
- L’Agef cité
Ebimpé, Côte d’Ivoire – Un profond sentiment d’injustice a éclaté au grand jour ce week-end à Ebimpé, où les propriétaires terriens du village ont organisé un sit-in inédit sur le chantier de construction de nouveaux bâtiments réalisés par la société Alliances-CI.
Le mouvement, pacifique mais déterminé, a finalement provoqué l’arrêt complet des travaux, révélant au public une tension longtemps tue.
« Nous sommes chez nous, mais nous ne récoltons rien » : un cri de détresse
Au cœur de cette crise : les droits coutumiers, ces compensations destinées aux familles détentrices des terres avant leur aménagement. Selon les représentants du Collectif, la majorité des propriétaires n’a jamais perçu l’intégralité de ce qui leur avait été promis, malgré plus de dix ans d’attente, de réunions et d’espoirs déçus.
Sur le chantier, certains propriétaires avaient les larmes aux yeux :
« Ce sont les terres de nos ancêtres. Nous avons accepté le développement, mais pas qu’on nous humilie. Nous voulons juste ce qui nous revient », lance une femme d’un certain âge, la voix serrée par l’émotion.
Les manifestants se disent épuisés, délaissés, et trahis par un système qu’ils ont pourtant toujours respecté.
Alliances-CI se défend : « Nous avons versé la totalité des droits »
De son côté, la société Alliances-CI assure avoir respecté toutes ses obligations.
Dans une communication adressée à la presse, l’entreprise à capitaux marocains affirme avoir versé l’intégralité des droits coutumiers à l’AGEF (Agence de Gestion Foncière), structure étatique chargée de purger les droits coutumiers des ayant-droits. Mais sur le terrain, une réalité différente se constate :
De nombreux propriétaires affirment n’avoir rien reçu, ou seulement une petite partie des montants attendus.
Pour eux, le nœud du problème est simple. Il relève d’une logique :
« Si Alliances a payé, pourquoi l’argent ne nous parvient pas ? Qui le bloque ? Qui détourne ? Qui nous ment ? »
L’absence d’une réponse claire renforce la colère et la méfiance.
Un malaise profond : quand les projets avancent mais que les vies restent bloquées
Ce sit-in n’est pas un simple mouvement d’humeur. Il traduit une douleur sociale, celle de familles qui voient leurs terres transformées en immeubles modernes… alors qu’elles-mêmes vivent encore dans l’incertitude, parfois sans compensation, parfois sans logements décents, alors même que ce sont leurs terres qui servent de fondement à ces chantiers. Pour beaucoup, l’arrêt des travaux est un symbole
« Si nos droits sont ignorés, le chantier ne peut pas avancer. Le développement doit être juste, pas à nos dépens. »
La population demande une médiation urgente. Face au blocage, les propriétaires appellent l’État, les autorités coutumières et les institutions foncières à ouvrir un dialogue transparent. Le collectif insiste sur la nécessité d’un audit indépendant – sur l’identification claire des montants réellement versés et sur la répartition effective et équitable des droits coutumiers
Une affaire qui dépasse Ebimpé
Cette crise met en lumière une problématique nationale : la gestion des droits coutumiers dans les grands projets immobiliers en Côte d’Ivoire. Chaque année, des centaines de familles cèdent leurs terres à des promoteurs, espérant une vie meilleure. Mais trop souvent, les compensations se perdent entre administrations, commissions et mauvaises pratiques. Le cas d’Ebimpé, désormais sous les projecteurs, pourrait devenir un dossier test pour toute la gestion foncière du pays. En attendant… le chantier est silencieux. Ce lundi matin, les machines sont à l’arrêt. Le béton ne coule plus. Les échafaudages sont vides. Et au milieu du chantier figé, un panneau improvisé résume la situation : « Pas de justice, pas de chantier. »
Le sit-in des propriétaires terriens d’Ebimpé n’est pas seulement un conflit financier. C’est un cri du cœur, celui de familles qui demandent transparence, respect et dignité. La balle est désormais dans le camp des autorités compétentes, qui devront clarifier ce dossier… avant que la colère ne se transforme en désespoir.
Une correspondance particulière de Eve Ado à Ebimpé






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