Par Fleur Kouadio

La visite officielle de Faure Essozimna Gnassingbé à Moscou ouvre une nouvelle phase dans les relations entre le Togo et la Russie. Durant cette rencontre, le 19 novembre 2025, les deux pays ont acté l’ouverture d’ambassades en 2026 et confirmé un accord militaire incluant l’accès réciproque aux ports militaires. Une annonce forte, mais dont les implications méritent d’être analysées à l’aune de la réalité sécuritaire régionale.
Cet accord s’inscrit dans une démarche assumée de diversification des partenaires du Togo. Depuis 2021, le pays subit une montée inquiétante des attaques terroristes dans la région des Savanes, frontalière du Burkina Faso. Les infiltrations venues du nord, la porosité des frontières et l’échec des pays de l’AES à contenir les groupes armés ont conduit la menace jusqu’aux États côtiers.
Le bilan est lourd: près de quarante militaires et une centaine de civils tués dès 2023, puis quinze attaques attribuées au JNIM pour cinquante-quatre victimes civiles rien que sur les premiers mois de 2025. Les engins explosifs improvisés, les attaques ciblées contre les FDS et les déplacements de population en provenance du Burkina Faso ont aggravé la situation.
Dans ce contexte, Moscou apparaît comme un partenaire alternatif. Mais l’exemple du Mali, du Burkina Faso ou du Niger montre que l’appui militaire russe n’a pas permis de stabiliser le Sahel. Au contraire, les opérations du groupe Wagner puis de l’Africa Corps ont été marquées par une faible efficacité et de graves violations contre les civils, contribuant à renforcer les groupes djihadistes.
L’accès aux ports militaires, présenté comme réciproque, semble surtout servir les objectifs géostratégiques de la Russie, qui cherche une présence durable dans le golfe de Guinée. Pour Lomé, les bénéfices sont beaucoup moins évidents. D’où la question centrale: jusqu’où le Togo peut-il s’appuyer sur un partenaire dont les résultats au Sahel sont largement contestés ?
Le gouvernement togolais semble pourtant privilégier une approche plus équilibrée. Le renforcement des postes opérationnels avancés, l’envoi de renforts militaires, la création du Comité Interministériel de Prévention et de Lutte contre l’Extrémisme Violent (CIPLEV) et le Programme d’Urgence pour les Savanes traduisent une volonté d’agir à la fois sur le terrain sécuritaire et sur les causes sociales de la vulnérabilité.
Ces efforts sont reconnus par les populations: d’après Afrobarometer, une majorité de citoyens estime que l’État agit efficacement. Face à cela, le rapprochement avec Moscou apparaît comme un pari diplomatique risqué : utile pour diversifier les alliances, mais potentiellement contreproductif si la Russie s’impose comme un acteur majeur dans une région où son bilan reste très mitigé.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info






Commentaires Facebook