Côte d’Ivoire: demain, l’espoir?

C’est assurément une bonne nouvelle! Après un long charivari politico-judiciaire, la Côte d’Ivoire se cale enfin dans les starting-blocks de la si attendue élection présidentielle. La signature, le jeudi 9 septembre 2010, d’un décret présidentiel autorisant «la délivrance de cartes d’identité et d’électeur aux 5 725 720 Ivoiriens inscrits sur la liste validée par la Commission électorale indépendante (CEI)» fait bouger les lignes du statu quo qui prévalait sur les bords de la lagune Ebrié depuis cinq ans maintenant.

La récréation des tergiversations est donc terminée et chaque candidat peut, à présent, aller mobiliser ses troupes pour en découdre dans les urnes, le 31 octobre 2010. Depuis 2005, terme du premier quinquennat on ne peut plus mouvementé de Laurent Gbagbo, la Côte d’Ivoire vit dans une léthargie institutionnelle. La crise sociopolitique née du putsch manqué de 2002 a, en effet, plongé le pays dans un tourbillon d’inquiétudes et d’incertitudes. Au point que l’élection présidentielle, appelée et souhaitée par tous pour vaincre la fatalité et tourner définitivement la page de la guerre, est devenue une arlésienne.
En s’accordant enfin sur le fichier électoral, objet de tous les émois et de tous les tourments, la classe politique ivoirienne vient de faire, de l’avis unanime, un grand pas vers la tenue effective du scrutin présidentiel, qui s’inscrivait toujours mal, hier encore, dans la perspective. On comprend donc que tous, ici et là, saluent cet «acquis très important», qui augure d’un lendemain d’espérance, avec cette incontournable élection à portée de main. Et l’on peut certainement se réjouir de cette… avancée, surtout lorsqu’on n’oublie pas que le fichier électoral était, jusqu’à récemment, au cœur de la polémique politique, suscitant une maîtresse méfiance de part et d’autre, accompagnée de violences verbales et physiques, chaque camp suspectant, à tort ou à raison, l’autre de vouloir garder la main sur cette liste stratégique, au point de la manipuler au profit de ses causes inavouables.

Il y a tout de même que le 31 octobre, c’est déjà demain! Et, même si un obstacle de taille a été levé avec la validation de la liste électorale, il reste encore tant à faire pour que les Ivoiriens glissent enfin le bulletin de leur choix dans l’urne transparente qui désignera le prochain président de la République. A seulement sept semaines du jour «J», la Commission électorale indépendante -dont on se rappelle qu’elle a essuyée l’ire du président Gbagbo, qui l’avait purement et simplement dissout, de même que le gouvernement, en février dernier- a décidément du pain sur la planche pour tenir les délais. On pense à la phase non moins cruciale de l’établissement et de la distribution des cartes d’identité nationale et des cartes d’électeurs, ainsi que de l’édition des documents électoraux, notamment des bulletins de vote.

Il y a donc encore de la méfiance dans l’air et les jours à venir seront très déterminants dans la consolidation de l’embellie enclenchée par le consensus autour de la liste électorale. Il serait bien dommage, en effet, qu’après avoir réussi à surmonter les tensions liées à la publication de la liste électorale définitive, la classe politique ivoirienne retombe dans un autre cycle de polémiques et d’atermoiements. Le pire pourra sans doute être évité si chacun joue franc-jeu et si l’arbitre désigné fait montre d’une neutralité à toute épreuve.

Au demeurant, la bonne exécution du chronogramme ne devrait pas être antagonique d’un léger réaménagement du calendrier. Autant les Ivoiriens ont claironné ne pas être fétichistes de la date du scrutin de sortie de crise, plusieurs rendez-vous ayant déjà été manqués par le passé, autant il ne sert à rien, à présent, de confondre vitesse et précipitations au point de tout escamoter. C’est, sans doute, le moment de prendre la vraie mesure de ce qui reste à faire, et de se donner les moyens de bien le faire. Une bonne fois pour toutes. C’est la seule voie pour solder durablement les comptes du passé trouble de ce pays magnifique, si tant est que les vainqueurs restent humbles après le scrutin, et que les vaincus, reconnaissant leur défaite, acceptent de travailler à l’unisson pour le développement de la Côte d’Ivoire.

Serge mathias Tomondji
fasozine.com/

Commentaires Facebook