société civile. Au contraire, pour le second thème, nous n’avons pas pu avoir la présence des quatre autres panélistes qui devaient nous faire le bilan du processus de sécurisation des élections. Or nous avions invité le Centre de commandement intégré, la Primature, le Ministère de la défense et la division sécurité de l’onuci, dont les représentants n’ont pas se libérer. Nous sommes donc dans le flou total concernant le volet sécuritaire des élections et les moyens prévus pour des élections pacifiques. Cela est une préoccupation pour nous car ne sommes pas rassurés. Nous avons alors fait une recommandation au Centre de commandement intégré, lui demandant de faire un rapport sur le volet sécuritaire des élections pour rassurer les populations et contribuer à accroître le taux de participation pour le vote du 31 octobre. Mais sans entrer dans les détails du secret militaire. A ce niveau, la société civile va participer à la sensibilisation de la population. Déjà les confessions religieuses, les syndicats des enseignants qui sont membres de la Convention de la société ont été mobilisées et nous allons mettre les moyens à leur disposition par le biais de la CEI. La convention va étendre sa mission d’observation électorale sur tout le territoire en faisant passer nos observateurs de 250 à 2000 observateurs le jour du scrutin. Nous comptons ainsi à défaut d’être présents sur les 10.179 lieux de vote et de couvrir les 20.073 bureaux de vote, nous ambitions au moins être présents dans les centres sensibles.
La présidentielle du 31 octobre va permettre aux ivoiriens d’avancer sur le chemin de la conquête de la paix, mais cette élection ne sera pas la fin de la crise. Que peut-on donc attendre du prochain Président de la République ?
Il faut espérer que le nouveau Président de la République ne subisse les fortunes malheureuses de Félix Houphouët-Boigny de 1990 à 1993, de Bédié de 1993 à 1999 et de Gbagbo de 2000 à 2010. Je ne veux que celui qui va présider aux destinées de la Côte d’Ivoire en ce début du second cinquantenaire de notre pays, connaisse les problèmes de maîtrise de pouvoir auxquels ont été confrontés Henri Konan Bédié de 1994 à 1999 puis Laurent Gbagbo de 2000 à 2010, ne se répètent plus. Je ne le souhaite pas pour aucun des candidats qu sont en lice parce que si le nouveau Président se trouve empêtré dans les problèmes de maîtrise du pouvoir, cela fera certainement le bonheur de ses opposants et adversaires d’hier, mais c’est le peuple qui va continuer de souffrir. C’est pourquoi, nous voulons un Président avec son Gouvernement dégagé de tous les soucis de déstabilisation pour qu’il se concentre réellement sur la question du développement du pays notamment de la résorption du chômage et de la lutte contre la pauvreté. Dans nos projections, la Côte d’Ivoire peut devenir un pays émergent d’ici à 2030 et un pays industrialisé à l’horizon 2040 ou 2050, voilà pourquoi, nous demandons à avoir après les élections, un pouvoir stable, un Président qui n’ait pas le sentiment d’avoir le dos au mur pour agir de façon maladroite et qui exécute la vision de développement qu’il a pour la Côte d’Ivoire. Ce nouveau pouvoir doit reposer pour agir sur une nouvelle constitution, sur une nouvelle gouvernance balisée et évoluant dans un espace où chacun connaît sa place. Le Gouvernement connaît sa place et le gouvernement reconnaît la place de l’opposition, l’opposition aussi reconnaît la place du gouvernement et tous les deux, reconnaissent la place de la société civile. De cette façon, on travaille la main dans la main, chacun critique quand il faut critiquer, chacun félicite ou chacun encourage quand il le faut sur la base des 50 recommandations des journées du consensus national.
Quels sont les mécanismes politiques et de gouvernance contenus dans les recommandations issues des actes des journées de Consensus national ?
Il faut absolument la stabilité politique. Tout le monde vous dira qu’il veut la stabilité mais la stabilité dans les faits qui veut qu’il ait une interdiction absolue de coup d’Etat.Cela exige qu’on mette en place un système judiciaire et un système constitutionnel qui permettent aux perdants d’avoir des voies de recours légales et pacifiques pour éviter la violence. Ce sont des pouvoirs et droits que doit garantir la nouvelle constitution. Il y a la question cruciale de l’assainissement de la gouvernance. Aujourd’hui quelle que soit la bonne volonté du Président élu, la mentalité des ivoiriens est tellement rongée par la corruption que ce Président aura des problèmes, même avec ses propres partisans de mener et de faire la lutte contre la corruption. Nous avons pour cela demandé un audit systématique de la Fonction Publique, des Concours administratifs, de la Magistrature, de l’Armée, de la Gendarmerie, de la Police. Non pas à des fins pénales mais pour prendre des lois de réforme de tous ces secteurs vitaux pour l’économie nationale.Une loi de réforme de l’administration, de la magistrature, des Forces armées nationales et cela va rassurer les investisseurs. Il nous faut parvenir dans les faits à réaliser l’équilibre entre les différents pouvoirs. Il faut faire en sorte que l’Assemblée nationale ait un peu plus de pouvoirs. Ainsi tous les actes de privatisation, les signatures de contrats dans les secteurs pétrolier, gazier et miniers devront –ils être approuvés par les députés. Un ministre ne pourra plus signer un contrat au nom du peuple de Côte d’Ivoire sans l’avis du Parlement. Il en sera ainsi de la formation du Gouvernement, du choix des Présidents des Institutions, des directeurs centraux et des directeurs généraux de l’administration.Toutes ces nominations devront être approuvées par le parlement. Cela peut paraître des mesures draconiennes, mais c’est une pratique qui a cours au Ghana et aux Etats-Unis. Cela en ajoute à l’autorité et au prestige du Ministre, du Président ou du Dg dont la nomination a été approuvée par le parlement. Et l’institution qu’il dirige bénéficie de cette marque de considération.Nous n’oublions pas un certain nombre de recommandations que nous avons faites pour rendre l’école, la santé plus performante et lutter efficacement contre la pauvreté. Notre pays, je le rappelle s’est engagé pour la réalisation des Objectifs du Millénaire mais à cinq ans de l’échéance prévue pour 2015, nous n’en sommes pas encore à 50% de réalisation. Nous disons qu’il nous faut faire des efforts pour d’ici à 2015 atteindre 75% de réalisation et à les 100% de réalisation d’ici à 2020. Nous donnons un moratoire de 5 ans encore au futur dirigeant pour atteindre les 100% demandé par l’Onu pour 2015.
Il est vrai nous sommes engagés sur le chemin de la sortie de crise par les élections, mais après cette étape, il va falloir relever le défi primordial de la réconciliation et de la lutte contre la pauvreté.
La Société civile a accompagné le gouvernement dans l’Initiative des Pays pauvres très endettés (PPTE) et nous sommes parvenus au point de décision. Nous allons encore chemin ensemble pour atteindre le point de décision, mais nous tenons à obtenir une clause qui indique que lorsque la Côte d’Ivoire aura obtenu la réduction de sa dette extérieure de façon significative, la Société civile doit être consultée pour la mise en œuvre des chantiers sociaux afin que nous voyons comment sera utilisé l’argent. Je voudrais redire ici, m’appuyant sur les recommandations des journées de consensus national qu’il faudra que la réconciliation nationale soit confiée à une structure autonome et non à un homme politique ni à une structure étatique. Mais à la société civile qui sera appuyée par l’Etat. J’ai vu le ministre Sébastien Dano Djédjé, se dévouer à accomplir la mission que le Président Laurent Gbagbo lui avait confié, celle de réconcilier les Ivoiriens, mais puisqu’il est membre du Front populaire ivoirien, il était diversement perçu. Et cela ne l’a pas aidé dans sa mission.
Êtes-vous toujours convaincu que les actes des journées de consensus national doivent être opposables au nouveau régime au détriment de son projet de société et de programme de gouvernement, pour la relance du développement de la Côte d’Ivoire ?
Nous tenons à cela comme une exigence. Voilà pourquoi, nous nous battons à faire signer tous les candidats à la présidentielle pour faire adopter les recommandations des journées du consensus national par l’Assemblée, comme une loi cadre. Cela va faire l’affaire du futur Président et de son gouvernement, pourquoi ? Si le Président doit dans chaque région désigner un ministre pour satisfaire les populations de cette région, cela pose un problème. Si le Président doit nommer le fils d’une région comme directeur général et que celui-ci se rend coupable d’une mauvaise gestion et qu’il impossible au chef de l’Etat de pourvoir à son remplacement par crainte de peur son électorat, il y a problème. Les chefs d’Etat africains ne sont pas forcément tous mauvais, mais les conditions dans lesquelles ils exercent leur pouvoir et toutes ces contingences politiques et géopolitiques les lient au point qu’ils finissent par devenir des laxistes. Ils passent ainsi pour des gens qui sont congénitalement mauvais gestionnaires. Il faut assainir la gouvernance pour qu’ils puissent travailler en toute tranquillité. Dans l’intérêt de la stabilité du pays, de la création d’emplois et de l’industrialisation du pays. Nous avons fixé des taux en matière d’industrialisation du pays. Nous demandons que dans les dix prochaines années, le taux de transformation de nos matières premières atteignent au moins 30% sur le volume des produits exportés et qu’en 2030, on puisse atteindre 50% de transformation. Cela nous permettra de créer de nouvelles lignes d’emplois pour lutter contre le chômage.
Interview réalisée
Par Franck A. Zagbayou
FratMat
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