Par Fleur Kouadio

Le Niger s’apprête à devenir le point de départ d’une opération hautement sensible autour de son uranium. Depuis le changement de pouvoir à Niamey, les relations avec la Russie se sont renforcées, au point de placer Moscou au cœur d’un dispositif destiné à sécuriser un accès direct aux ressources sahéliennes. Cette orientation s’est affirmée après la participation nigérienne au forum Atomexpo en 2024 et avec la multiplication des signaux montrant l’intérêt grandissant de Rosatom pour le Sahel.
En 2025, un séminaire organisé en Russie a confirmé cette dynamique. Malgré les limites structurelles du Niger (insécurité, manque d’infrastructures, faibles capacités techniques) la Russie ambitionne de bâtir un partenariat nucléaire régional. Un objectif qui s’explique surtout par la présence, sur le sol nigérien, de stocks importants de yellowcake immobilisés depuis la fermeture du corridor béninois. Une partie de ces stocks appartient à Orano, mais Niamey refuse de les restituer, au risque d’ouvrir un bras de fer juridique et diplomatique.
Selon plusieurs sources, un accord confidentiel aurait été conclu entre la junte nigérienne et Moscou pour l’exportation d’un millier de tonnes d’uranium, pour un montant estimé à 170 millions de dollars. Le contrat serait dépourvu de cadre réglementaire et contournerait une décision arbitrale internationale interdisant le transfert de l’uranium saisi. Le paiement, exigé en or et en liquide, ne serait effectué qu’à l’arrivée au port de Lomé.
Ce projet pose une série de défis sécuritaires. Impossible de transporter une telle cargaison par voie aérienne: le convoi devra traverser près de 2 000 kilomètres, d’Arlit à Lomé, en passant par Agadez, Niamey puis le Burkina Faso. La route programmée traverse des zones où les groupes armés affiliés au JNIM ou à l’État islamique sont particulièrement actifs. Embuscades, attaques de convois et usage d’explosifs artisanaux y sont fréquents. L’état critique de la route Tahoua–Arlit, indispensable au départ du transport, complique encore la situation. Un convoi lent, composé de plusieurs dizaines de camions, deviendrait une cible de choix pour les groupes terroristes.
L’arrivée au Togo soulève également des interrogations. La présence, au même moment, de navires russes dans le golfe de Guinée nourrit l’idée que Moscou chercherait à organiser une évacuation discrète de l’uranium. La Russie dispose déjà d’une flotte opérant dans la région, parfois associée à des mouvements de matériel sensible ou non déclaré. Cette coïncidence renforce les craintes d’un transfert opaque vers la filière nucléaire russe.
Pour Niamey, les enjeux sont lourds: violation du droit international, détérioration des relations avec ses voisins et exposition accrue aux risques terroristes. Le Togo, en acceptant le transit, pourrait être entraîné malgré lui dans une affaire juridiquement contestée. Pendant ce temps, la Russie consolide sa présence, notamment grâce à la création récente d’une compagnie maritime dédiée à ses activités en Afrique de l’Ouest.
Cette opération, si elle se confirme, place donc le Niger devant un dilemme majeur. Entre opportunités diplomatiques avec Moscou et risques stratégiques pour tout le Sahel, la route de l’uranium pourrait devenir l’un des points les plus sensibles de la région dans les mois à venir.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info






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