Par BA Oulagoué – Ingénieur/ expert Développement Durable et Environment
Atténuation, adaptation, solidarité internationale : le trentième sommet climatique international, n’aura pas produit d’avancées. Les décisions actées restent vagues.
Sa présidence brésilienne avait placé la barre très haut. Le sommet climatique de Belem devait être la « COP de la vérité et de la mise en œuvre ».
Au terme de deux semaines de négociation, le verdict est sans appel : le président André Corrêa do Lago a échoué sur les deux tableaux.
Samedi 22 novembre, durant l’ultime séance plénière, le diplomate brésilien a ignoré les objections que plusieurs délégués nationaux nourrissaient vis-à-vis de textes importants portant sur l’atténuation (la baisse des émissions de gaz à effet de serre) et l’adaptation aux effets du réchauffement climatique.
Dans une COP onusienne, les décisions sont prises par consensus. Le refus d’un seul suffit à retoquer un texte. Le patron de la COP 30 a passé outre les oppositions, quitte à s’excuser par la suite.
La mise en œuvre n’était pas non plus au rendez-vous.
Avant même l’ouverture du sommet amazonien, André Corrêa do Lago, vieux routier de la diplomatie climatique, avait fixé ses priorités : que les parties (les pays ayant ratifié l’accord de Paris) renforcent leurs ambitions, expliquent comment la communauté internationale consacrera 1 300 milliards de dollars par an au climat à partir de 2035, et s’accordent sur les indicateurs de suivi de leur politique d’adaptation.
« Accord sans ambition »
Aucun objectif révolutionnaire là-dedans : il ne s’agissait là que d’appliquer des décisions prises lors des COP de Dubaï (2023) et de Bakou (2024). La Seleção Brasileira proposait aussi d’ordonner l’Agenda de l’action. Dit autrement : de vérifier la réalité des promesses de baisse d’émission ou d’injection d’argent faites depuis la COP de Lima de 2014 par les Etats et les acteurs non étatiques (entreprises, territoires subnationaux). Parallèlement à ce cadre onusien, Brasília entendait lancer sa Tropical Forest Forever Facility (TFFF), projet de vastes fonds financiers dédiés au financement des forêts tropicales.
Côté atténuation : c’est le calme plat. Les contributions nationales volontaires déposées ces dernières semaines par les Etats (NDC 3) manquent cruellement d’ambition, malgré les suppliques de la diplomatie brésilienne.
Selon une évaluation faite par les scientifiques de Climate Action Tracker, ces esquisses de politiques climatiques nous mènent à un réchauffement global de 2,6 °C. Soit 0,6 à 1 °C de plus que les objectifs fixés par l’accord de Paris.
Adopté , après un long processus itératif, la décision « couverture » de la COP 30 a renforcé la déception de la plupart des représentants des parties. Sur huit pages, le Global Mutirão – « l’effort de tous », en portugais brésilien – ne propose qu’un catalogue de vagues idées (« l’accord de Paris fonctionne ») et de concepts actés lors de précédentes COP (stopper la déforestation en 20301, préparer la sortie des énergies fossiles)2.
Sans oublier de donner quelques coups de griffes aux pays les plus industrialisés, coupables de n’avoir pas réduit de 25 % à 40 % leurs émissions entre 1990 et 2020, comme les y avait invité le Giec.
« C’est un accord sans ambition, mais qui ne comporte pas de choses inadmissibles », commente Monique Barbut, ministre française de la Transition écologique.
L’ancienne patronne de la convention de l’ONU sur la désertification regrette cependant le peu de cas fait à la sortie des énergies fossiles. De fait, le texte mentionne juste le « Consensus des Émirats arabes unis », adopté lors de la COP 28.
Une trentaine de décisions
Cette absence explicite des hydrocarbures est le résultat d’intenses pressions exercées sur la présidence par l’Arabie saoudite, la Russie, l’Inde et plusieurs pays du Golfe arabo-persique. « Je sais que certains d’entre vous avaient de plus grandes ambitions », a reconnu André Corrêa do Lago, après le vote. Et le diplomate sait de quoi il parle. Car, lui aussi, a avalé des couleuvres.
Imaginé par ses collaborateurs, l’appel au libre accès aux matériaux stratégiques pour la transition énergétique (les terres rares, par exemple) a été biffé de la version finale du texte, suite aux interventions de la Chine. Les questions de financement à long terme (les fameux 1 300 milliards de dollars par an à l’horizon de 2035) ont été traitées par un simple rapport resté sous les radars. L’échéance pour tripler les financements dédiés à l’adaptation a été reculée de cinq ans.
Tout n’est pourtant pas à jeter parmi le paquet de la trentaine de décisions prises à Belem. Des groupes de travail sur la lutte contre la déforestation, sur la sortie des énergies fossiles ont été créés, avec des échéances pour rendre leur copie. Les diplomates brésiliens ont aussi fait voter l’idée d’un « accélérateur de la mise en œuvre volontaire », ainsi qu’une mission vers la stabilisation du réchauffement à 1,5 °C.
« Cela peut sembler vague, concède Paul Watkinson, ancien chef de l’équipe de négociation française. Et je souhaite voir comment nous pourrions les transformer en vecteurs de coopération et de collaboration en matière d’atténuation et d’adaptation. »
De son côté, la Colombie veut organiser, en avril 2026, la première conférence internationale sur la sortie du pétrole, du gaz et du charbon, dont elle est pourtant grande consommatrice et exportatrice.
Une COP n’est pas un lieu où l’on ne parle que d’énergies et de finances climat. Elle est aussi une arène où s’affrontent les courants de pensée du moment. Samedi, certains gouvernements conservateurs, tels ceux du Vatican, du Paraguay, de l’Argentine ou de la fédération de Russie, ont bataillé pour s’assurer que le plan d’action sur le genre (PAG) ne concernerait que les hommes et les femmes. Ce pinaillage en a fait bondir plus d’un.
« L’égalité des genres n’est pas un simple ajout à la politique climatique, c’est un critère de son efficacité. Lorsque les femmes et les personnes de diverses identités de genre sont impliquées, les politiques climatiques sont plus ambitieuses, plus inclusives et plus durables », a rappelé Mary Robinson, Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.
Prévoyant notamment de renforcer l’éducation des femmes et leurs possibilités de prendre des responsabilités dans l’action climatique, le PAG a été adopté par consensus.
Y a-t-il un leader dans la COP ?
Belem : un bilan en demi-teinte ? Sans doute. Comme souvent. Cela étant, le trentième sommet climatique mondial marque une évolution inquiétante : l’absence de leadership. Jusqu’à cette année, les discussions étaient guidées par Washington, Bruxelles et Pékin. Sans ce trio gagnant, l’accord de Paris n’aurait pas été conclu, en 2015.
Depuis, l’équipe de choc a volé en éclat. Les Etats-Unis de Donald Trump sont aux abonnés absents. La Chine œuvre dans l’ombre pour faire passer ses messages. L’Europe est seule, contestée et inopérante.
Ses menaces de bloquer l’adoption d’une décision chapeau qui ne mentionnerait pas explicitement les énergies fossiles ont été ignorées par le Brésil. Avec une poignée de pays volontaires, comme le Royaume-Uni, l’Australie ou le Canada, les « 27 » sont les seuls pays à avoir fixé des objectifs explicites d’aide financière aux pays les plus vulnérables. Des montants (de plus en plus) limités et toujours jugés insuffisants par les 93 membres de l’AOSIS4 et du groupe africain.
Son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, pilier de son Pacte Vert, est voué aux gémonies dans le Global Mutirão (« l’effort de tous »). Mauvais signe ? Sébastien Treyer s’en défend.
« Les stratégies industrielles des pays, inextricablement liées aux enjeux d’industrialisation verte, sont en conflit plutôt qu’en coordination. Les parties affirment qu’elles veulent apaiser la situation », se félicite le directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
La COP a d’ailleurs prévu l’ouverture d’un dialogue entre le secrétariat de la convention climat, l’Organisation mondiale du commerce, le centre du commerce international et l’agence de l’ONU pour le commerce et le développement pour atténuer les antagonismes entre business et climat. Il n’est que temps.






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