Ça commence par un nuage noir que l’on aperçoit dans le ciel. Et puis on le voit s’approcher en grossissant. Pendant ce temps, la température s’est radoucie. Un vent frais a pris la place de l’air chaud qu’il y avait auparavant. Et puis tout le ciel devient noir et une forte pluie accompagnée de vents très violents tombe brutalement, emportant parfois tout sur son chemin. C’est ce qui se passe actuellement au Parti démocratique de Côte d’Ivoire, le vieux PDCI, le parti historique créé par Houphouët-Boigny.
Cela a commencé par la désignation du nouveau président, après le décès d’Henri Konan Bédié. Il avait pour secrétaire exécutif Maurice Kacou Guikahué, qui se voyait bien prendre la place de celui que l’on avait surnommé le Sphinx. Mais sa candidature fut rejetée par son parti au motif qu’il avait des ennuis judiciaires à la suite de la création du fumeux Conseil national de transition lors de l’élection présidentielle de 2020.
Certains avancèrent que c’était plutôt parce qu’il n’était pas assez fortuné ou pas du tout Baoulé, puisque le parti, qui autrefois était national, se recroquevillait désormais sur l’ethnie de l’ancien président Bédié et de son fondateur. L’on estimait que la grosse masse des militants devait se reconnaitre dans son président. Au moins au niveau ethnique. Thiam qui prétendait à ce poste, bien qu’il n’ait plus remis les pieds au pays depuis plus de 20 ans avait l’avantage d’avoir beaucoup d’argent et du sang baoulé. Et quel sang ! Celui d’Houphouët-Boigny, le prophète des Baoulé.
Thiam fut donc élu président du parti, bien qu’il ne remplisse pas tous les critères pour l’être, notamment la présence de dix ans au bureau politique. Il fit de Guikahué son conseiller politique, et on le vit diriger le parti, en commettant erreurs sur gaffes. Guikahué finit par s’énerver et démissionna de son poste de conseiller du chef. Parce que, disait-il, il découvrait certaines décisions de celui qu’il était censé conseiller dans la presse, comme n’importe qui. Et il pointa aussi du doigt certaines incongruités telles que l’organisation d’un congrès sans la mise en place d’un bureau.
Le temps passa et l’on n’entendit plus que le silence plus qu’assourdissant de Guikahué. Jusqu’au choix des candidats aux élections législatives. Guikahué, le vieux cacique, le pilier du PDCI, l’ancien président du Mouvement des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (MEECI), l’ancien médecin personnel d’Houphouët-Boigny, l’ancien secrétaire exécutif du PDCI sous Bédié, n’avait pas été retenu pour être le candidat du parti dans son fief de Gagnoa. A sa place, l’on avait choisi le chef des Baoulé et Agni de Gagnoa. Ce qui voulait dire en filigrane que lui, Guikahué avait été écarté parce que non Baoulé. Alors, non retenu par son parti, Guikahué ne se retint pas non plus. Il déballa tout sur les antennes de 7 Info. Entre autres, que Thiam avait été élu à la tête du PDCI alors qu’il ne remplissait pas toutes les conditions d’éligibilité, ce que tout le monde savait, que Bédié avait hésité à l’intégrer au bureau politique, sans doute parce qu’il avait déjà compris ses ambitions, que l’article 48 qui l’avait empêché de se présenter à la présidentielle avait déjà été utilisé par le même PDCI contre Déjni Kobina, qu’on avait préféré le président des Baoulé et Agni de Gagnoa comme candidat de Gagnoa, au lieu de lui Guikahué, etc. La réaction du PDCI ne se fit pas attendre. Il pondit aussitôt un long communiqué pour répondre aux accusations de Guikahué, en le taclant même sur sa loyauté envers son propre parti.
Ainsi peut-on lire ces lignes dans le communiqué : « en 1999 puis en 2000, au lendemain du coup d’Etat qui a renversé le PDCI-RDA, il a ouvertement milité en faveur du choix du Général Robert Guéï comme candidat du PDCI-RDA. Devant le refus des militants, il s’est résolu à soutenir et à mener la campagne du Général Robert Guéï, à l’élection présidentielle de 2000, un fait aujourd’hui aisément vérifiable. » D’autre part le parti dénonce ce qu’il appelle la dérive identitaire de Guikahué en ces termes : « le parti dénonce avec fermeté les tentatives de M. Guikahué de transformer une frustration personnelle en tension communautaire. En cherchant à opposer les Baoulés, Agnis et Bétés dans sa localité, M. Guikahué franchit une ligne rouge que le PDCI ne tolèrera jamais. »
Le moins que l’on puisse dire est qu’il pleut très fort en ce moment sur le vieux parti, et il est certain qu’il n’en sortira pas indemne. Lorsqu’une telle crise vient s’ajouter à la gestion plus qu’hasardeuse d’un président fantôme que l’on ne voit plus dans le pays, il est à craindre que les jours du PDCI-RDA ne soient désormais comptés.
Venance Konan






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