Par Fleur Kouadio

Depuis plusieurs années, le Mali est devenu un terrain où se croisent ambitions politiques, enjeux sécuritaires et appétits économiques. Dernier acteur à s’affirmer sur ce front: la Russie, dont la présence, d’abord militaire, s’étend désormais au secteur des ressources naturelles. Sous couvert de coopération stratégique, Moscou construit progressivement une influence qui dépasse le simple cadre sécuritaire.
La Russie s’est installée au Mali à un moment où l’État cherchait des partenaires capables de compenser le retrait français. Cette présence s’est matérialisée par l’arrivée de formateurs, de conseillers militaires et de contingents issus de structures comme Wagner puis Africa Corps. Mais la dimension sécuritaire n’est qu’un volet d’un projet plus large pour accéder aux richesses du sous-sol et peser sur les routes commerciales ouest-africaines.
Dans le secteur aurifère, Moscou a multiplié les accords. Le partenariat autour d’une raffinerie d’or près de Bamako illustre cette stratégie. Officiellement, l’objectif est de réduire l’exportation de minerai brut et d’augmenter la valeur ajoutée locale. Dans les faits, la Russie obtient un accès privilégié à l’un des secteurs les plus lucratifs du pays. Les capacités de production annoncées dépassent largement les besoins maliens, signe que l’ambition dépasse le cadre national pour viser un rôle régional.
Cette logique s’inscrit dans une stratégie plus vaste: établir au minimum un arc d’influence s’étendant jusqu’à l’Atlantique. Pour Moscou, contrôler des points d’appui en Afrique de l’Ouest ne signifie pas seulement disposer de partenaires politiques, mais aussi sécuriser des corridors logistiques capables d’alimenter son économie et de contourner les sanctions internationales. Les ports de la côte ouest, les routes d’exportation et les passerelles minières deviennent alors des éléments essentiels d’une politique d’influence assumée.
Pour le Mali, ce partenariat offre des avantages immédiats: soutien militaire, nouveaux projets industriels, discours sur la souveraineté retrouvée. Mais cette relation pose aussi des interrogations. Le pays dispose-t-il réellement d’une marge de manœuvre dans ces accords ? Les compétences locales profiteront-elles de cette coopération ou restera-t-elle largement pilotée de l’extérieur ? À terme, la concentration de ces chantiers entre les mains d’un acteur étranger pourrait limiter les possibilités de diversification diplomatique ou économique.
Les autorités cherchent désormais à élargir leurs alliances, notamment vers la Turquie et certains partenaires européens. Ce rééquilibrage témoigne d’un début de prudence face à une coopération russe dont les limites apparaissent dans le domaine sécuritaire comme dans celui de l’exploitation des ressources.
La stratégie de Moscou semble claire: consolider sa présence au Sahel, s’assurer des relais économiques et s’ouvrir une fenêtre sur l’Atlantique. Le Mali, au cœur de cette ambition, a le choix de transformer cette coopération en véritable opportunité ou de risquer de devenir un maillon dépendant d’une stratégie qui le dépasse.
FK






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