Bénin: après le putsch manqué, Talon est le premier responsable…Vers plus de coups d’État en Afrique ?

La fin du «modèle béninois» et l’heure des comptes

Quarante-huit heures après la tentative de coup de force à Cotonou, le temps n’est plus seulement au soulagement mais à l’autopsie d’une faillite politique et sécuritaire, analyse Afrik.com. Car au-delà de l’échec opérationnel des mutins, un symbole vient de s’effondrer : celui du « modèle béninois », longtemps présenté comme une exception démocratique dans une région sahélienne secouée par les putschs. Cette image, déjà fragilisée, montre désormais ses limites les plus profondes.

Talon, l’ingénieur d’une dérive politique silencieuse ?

Depuis son arrivée au pouvoir en 2016, Patrice Talon a opéré un bouleversement doctrinal majeur : réduction du pluralisme politique et restriction des libertés publiques, au nom de l’efficacité économique et de la modernisation du pays. Un pacte que le pouvoir présentait comme rationnel, presque nécessaire.

Mais pour Afrik.com, ce putsch avorté révèle que cette logique est arrivée en bout de course.
Même le cœur des forces sécuritaires, traditionnellement loyales, n’y adhère plus entièrement. « La prospérité macroéconomique vantée par le régime ne ruisselle pas assez vite pour apaiser les frustrations sociales — ni celles désormais visibles au sein des ‘corps habillés’ », écrit le site.

En verrouillant progressivement l’espace électoral — exclusion de l’opposition radicale aux dernières législatives, entraves à la présidentielle de 2026 — le pouvoir aurait même créé les conditions d’un retour du spectre militaire.
« Lorsque l’urne est cadenassée, le fusil devient tentant », résume Afrik.com.

Au Burkina, la presse parle d’un « avertissement sans frais »

Pour Le Pays (Burkina Faso), l’enjeu principal désormais est de savoir si le président béninois saura tirer les leçons de cet épisode. Les frustrations sont nombreuses : emprisonnements d’opposants, marginalisation du parti « Les Démocrates » de Boni Yayi, crispation préélectorale… Autant d’éléments qui alimentent les accusations de dérive autoritaire contre Talon.

La France, acteur discret mais déterminant

Jeune Afrique éclaire un volet crucial : l’implication française.
Dès les premières heures du soulèvement, Emmanuel Macron est informé. Un échange téléphonique a lieu avec Patrice Talon. Selon les informations du média, Paris avait déjà prépositionné des forces spéciales à Cotonou, prêtes à intervenir. Le président français a également sollicité Bola Tinubu, président du Nigeria, pour soutenir les demandes béninoises.

Les renseignements français ont fourni un appui technique aux forces de sécurité locales : assistance dans les combats autour de la présidence et de la télévision nationale, survol répété de Cotonou par un avion de surveillance, coordination étroite grâce aux accords militaires franco-béninois datant de 1977.

Vers plus de coups d’État en Afrique ?

Dans Le Monde Afrique, le politologue Achille Mbembe replace l’épisode béninois dans une dynamique continentale plus large. Pour lui, l’Afrique vit non pas une « crise de la démocratie » — qui n’a presque jamais existé selon lui — mais une crise profonde du multipartisme.

Les systèmes politiques issus des années 1990 n’étaient, dit-il, qu’une façade.

Les institutions héritées de la colonisation demeurent : « conçues pour commander et non pour dialoguer ». Faute de traiter politiquement les conflits sociaux, elles produisent mécaniquement de la violence. Mbembe prévient : « Tant qu’on ne s’attaquera pas au système, la dynamique se poursuivra. Dans les temps à venir, nous allons assister à davantage de coups d’État en Afrique. »

Avec RFI

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