COP30 : Comment financer la transition climatique dans les pays en développement ?

Par Rémy BA, ingénieur/expert en environnement et développement durable

Financer la transition climatique dans les pays en développement nécessite près de 1 300 milliards de dollars par an. Si certains outils émergent, ils supposent une transformation profonde de l’architecture financière internationale pour garantir une répartition plus équitable des efforts.

Un enjeu central des négociations internationales

La capacité à mobiliser des financements climatiques pérennes pour les pays du Sud demeure l’un des déterminants majeurs du succès des COP. Cet enjeu est d’autant plus sensible que le contexte international se caractérise par une défiance américaine envers les processus onusiens, une fragmentation géopolitique croissante et une faible volonté des pays développés d’accroître leurs dépenses publiques, surtout lorsqu’il s’agit de soutenir d’autres nations.

Dans ce cadre, l’un des rares acquis de la COP29 de Bakou (2024) est l’engagement des pays développés à fournir au moins 300 milliards de dollars par an d’ici 2035, destinés à l’atténuation, l’adaptation et les soutiens connexes. Cet engagement représente un saut important par rapport au seuil des 100 milliards fixés à Copenhague (2009) et réaffirmés à Paris (2015).

Parallèlement, les négociateurs ont reconnu, sur la base des travaux du Groupe d’experts indépendants de haut niveau, que les pays en développement (hors Chine) auront besoin de 1 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 en financements externes publics et privés.

Résultat : même si les promesses de la COP29 étaient respectées, il subsisterait un déficit annuel d’environ 1 000 milliards de dollars. Par rapport aux financements climatiques réellement mobilisés en 2023 — environ 200 milliards, dont une grande partie sous forme de prêts non concessionnels —, l’écart atteint même 1 100 milliards.

À la COP30 : comment combler cet écart colossal ?

Ce déficit sera au cœur des discussions de la COP30 à Belém (10–21 novembre 2025), où différentes approches — parfois antagonistes — devraient être débattues.

Certains défendent l’idée que des incitations mieux conçues dans l’économie réelle pourraient naturellement réorienter les financements vers les économies en développement, notamment via un prix mondial du carbone ou la réallocation des subventions aux énergies fossiles vers les technologies vertes. Mais si les panneaux solaires ou les véhicules électriques deviennent de plus en plus compétitifs, cette approche souffre de limites sérieuses : impacts sociaux, résistances politiques, et surtout nécessité d’investissements publics massifs et d’une politique industrielle ambitieuse pour provoquer des transformations structurelles.

Les pays en développement doivent en outre surmonter deux obstacles majeurs :

  • l’accès restreint à un financement long terme et abordable ;
  • une vulnérabilité extrême aux impacts climatiques, qui renchérit leurs coûts d’emprunt et menace la viabilité de leur dette.

Un véritable cercle vicieux qui limite sévèrement leur capacité à attirer des financements externes.

Pistes « pragmatiques » : mécanismes innovants et fiscalité internationale

Face à cela, plusieurs propositions « pragmatiques » circulent pour renforcer rapidement les flux financiers sans bouleverser l’ordre financier mondial.

L’une des plus attendues est le Tropical Forest Forever Facility (TFFF), porté par le Brésil et dont le lancement est prévu à la COP30. Ce fonds mixte, d’environ 125 milliards de dollars, rémunérerait les pays qui préservent leurs forêts tropicales. Les investissements seraient placés sur les marchés financiers, et les rendements financeraient des paiements annuels pour la conservation.

Autre initiative en pleine montée : les contributions de solidarité mondiale (Global Solidarity Levies – GSL). Il s’agit de taxes nationales harmonisées au niveau international, destinées à financer des biens publics globaux. Une coalition de quatorze pays, dont la France, étudie leur potentiel.

Des prélèvements sur l’aviation internationale et le transport maritime pourraient générer 100 à 150 milliards de dollars par an, voire jusqu’à 400 milliards dans des scénarios ambitieux — soit 10 à 30 % de l’objectif annuel de 1 300 milliards. Des contributions sur les transactions financières, les grandes fortunes ou les exportations d’énergies fossiles offriraient des marges encore plus élevées.

Pour une refonte de l’architecture financière internationale

Ces mécanismes, bien qu’utiles, ne suffiront probablement pas. Ils risquent de n’apporter que des solutions partielles et de maintenir les asymétries Nord–Sud. D’où l’appel croissant à une refonte profonde de l’architecture financière mondiale, centrée sur les problèmes structurels de dette et de liquidité des pays du Sud, dont plusieurs sont proches du défaut de paiement.

La restructuration de la dette adossée à des engagements climatiques ou de biodiversité apparaît ainsi comme un levier essentiel : en convertissant une partie de leur dette en investissements verts, les pays très endettés pourraient regagner de la marge budgétaire tout en contribuant à la durabilité globale.

Une autre piste consiste à réaffecter les droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI vers des financements climat-nature. L’émission de 650 milliards de dollars durant la pandémie, soit l’équivalent de la moitié des besoins annuels estimés pour le climat, a montré le potentiel considérable de cet instrument s’il était orienté vers des objectifs écologiques.

Combinés stratégiquement, restructuration de dette et mobilisation de DTS pourraient également stimuler l’investissement privé.

Une transformation nécessaire, au-delà de la finance

Les innovations financières ne remplaceront pas les transformations profondes de l’économie réelle : renégociation des accords commerciaux, transferts massifs de technologies, réforme des systèmes alimentaires, etc. Mais elles peuvent considérablement améliorer l’accès des pays en développement à un financement climatique abordable, stable et aligné sur leurs trajectoires nationales.

L’enjeu est donc de concevoir les réformes financières non comme de simples outils techniques pour combler un déficit, mais comme des choix politiques déterminants, qui façonneront l’équité et l’efficacité d’une architecture financière internationale en pleine recomposition.

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