Côte d’Ivoire : Derrière le maquillage diplomatique de la BAD, l’économie demeure profondément fragile sur le plan structurel (Tribune)

Par Dr Touré

Le Rapport Pays 2025 de la Banque africaine de développement s’inscrit dans une narration institutionnelle et diplomatique qui met en avant la résilience macroéconomique de la Côte d’Ivoire et la soutenabilité apparente de sa trajectoire budgétaire. Toutefois, cette lecture, largement fondée sur des agrégats nominaux, tend à occulter des fragilités structurelles plus profondes. L’objectif de mon analyse critique en cours est de démontrer que la stabilité macroéconomique mise en avant par la BAD, à l’instar d’autres institutions internationales telles que le FMI, ne constitue pas en l’état une garantie de développement durable, mais relève plutôt d’un équilibre conditionnel, exposé à des ruptures économiques et sociales potentielles.

À la lumière du modèle de croissance de Solow, la dynamique économique ivoirienne apparaît dominée par l’accumulation du capital, en particulier public, et par un recours accru à l’endettement. Le rapport reconnaît implicitement l’absence de gains significatifs de productivité totale des facteurs, pourtant indispensables à une convergence durable vers des niveaux de revenu plus élevés. La structure productive demeure faiblement diversifiée, marquée par une dépendance persistante aux secteurs primaires et aux services à faible intensité technologique. Cette configuration limite les effets d’entraînement sur l’emploi qualifié et explique la faible élasticité de la croissance à l’emploi observée. Dans ces conditions, la croissance ivoirienne demeure essentiellement quantitative plutôt que qualitative, ce qui fragilise sa soutenabilité à long terme.

Soyez vigilants! le rapport ne propose ni contre-factuels, ni scénarios alternatifs permettant d’évaluer la résilience de l’économie ivoirienne face à des chocs exogènes. Les hypothèses de soutenabilité budgétaire et de stabilité macroéconomique sont ainsi construites sur des trajectoires tendancielles, sans tests de sensibilité rigoureux aux variations des taux d’intérêt internationaux, des termes de l’échange ou de la demande extérieure. Cette approche descriptive, davantage normative qu’analytique, affaiblit la crédibilité empirique du rapport et tend à transformer un exercice d’évaluation économique en un document de conformité institutionnelle plutôt qu’en une analyse scientifique pleinement probante.

Dr Touré Aboubacar

Economiste

Commentaires Facebook

Laisser un commentaire