(AfriSCOOP Abidjan – Dossier spécial ) — La réunion du Cadre permanent de sécurité (CPC) à Ouagadougou, le 21 septembre est l’ultime conclave des principaux acteurs politiques ivoiriens avant le scrutin présidentiel. Selon le président de la République Laurent Gbagbo ce CPC constate la « fin » de la crise, son Premier ministre Guillaume Soro parle aussi de la « dernière » évaluation du processus de sortie de crise. Si tout semble fin prêt en est-il de même pour la sécurisation ? Sinon quel dispositif de sécurité est mis en place et quelle garantie offre ce dernier aux Ivoiriens et à la communauté internationale ?
Interrogations légitimes, puisque les représentants de la communauté internationale présents à Abidjan posent de plus en plus la question de la sécurité des personnes, des biens et du vote comme une priorité en période électorale.
La quasi-totalité des ambassadeurs accrédités en Côte d’Ivoire et des bailleurs fonds sont inquiets pour la sécurité autour des élections, en effet. En leurs noms, le Nonce Apostolique Ambroise Madtha, représentant du Vatican et de l’Eglise Catholique, préconisait, dans une adresse au chef du gouvernement, que l’Etat prenne toutes les dispositions idoines en vue de garantir la quiétude le 31 octobre.
« S’il y a un très grand défi, c’est celui du gouvernement de maintenir la sécurisation du territoire et celle des centres d’élection ; il faut beaucoup de sécurité autour des populations », avait-t-il prié les autorités à faire en sorte que le scrutin soit « un modèle » pour d’autres pays de la région.
Parler de sécurité électorale ou du mécanisme de sécurisation envisagé pour le scrutin revient à revisiter le chantier du désarmement, source de toutes les inquiétudes.
L’Accord politique de Ouagadougou et l’accord complémentaire III de Ouagadougou recommandent le regroupement, la démobilisation et le désarmement des ex-combattants (qu’ils soient proches du pouvoir ou membres de l’ex-rébellion) au plus tard le 22 décembre 2007.
Le désarmement des forces pro-gouvernementales
On les appelle ‘’groupes d’autodéfense ‘’ : ce sont notamment des regroupements armés (milices) de jeunes gens qui ont pris les armes au Sud en réaction à la rébellion, en septembre 2002 à l’avènement de la guerre. Le plus gros lot de cet effectif se concentre à l’Ouest du pays dans la région du Moyen Cavally (Duékoué, Guiglo, Bloléquin et Toulepleu) ; une région voisine au Libéria. Ils y forment le Front de résistance du Grand Ouest FRGO (qui regroupe plusieurs entités dont l’APWÊ, le FLGO, UPRGO), dirigé par le ‘’général‘’ Mao Glofiéi. Ce groupe a volontairement déposé les armes le 19 mai 2007 à Guiglo.
En son temps, le président de la République avait personnellement assisté à ce dépôt collectif d’armes (1.700), remises à l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI).
Aussi, du côté des forces régulières, depuis le mois de janvier 2008, le général Philippe Mangou Chef d’état-major des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) a fini le regroupement de ses hommes (12.000).
Désarmement des éléments des Forces Nouvelles des Forces Armées
La démobilisation des ex-combattants a consisté à les recenser et à leur attribuer des matricules, après quoi ils ont reçu des certificats de visite médicale, attestant de leur aptitude à entrer dans l’armée nouvelle. Les encasernés éligibles à l’armée nouvelle ont également reçu des kits d’insertion (l’uniforme militaire).
Un plan de regroupement élaboré par le général de brigade Soumaïla Bakayoko, Chef d’état-major des Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN) a permis de réaliser un regroupement efficace. Ce plan distingue quatre Groupements d’Instruction (GI) repartis sur les villes de Korhogo (Nord), Man (Ouest), Séguéla (Ouest) et Bouaké (Centre).
Le regroupement s’est déroulé du 20 au 27 août 2010 et devait en principe permettre d’encaserner 5.000 soldats. 1.600 soldats à Bouaké, 1.200 à Korhogo, 1.000 à Man et 1.200 autres à Séguéla.
Au dernier décompte, les quotas ne sont pas atteints, car seuls 2.560 sur les 5.000 attendus sont encasernés. Bouaké en a regroupé 797 individus, Séguéla 510, Korhogo 460 et 793 à Man, selon du Ministère de la Défense.
N’empêche, l’opération qui devrait prendre fin trois ans plutôt a été une réussite. Ce sont 17.119 démobilisés qui détiennent un certificat à ce titre.
Au total, 19.679 ex-combattants ont été dépossédés de leurs armes. La dizaine de commandants de zones est réduite à quatre commandants d’instruction, en caserne.
Pour ce qui est de la démobilisation, elle a pris fin officiellement à la mi-septembre. Et ce sont environ 17.000 démobilisés issus des Forces nouvelles qui perçoivent la prime de 500.000 Fcfa qui leur est due conformément à l’Accord politique de Ouagadougou.
Le risque que les sujets sus cités renouent avec le maniement des armes est très amoindri.
La force spéciale mixte de sécurisation
Le Centre de commandement intégré (CCI), embryon de la nouvelle armée en construction, comprend des brigades mixtes de gendarmerie et des commissariats mixtes de police. Le CCI, conformément à l’Accord politique de Ouagadougou, réunit huit mille (8.000) hommes, soit quatre mille (4.000) issus des FDS et quatre milles (4000) autres des FAFN. Le CCI est en voie de déploiement dans la zone Centre, Nord, Ouest (CNO).
Sont déployés :
315 éléments de 13 brigades de gendarmerie sur un total de 390 annoncés ; 613 hommes sont déployés dans 12
commissariats de police sur 840 prévus. Le Ministère de la Défense poursuit l’installation de ces unités ; 10 brigades de gendarmerie seront fonctionnels dans les jours à venir ; quand 11 commissariats de police ouvriront leurs portes, toujours en zone CNO.
L’Etat prévoit aussi de décentraliser la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) qui a déjà pris pied à Divo, un peu plus au Sud du pays. Il envisage également de dégrouper les casernes de sapeurs pompiers militaires dont trois ont été détachées à l’Ouest (Gagnoa, une ville qui a connu de graves échauffourées suivies de morts en mars dernier), et au Sud-Ouest (San Pedro).
Les huit mille soldats chargés de sécuriser le scrutin seront assistés par les forces impartiales, mais elles ne sont pas directement concernées par la sécurisation proprement dite. Le CPC a réitéré cette restriction tout en précisant que l’Etat ivoirien pouvait leur faire appel « au besoin ». Les forces étrangères Licorne et Onuci, restent donc des arbitres et des observateurs.
Au regard du développement qui précède, on peut dire que la Côte d’Ivoire est outillée pour se garantir des élections apaisées.
Le seul problème qui subsiste, cependant, et pour lequel les autorités ivoiriennes comptent sur l’ONU, c’est que ces 8.000 policiers et gendarmes sont sous équipés. Ils ne disposent pas de suffisamment de matériels de maintien d’ordre. Le ministre de la Défense, Michel Amani N’Guessan est à pied d’œuvre pour remédier à ce dénuement.
Il dit que sans moyens le maintien d’ordre sera difficile pour le CCI. Cette question fort préoccupante a ressurgi à la mi-septembre avec l’arrestation aux Etats-Unis d’un émissaire ivoirien, le colonel Yao N’Guessan, parti, en août 2009, acheter des armes de poing pour le compte de l’Etat de Côte d’Ivoire.
La Côte d’Ivoire est sous embargo militaire depuis 2004 et l’ONU n’entend pas lever son véto, craignant que tout réarmement ne débouche sur une reprise de la guerre.
Alors question, les forces de sécurité devront-elles garantir, les « mains nues » un scrutin à haut risque de débordement dans un pays où règne déjà une psychose d’affrontement ?
Aux dernières nouvelles, l’Etat ivoirien et l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) sont en pourparler, pour lever le ‘’veto ‘’ américain sur les armes saisies. Si les tractations n’aboutissaient pas, il ne serait pas excessif de conclure que la communauté internationale, qui réclame à cor et à cris des élections « justes et transparentes », se fera responsable de débordements incontrôlés qui surviendraient le 31 octobre 2010.
Par Seraphin KOUASSI, © AfriSCOOP
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