Par Elena Brunet
Tempsreel.nouvelobs.com
Visite guidée dans les coulisses du Grand Orient de France, avec « Paris Face Cachée ».
Les temples du Grand Orient de France ouvriront leurs portes pour l’opération « Paris Face Cachée » Elena Brunet/Le Nouvel Observateur Les temples du Grand Orient de France ouvriront leurs portes pour l’opération « Paris Face Cachée » Elena Brunet/Le Nouvel Observateur
« Il n’y a pas de secrets chez les franc-maçons ! », dixit le Grand Orient de France. Critiqués pour leur opacité, les francs-maçons veulent aujourd’hui entrer dans une nouvelle ère de transparence et se dévoilent aux profanes pour en finir avec les mythes et légendes qui attisent les fantasmes conspirationnistes.
Pour la deuxième année consécutive, le Grand Orient de France, principale et plus ancienne obédience maçonnique d’Europe continentale ouvre ses portes au public dans le cadre de l’opération « Paris Face Cachée », en partenariat avec la Mairie de Paris. L’occasion de pénétrer dans l’univers ésotérique de la confrérie historique.
La visite de la Première Grande Loge de France est déjà complète pour les visiteurs, mais « Le Nouvel Observateur » vous fait partager les coulisses de ce lieu empreint de mysticisme et de symboles.
Le 16, rue Cadet
Loin d’être cachés, à Paris, les francs-maçons ont pignon sur rue. Depuis le milieu du 19ème siècle, le « Grand Orient de France », qui rassemble plus d’un tiers des 150.000 francs-maçons de l’hexagone, a élu domicile dans cet ancien hôtel particulier en plein centre de la capitale. L’immeuble abrite aujourd’hui le Musée de la Franc-Maçonnerie, ouvert au public tous les jours, mais aussi tous les lieux de vie de l’activité maçonnique, réservés aux initiés.
Chaque jour, plusieurs centaines de membres des différentes loges se réunissent au sein des 20 temples que compte l’édifice. Groupes de réflexion philosophique et philanthropique, les loges sont aussi des réseaux d’influence dont l’identité des membres est tenue secrète. De quoi alimenter les rumeurs sur les tenants et aboutissants de ce prestigieux « réseau social » qu’est la franc-maçonnerie.
Visite guidée avec Thierry Cuzin, chargé des Publics et Ronan Loaec, Grand officier chargé de la communication.
1 Le Grand Temple
L’ancienne salle de bal de l’hôtel particulier est le plus grand temple du bâtiment. Il porte le nom du père du Code du Travail, Arthur Groussier, « initié » dans ces murs avec d’autres illustres francs-maçons de Jules Ferry à Emile Littré.
Le temple est aujourd’hui davantage un lieu de prestige et d’apparat où se tiennent les colloques, mais plus les cérémonies. Rénovée à l’identique après un incendie, son aspect est resté intact depuis le milieu du 19ème siècle.
Décorée dans le style années folles, la salle renferme tous les éléments de la symbolique maçonnique.
Une immense fresque surplombe le foyer, allégorie féminine portant haut le triangle sacré. Symbole du Dieu trinitaire, il rappelle la grande composante religieuse originelle de la Franc-Maçonnerie, bien que le Grand Orient soit, lui, fondamentalement athé.
Nombre de symboles de l’iconographie maçonnique, « ont la signification qu’on veut bien leur donner », explique Thierry Cuzin, qui connaît les lieux dans ses moindres recoins.
Les symboles sont surtout des éléments destinés à faire travailler l’imagination, des sources de méditation sur lesquels les maçons sont invités à réfléchir. »
S’ils ont parfois un sens historique immuable, les symboles sont d’avantage des supports de l’enseignement ésotérique délivré dans les Temples, explique le guide. L’apprenti doit « se construire » en vue d’oeuvrer pour le progrès de l’humanité.
Souvent comparée à une secte, la Franc-Maçonnerie s’en défend en argumentant qu’il est difficile d’y entrer et facile d’en sortir. Seules les cotisations annuelles (environ 300 à 400 euros) sont demandées aux membres de l’association loi 1901, se défend à ce propos Ronan Loaec.
2 Le temple traditionnel
Chaque loge, qui compte en moyenne une quarantaine de membres, se réunit environ deux fois par mois pour les « tenues » (les réunions). Les temples sont aussi le théâtre des rites, ensemble de cérémonies codifiées pour l’initiation des apprentis.
« Les pratiques ont changé au fil du temps mais dans certaines loges, les rituels ont encore une saveur très 18ème », confirme Ronan Loaec. A ce propos le Grand officier affirme que les « maitres » ne portent pas dans les temples les costumes que les légendes leur prêtent, mais des tenues de ville.
Tous les temples sont aménagés sur le même modèle, orientés dans le temps et l’espace. Le président, qui est chargé d’administrer la vie du Temple, se place à l’Est, là où se lève le soleil, tandis que les maçons se font face, pour « se construire dans le regard de l’autre », explique Thierry Cuzin. Même la manière de se déplacer ici est codifiée : « on n’avance pas de façon anarchique ».
Le fil de plomb qui descend du plafond marque la verticalité en construction et figure pour notre guide une forme d’introspection, car « on descend profond en soi ». L’œil, le damier, la lune et le soleil … ici tout n’est que symbole.
Ils font souvent référence aux outils des maçons « constructeurs », comme sur les escaliers qui mènent au foyer, où deux pierres sont posées à même le sol. Une pierre brute et une pierre taillée extraite de la pierre brute qui forment une allégorie du travail sur soi-même exercé par le franc-maçon.
3 Le temple nouveau
Désuet l’univers des Francs-Maçons ? Le siège du Grand Orient de France réserve encore quelques surprises. Comme ce temple « contemporain », qui évoque plus un bar de galerie d’art moderne qu’un lieu de culte. Mobilier design, fresques arty, on peine à croire que le lieu tient la même fonction que les temples traditionnels. Mais on y retrouve bien tous les éléments symboliques du temple maçonnique classique.
« Les maçons vivent dans leur temps, ils sont des hommes du monde. On ne va pas reconstruire le temps comme au 18ème siècle. », assure Thierry Cuzin.
Transparence et modernité, c’est la nouvelle image que veulent promouvoir les Francs-maçons. Si la confrérie reste ancrée dans des traditions centenaires, elle s’est adaptée, du moins en partie, au fil du temps.
Ainsi, depuis 2010, les femmes ont fait leur entrée rue Cadet. Mais la mixité met du temps à s’installer dans cette institution vielle de 300 ans et la Loge ne compte aujourd’hui que 2.000 femmes pour 52.000 hommes.
La diversité peine aussi à s’établir dans la confrérie: pas de rmistes ou de smicards dans les rangs des francs-maçons, et très peu de jeunes, « peu portés sur les questions existentielles ». Pourtant le Grand Orient de France l’affirme, la franc-maçonnerie a vocation d’ »accueillir tout le monde, pour travailler sur le grand chantier de l’humanité toute entière. » Une gageure.
Elena Brunet – Le Nouvel Observateur
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