Sénégal : la rupture s’installe entre Diomaye Faye et Ousmane Sonko

Arrivés au pouvoir en mars 2024 sur une promesse de rupture, d’éthique et de refondation institutionnelle, le président Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre, Ousmane Sonko, affichent désormais des divergences qui ne sont plus dissimulées. Ce qui n’était, il y a quelques semaines encore, qu’un murmure dans les cercles politiques de Dakar s’est mué en une véritable crise au sommet de l’État.

Des tensions désormais visibles

Les deux têtes de l’exécutif, alliés historiques et figures emblématiques du Pastef, partagent une légitimité forgée dans leur combat contre l’ancien régime. Mais depuis leur accession aux responsabilités, leurs visions du pouvoir semblent s’éloigner.

Selon des sources proches du palais présidentiel, Bassirou Diomaye Faye cherche à consolider son autorité en reprenant la main sur la coalition multipartite qui l’a porté à la magistrature suprême. Ousmane Sonko, lui, mise sur son influence organique : une base militante extrêmement mobilisée, structurée et conquise à son discours souverainiste et panafricain.

Un meeting qui change la donne

Le 8 novembre, Ousmane Sonko a tenu à Dakar un rassemblement d’envergure, véritable démonstration de force politique. Plusieurs dizaines de milliers de sympathisants ont répondu présents, galvanisés par les appels du premier ministre à une rupture totale avec les anciens modèles de gouvernance, jugés dépendants, inefficaces et contraires aux aspirations populaires.

Ce discours, interprété par plusieurs observateurs comme un message adressé autant à ses adversaires qu’au président lui-même, a marqué un tournant.
Quelques jours plus tard, lors d’une cérémonie officielle en présence de Bassirou Diomaye Faye et du président de la Guinée-Bissau, Sonko enfonçait le clou : « Si les réformes tardent, les peuples les feront à leur place. »
Une phrase lourde de sens, perçue comme une mise en garde à peine voilée.

La présidentielle 2029 déjà en toile de fond

Un proche du président résume cette montée des tensions d’une formule lapidaire :
« La bataille pour 2029 a commencé, et ce que nous voyons n’en est que la bande-annonce. »

Pour nombre d’analystes, ce duel latent s’explique par la recomposition rapide du paysage politique sénégalais.
Diomaye Faye entend incarner la continuité institutionnelle, la stabilité et un leadership modéré ; Sonko, longtemps entravé par ses démêlés judiciaires, n’a jamais renoncé à son ambition : devenir président.
Ce qui apparaissait comme une complémentarité naturelle durant la campagne de 2024 se transforme désormais en rivalité assumée.

Un exécutif fragilisé ?

Cette fracture au sommet de l’État pose la question de la capacité du gouvernement à mener les réformes profondes promises aux Sénégalais.
Pour certains, cette dualité, amplifiée par les réseaux sociaux et les positionnements internes, risque d’entraver l’efficacité de l’action publique.
D’autres y voient une clarification nécessaire : chaque figure devra désormais expliciter sa ligne, ses objectifs, et son ambition devant l’opinion.


Une chose est sûre : l’harmonie affichée lors de l’alternance historique de 2024 semble désormais révolue. Le Sénégal entre dans une phase politique plus incertaine, où ambitions personnelles, enjeux de leadership et perspective de 2029 redessinent les contours du pouvoir.

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